Modifié

En Europe aussi, les conditions sont propices à l'apparition de méga-feux

Des incendies frappent régulièrement le pourtour méditerranéen, comme ici en août 2019 au Portugal. [AFP - Patricia de Mela Moreira]
L'Europe pourrait elle aussi être menacée par les incendies qui frappent la Côte ouest des Etats-Unis / La Matinale / 1 min. / le 15 septembre 2020
Les "méga-feux" qui ravagent la côte ouest des Etats-Unis sont notamment le fruit d'une sécheresse chronique. Elle ne concerne pas que la Californie: le pourtour méditerranéen est souvent touché lui aussi et la tendance est durable, estiment les spécialistes des forêts.

Les gigantesques incendies qui touchent la façade pacifique des Etats-Unis ont déjà brûlé plus de deux millions d'hectares de forêts en Californie, en Oregon et dans l'Etat de Washington. Le bilan humain est lourd, avec une trentaine de morts et des évacuations massives.

>> Plus de détails dans notre article : "Ca finira par refroidir", lance Trump. "Pyromane du climat", répond Biden

L'Europe, elle aussi, a connu son lot d'incendies de grande ampleur ces dernières années, en Espagne, au Portugal, en Turquie et en Grèce notamment. Pour les experts, les causes de ces méga-feux sont multiples et semblables à celles des incendies sur la Côte ouest américaine.

Trop de combustible naturel

"Le territoire n'est plus géré par l'agriculture traditionnelle. La biomasse, qui était un temps exploitée, reste sur le sol et se transforme, du point de vue des incendies, en combustible. Cet élément, combiné aux nombreuses périodes de sécheresse actuelles, donne des incendies très violents et qui se propagent très vite", a expliqué Marco Conedera, ingénieur forestier et chercheur à l'institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL), mardi dans La Matinale.

Le territoire n'est plus géré par l'agriculture traditionnelle. La biomasse qui était un temps exploitée reste sur le sol et se transforme, du point de vue des incendies, en combustible

Marco Conedera, ingénieur forestier et chercheur à l'institut WSL

Un avis partagé par le professeur de géographie à l'Université de Lausanne Christian Kull, interrogé lui aussi dans La Matinale: "Dans les régions du sud de l'Europe et dans la forêt boréale, il y a des types d'écosystèmes qui ont l'habitude de brûler de temps en temps. Mais les incendies récents au Portugal et en Grèce peuvent être rattachés à l'humain. Au Portugal, par exemple, on a remplacé un paysage dominé par les bergers par des zones plantées d'eucalyptus et de pins, qui brûlent plus facilement et plus violemment que les pâturages", illustre le géographe.

Revoir la planification urbaine

L'extension de l'interface "habitat-forêt" est un autre facteur qui favorise les incendies. "Quand la forêt, autrement dit le combustible, pénètre dans les zones urbaines, les choses deviennent très dangereuses. C'est là que des vies humaines sont menacées", analyse Marco Conedera. "C'est ce qui s'est passé en Californie. Comme dans les pays méditerranéens, on a besoin d'ombre, donc de végétation dans les zones urbaines. Mais sans planification ciblée pour éviter qu'elle ne devienne une porte d'entrée du feu, celle-ci peut devenir très dangereuse", poursuit l'ingénieur forestier.

"L'extension des lotissements à l'interface avec la forêt rend plus de structures et de personnes vulnérables", notamment sur la côte ouest des Etats-Unis, confirme de son côté Christian Kull, formé à l'Université de Berkeley, en Californie. Faudrait-il, dès lors, renoncer à construire près des forêts, voire stopper la tendance à la végétalisation des villes? "Je crois qu'il faut des arbres autour de nos habitations. Personne ne dit qu'il faut strictement interdire ce genre d'aménagements", tempère le spécialiste, qui préconise plutôt des constructions plus résistantes au feu.

Le réchauffement n'y est pas étranger

La prévention des méga-feux pourrait aussi passer par des incendies contrôlés. "Aux Etats-Unis, la gestion des feux remonte au siècle dernier, quand l'objectif était que tous les incendies soient éteints à 10h du matin. Mais cela favorise les incendies de grande ampleur en empêchant les 'petits feux' de réguler naturellement l'embroussaillement", explique Christian Kull.

On ne peut pas lier un feu en particulier au changement climatique. En revanche, les températures plus élevées et la sécheresse plus courante ont, elles, un lien avec lui

Christian Kull, professeur de géographie à l'Université de Lausanne

A ses yeux comme à ceux de nombreux experts, l'ampleur des incendies en Californie est aussi indubitablement liée au réchauffement climatique. "On ne peut pas lier un feu en particulier au changement climatique. En revanche, les températures plus élevées et la sécheresse plus courante ont, elles, un lien avec lui", affirme-t-il.

>> Ecouter l'interview de Christian Kull dans La Matinale :

Christian Kull s'exprime sur les incendies qui ravagent l'Ouest américain (vidéo)
Christian Kull s'exprime sur les incendies qui ravagent l'Ouest américain (vidéo) / L'invité-e d'actualité / 7 min. / le 15 septembre 2020

>> Lire aussi notre article : Des particules fines des incendies de l'Oregon arrivent jusqu'en Suisse

Propos recueillis par Romaine Morard et Katja Schaer

Adaptation web: Vincent Cherpillod

Publié Modifié