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Benito Mussolini et le mythe déconstruit du "bon dictateur"

Le dictateur italien Benito Mussolini. [Keystone - EPA/ANSA]
Dans son nouveau livre, l'historien Francesco Filippi analyse le mythe du "bon dictateur" / Tout un monde / 5 min. / le 17 septembre 2020
L'auteur italien Francesco Filippi s'interroge: y a-t-il de bons dictateurs? Benito Mussolini a-t-il aussi fait de bonnes choses? Dans son ouvrage à succès, récemment traduit en français, l'historien tord le cou à une légende populaire et tenace.

"Y a-t-il de bons dictateurs?" C'est le titre provocateur du livre qui s'est vendu à 70'000 exemplaires l'année dernière en Italie. Une partie de la réponse se trouve déjà dans le sous-titre: "Mussolini, une amnésie historique".

Selon le mythe du "bon dictateur", Benito Mussolini aurait créé la sécurité sociale, couvert le pays de routes, éradiqué le paludisme ou encore protégé les juifs. Ces légendes restent vivaces en Italie. Mais selon Francesco Filippi, ce ne sont ni plus ni moins que des "fake news" historiques.

"La plupart des sujets que j'aborde dans les livres sont déjà connus du monde académique. La surprise, c'est que le grand public italien qui s'intéresse à l'histoire ait trouvé ce nouvel ouvrage neuf et utile. Ce qui tend à prouver qu'il y a en Italie une fracture entre l'histoire officielle et la mémoire de la société", explique-t-il dans l'émission Tout Un Monde.

Examen de conscience

Benito Mussolini a dirigé l'Italie de 1922 à 1945. Dès 1925, il instaure un régime fasciste à parti unique: une dictature.

A-t-il réellement créé la sécurité sociale et les retraites? Pas du tout, affirme Francesco Filippi. Il rappelle que le système fut mis sur pied en 1895 et étendu en 1919.

Les Italiens n’ont pas réglé leurs comptes avec leur histoire et le fascisme de Mussolini

Francesco Filippi

Les HLM ont-ils été créés par le fascisme? Non plus, ils datent de 1903. L'historien déconstruit ainsi les mythes mussoliniens les uns après les autres. Et parle d'une amnésie collective.

"Les Italiens n'ont pas fait leur examen de conscience, n'ont pas réglé leurs comptes avec leur histoire et le fascisme de Mussolini. Ils ne l'ont pas fait parce que probablement, après 20 ans de fascisme, il était difficile d'établir qui était fasciste et qui ne l'était pas. Et donc on a préféré s'exonérer de la question. Contrairement à l'Allemagne d'après-guerre, les Alliés n'ont pas imposé cet examen de conscience, ni une 'défascisation' de la société", indique-t-il.

Vérités alternatives

Le succès du livre s'explique aussi parce qu'il résonne avec l'actualité. Francesco Filippi en est persuadé. Selon lui, il est plus facile de croire aux solutions simplistes en période de crise. Et l'Italie traverse justement une crise politique, sociale et démocratique.

Le fascisme italien n'est pas une doctrine, mais une méthode de communication puissante et frontale, une manière de travestir la réalité, selon l'historien.

Communiquer fort et tordre les faits: voilà qui ressemble aux vérités alternatives que pratiquent aujourd'hui certains populistes.

"Mussolini avait un rapport très étrange à la vérité. Dans sa vie politique, il a à peu près tout dit et son contraire. Ce qui signifie que la vérité mussolinienne a toujours été alternative. Si on voit des similitudes avec certaines personnalités politiques actuelles, je résumerais par une citation de Mark Twain: L'histoire ne se répète pas, mais parfois, elle rime."

Xavier Alonso/gma

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