Contrainte à la vente pour assurer sa survie, TikTok semble avoir trouvé la parade. Sa maison mère, ByteDance, a négocié un arrangement avec des acteurs américains, dont Oracle, entreprise de la Silicon Valley très proche de Donald Trump. Oracle prendrait une participation de 20% dans TikTok et se verrait transférer les données des plus de 100 millions d’utilisateurs américains pour les stocker et les gérer sur son Cloud sécurisé. ByteDance conserverait en outre sa majorité dans la société, ainsi que le code source et les algorithmes de TikTok. Le président américain a pré-validé cet accord samedi, offrant une semaine de sursis à l’entreprise chinoise pour en finaliser les détails.
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Ce compromis suscite cependant les critiques de la part de certains élus américains, dont plusieurs républicains. Ces derniers dénoncent un tour de passe-passe ne permettant pas de résoudre les enjeux liés à la sécurité nationale, ByteDance conservant sa mainmise sur l’entreprise. "Tout accord entre Oracle et ByteDance qui ne résout pas les problèmes de sécurité nationale doit être rejeté", a par exemple tweeté le sénateur républicain Ted Cruz. "J’exhorte l’administration Trump à NE PAS approuver [cet accord] à moins d’une rupture nette avec ByteDance et donc une séparation totale de Pékin", écrivait pour sa part Josh Hawley, autre élu républicain.
Rétropédalage de Donald Trump
La conclusion de cet accord constituerait une victoire pour ByteDance et un rétropédalage évident de la part de Donald Trump. Le président américain avait initialement exigé la vente totale de TikTok. "TikTok sera soit vendu, soit exclu", martelait-il encore la semaine dernière lors d’un point presse.
Fin août, des négociations avancées entre ByteDance et Microsoft étaient sur le point d’aboutir à une transaction de plusieurs milliards de dollars lorsque Pékin a décrété dans l’urgence l’interdiction pour les entreprises chinoises de transférer toute technologie de pointe à des entités étrangères sans l’aval du Parti communiste. Impossible dès lors pour ByteDance de vendre TikTok, les alogrithmes et le code source de l’application tombant sous le coup de cette nouvelle disposition.
C’est dans ce contexte qu’est apparue la "solution Oracle". En approchant l’entreprise, dont le cofondateur Larry Ellison est un important donateur et soutien public du président américain, ByteDance joue le tout pour le tout. Le pari pourrait s’avérer gagnant si Donald Trump ne plie pas face aux pressions internes.
Décision de justice pour WeChat
Autre application chinoise menacée d’exclusion, WeChat bénéficie elle aussi d’un sursis de dernière minute. Saisie par des utilisateurs, une juge californienne a officiellement suspendu dimanche l’interdiction de télécharger l’application. "Bannir WeChat porte atteinte au premier amendement et donc à la liberté d’expression. L’application constitue en outre un moyen de communication primordial, si ce n’est l’unique canal de communication vers la Chine – où la grande majorité des applications occidentales sont interdites", a-t-elle tranché.
Bannir WeChat porte atteinte au premier amendement et donc à la liberté d’expression.
Propriété du groupe chinois Tencent, WeChat est devenue incontournable en Chine. Cette super-application, qui regroupe les fonctions de Facebook et de WhatsApp tout en offrant des services de réservations ou de paiement mobile, constitue aujourd’hui le principal moyen de communication en Chine. Lourdement censurée par le Parti communiste qui surveille étroitement les échanges et les données transférées, WeChat est aussi devenu une des seules passerelles au-dessus de la grande muraille numérique. Les communautés expatriées y recourent largement pour garder le contact avec leurs proches. Le milieu des affaires passe également par l’application pour communiquer avec les clients, partenaires et sous-traitants dans le pays.
La décision de suspendre le décret présidentiel à l’encontre de l’application souligne la complexité de la situation à laquelle fait face aujourd’hui Donald Trump. Si Pékin peut exclure toute application ou entreprise de son territoire sur simple ordre du parti communiste, la constitution et le droit américain limitent la marge de manœuvre du président. L’administration Trump devrait faire appel de cette décision.
Michael Peuker
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