Dans le sud de l'Angleterre, le Brexit prend la forme d'un parking géant

Le Brexit deviendra réalité dans une centaine de jours lorsque, le 31 décembre 2020, le Royaume-Uni quittera le marché unique et l'union douanière. Il ne pourra plus commercer sans entrave avec le continent. Faute d’accord entre Londres et Bruxelles, les nouvelles règles sur le passage des marchandises n’ont d'ailleurs toujours pas été définies.

Pour les habitants du village de Mersham, une trentaine de kilomètres à l'ouest de Douvres, le Brexit, jusqu’ici très abstrait, a soudainement pris une tournure très concrète Les champs qui bordaient leurs maisons ont dû, du jour au lendemain, laisser place à un chantier gigantesque destiné à la construction d’un parking de plus de 100'000 mètres carrés, prévu pour 2000 poids-lourds. Asphalté à toute vitesse, le site doit servir dès janvier aux contrôles des marchandises transportées par des milliers de camions en provenance de France.

Un collectif créé

"Nous n'avions aucune idée qu'un parking allait être construit ici, c’est terrifiant. Douze heures par jour non-stop, il y a un bruit incessant de grosses machines, de la poussière…", a confié une habitante à la RTS. Le pire a pourtant été évité, car sur ce même terrain, Amazon projetait de bâtir un immense centre de dépôt de 17 mètres de hauteur. "Tout aurait été rasé. Donc c’est clairement mieux qu'un centre de dépôt Amazon", se console une autre habitante qui, avec d'autres villageois, a monté un collectif qui se bat pour que le site ne soit pas entièrement défiguré.

Mais pour Mandy Rossi, coprésidente de l’antenne locale des Verts à Ashford, la ville voisine, un parking géant à la place d’un énorme entrepôt n'est qu'un maigre lot de consolation. "Ce parking détruit notre campagne et pollue notre air! Les camions qui vont être immobilisés ici auront leur climatisation toujours en marche. Ils vont s’arrêter, puis redémarrer… ce sera horrible!", déplore-t-elle.

Chaos attendu

Le conseiller municipal conservateur Paul Bartlett, lui, tente de rassurer les habitants. "Seul un petit pourcentage de camions seront contrôlés. Cela prendra environ 2 heures par véhicule… Bien sûr, c’est de la paperasse en plus. Mais tout ça devrait être temporaire, car c’est dans l'intérêt de tous que le Brexit réussisse. Il s’agit de s’assurer que les commerçants paient le bon tarif, et je suis sûr que ce sera le cas".

L’écologiste Mandy Rossi aimerait croire qu’il ne s’agit que d’une contrariété passagère, mais au vu du retard pris dans les préparatifs douaniers, elle s’attend surtout au chaos. "11'000 camions passent quotidiennement par le port de Douvres. Qu'est-ce qui va se passer en cas de rupture brutale avec l’Union européenne? Les camions vont être bloqués! Cette région qui est connue pour être le jardin de l’Angleterre va devenir le parking de l’Angleterre!"

Cette région qui est connue pour être le jardin de l’Angleterre va devenir le parking de l’Angleterre!

Les pro-Brexit s'en accommodent

Malgré toutes les incertitudes et inconvénients, il reste toutefois difficile de détecter des signes de regrets dans la rue. "J'ai voté pour le Brexit. Je ne suis pas content avec ce parking, mais on ne peut pas tout avoir! On ne va pas enterrer le Brexit à cause d’un parking! Les avantages sont plus importants que les inconvénients", confie un riverain.

Dans cette région où près de six personnes sur dix ont voté pour le Brexit, beaucoup semblent s’être résignés à l’idée d’avoir un parking géant devant leur porte, si tel est le prix à payer pour retrouver leur souveraineté.

Sujet radio: Catherine Ilic
Adaptation web: Vincent Cherpillod