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France: hommage critiqué à Guy Môquet

L'hommage au héros communiste n'est pas du goût de tout le monde
L'hommage au héros communiste n'est pas du goût de tout le monde
Voulue par Nicolas Sarkozy, la lecture de la lettre de Guy Môquet, jeune figure de la Résistance fusillé à 17 ans, a donné lieu lundi à un hommage disparate dans les lycées de France.

Si François Fillon et nombre de ses ministres ont assisté à des
cérémonies dans la matinée, le président de la République avait
pour sa part renoncé à se rendre dans un établissement scolaire
pour y assister. Le chef du gouvernement a rendu hommage au jeune
résistant communiste fusillé le 22 octobre 1941 lors d'une brève
cérémonie à Matignon.

Sa dernière lettre a été lue par une lycéenne, devant des élèves
des lycées parisiens Diderot, Duruy et Rabelais. Derrière l'estrade
avait été suspendue une oeuvre de l'artiste franco-chinois Yan Peï
Ming représentant Guy Môquet sur fond rouge. Une minute de silence
a ensuite été respectée.

Honneur de la nation

"Comme beaucoup d'autres, Guy Môquet fut fusillé pour ses
convictions qu'il plaçait au-dessus de sa propre existence", a
souligné François Fillon. "Il était communiste, d'autres étaient
gaullistes, certains étaient de droite, d'autres de gauche,
certains étaient croyants, d'autres ne l'étaient pas... Qu'importe,
tous étaient patriotes". "L'honneur de la nation n'est pas
négociable", a insisté le Premier ministre. Or, "le régime de Vichy
négocia, pactisa, puis collabora avec le régime nazi, et en cela il
bafouait une certaine idée de la France", a-t-il ajouté.

Plusieurs ministres avaient inscrit à leur agenda la lecture de
la lettre de Guy Môquet, comme la garde des Sceaux Rachida Dati qui
s'est rendue au collège Guy Môquet de Villejuif (Val-de-Marne), la
ministre de la Culture Catherine Albanel au collège
Paul-Vaillant-Couturier à Argenteuil (Val-d'Oise), ou la ministre
de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie à Caluire près de Lyon (Rhône),
là où fut arrêté le résistant Jean Moulin en 1943.

Pas une obligation, mais un succès

Le ministre de l'Education nationale Xavier Darcos, qui a lu
lundi matin la lettre de Guy Môquet au lycée Bertran de Born de
Périgueux (Dordogne) en présence de trois anciens résistants et
d'une centaine de lycéens et de cadets de la police, a été
accueilli devant le lycée par des militants communistes arborant
une pancarte "Darcos, Sarkozy, vos valeurs ne sont pas celles de
Guy Môquet".



"Je ne comprends pas cette polémique, j'ai fait ce qu'il faut pour
que cette lecture soit faite dans un contexte pédagogique", a-t-il
assuré. Le ministre de l'Education a estimé que la lecture serait
faite dans la majorité des cas, tout en rappelant qu'il ne
s'agissait pas d'une obligation.



En fin de journée, le ministère de l'Education annonçait que la
lettre avait été globalement lue dans quasiment 100% des lycées
dans toutes les académies, sauf quelques rares exceptions. Le
ministère a par ailleurs précisé que lorsque "ici ou là, des
professeurs n'ont pas souhaité lire la lettre, elle a été lue par
un collègue ou intervenant extérieur".

Instrumentalisation

Le SNES (syndicat national des enseignants de second degré,
majoritaire) avait appelé à ne pas lire cette lettre pour refuser
"l'instrumentalisation du devoir de mémoire" et "cautionner
l'entreprise commémorative du 22 octobre, décidée par le seul chef
de l'exécutif".



Plusieurs critiques se portent sur le silence autour de
l'appartenance communiste de Guy Môquet et le décalage entre les
valeurs auxquelles il croyait et celles promues par Nicolas
Sarkozy. "Il ne s'agit pas d'être pour ou contre cette lettre, mais
pour la réflexion et contre la cérémonie telle que présentée", a
dit François Roussel, professeur de philosophie au lycée Carnot.
Cet enseignant a dénoncé la "récupération politique" citant
notamment le "marketing cynique" de la lecture avant un match de
Coup du monde de rugby de cette lettre par le sélectionneur de
l'équipe de France, Bernard Laporte, un ami de Nicolas Sarkozy
devenu lundi secrétaire d'Etat aux Sports.



En Franche-Comté, des enseignants ont décidé de lire la dernière
lettre d'un résistant de Besançon (Doubs), Henri Fertet, fusillé à
l'âge de 16 ans, le 15 septembre 1943, annonce lundi "L'Est
Républicain". Ce jeune lycéen du lycée Victor-Hugo de Besançon
avait été arrêté par les occupants allemands pour l'attaque de deux
sentinelles au fort de Montfaucon, un attentat à l'explosif d'un
pylône de haute tension et l'attentat contre un commissaire des
douanes.



agences/het

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La lettre

Ma petite maman chérie, mon tout petit frère adoré, mon petit papa aimé,

Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c'est d'être courageuse. Je le suis et je veux l'être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j'aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon coeur, c'est que ma mort serve à quelque chose. Je n'ai pas eu le temps d'embrasser Jean. J'ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable je ne peux le faire hélas ! J'espère que toutes mes affaires te seront renvoyées, elles pourront servir à Serge, qui je l'escompte sera fier de les porter un jour.

A toi petit papa, si je t'ai fait, ainsi qu'à ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j'ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m'as tracée. Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j'aime beaucoup. Qu'il étudie bien pour être plus tard un homme.

17 ans et demi, ma vie a été courte, je n'ai aucun regret, si ce n'est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c'est d'être courageuse et de surmonter ta peine. Je ne peux en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Serge, papa, en vous embrassant de tout mon coeur d'enfant. Courage ! Votre Guy qui vous aime. Guy