Clôturant le "Grenelle de l'environnement", Nicolas Sarkozy a
prononcé son discours devant le gouvernement en son entier, le Prix
Nobel de la Paix 2007 Al Gore, et le président de la Commission
européenne José Manuel Barroso, affichant ainsi sa volonté de
donner un caractère solennel à cette initiative. L'ancien
vice-président américain a salué ce sommet inédit en France,
assurant qu'il constituait un "formidable coup d'accélérateur" à la
lutte mondiale contre le réchauffement climatique.
"Taxe carbone" envisagée
Depuis mercredi, les participants -écologistes, représentants du
patronat, des syndicats, de l'Etat et de collectivités- ont
participé à d'ultimes négociations pour arriver à présenter une
série de mesures. Ils ont toutefois échoué à se mettre d'accord sur
la création d'une "taxe carbone" sur les produits gros
consommateurs d'énergie fossile. Considérée comme un test de
crédibilité de ce sommet par les écologistes, elle est rejetée par
le patronat en l'absence d'une remise à plat globale de la
fiscalité.
Sans trancher, Nicolas Sarkozy s'est toutefois engagé à "ce que la
révision générale des prélèvements obligatoires se penche sur la
création d'une taxe "climat-énergie" en contrepartie d'un
allègement de la taxation du travail pour préserver le pouvoir
d'achat et la compétitivité". Se tournant vers José Manuel Barroso,
il a plaidé pour "la possibilité de taxer (au niveau européen) les
produits importés de pays qui ne respectent pas le protocole de
Kyoto".
Moins de pesticides
Autre point, qui a donné lieu à un bras de fer entre écologistes
et agriculteurs, celui des pesticides qui polluent les eaux et les
sols et dont la France est le premier utilisateur en Europe.
Soutenant le "principe de précaution (...) qui doit être interprété
comme un principe de responsabilité" notamment pour les auteurs de
pollutions, Nicolas Sarkozy à réduire l'usage des pesticides.
Le président français a demandé au ministre de l'Agriculture
Michel Barnier "de proposer avant un an un plan pour réduire de 50%
l'utilisation des pesticides, dont la dangerosité est connue, si
possible, dans les dix ans qui viennent". Il a par ailleurs
confirmé la suspension de la culture commerciale de maïs
génétiquement modifié annoncée dans la matinée "en attendant les
conclusions d'une expertise à conduire par une nouvelle instance
qui sera créée" d'ici la fin de l'année.
Parmi les avancées qui ont fait l'objet d'un consensus figurent
des mesures dans les secteurs du bâtiment et des transports. La
priorité doit être donnée au rail dans les années à venir et la
création d'une "écopastille" a été décidée pour pénaliser les
véhicules les plus polluants. Le sommet a également entériné un
fort développement du bio dans l'agriculture, dont la part devra
passer à 6% en 2012 et à 20% en 2020, contre 2% actuellement des
surfaces agricoles utiles.
Satisfaction globale
Les participants au sommet se sont montrés globalement
satisfaits, disant toutefois attendre de voir les conditions
d'application des mesures. L'opposition socialiste a souligné des
annonces "à la hauteur des attentes". "Franchement, on est entrés
dans l'ère de l'écologie. On est passés à l'action. On est
confiants, heureux", a affirmé Nicolas Hulot, l'une des figures de
l'écologie française. Greenpeace y a vu des "avancées" mais aussi
du "flou".
Ce sommet, baptisé "Grenelle de l'environnement" en référence à
des accords sociaux historiques signés en France en mai 1968,
devrait ouvrir la voie à un "Grenelle mondial", a de son côté
plaidé Al Gore. L'ONU a averti jeudi, dans la plus grande étude
qu'elle ait consacrée aux dangers du changement climatique, qu'une
action immédiate et décisive était indispensable pour garantir la
survie des générations actuelles et futures.
agences/kot
Les principales mesures du "Grenelle"
Voici les principales propositions retenues par les participants lors des deux jours de tables rondes du sommet de l'environnement à Paris, après l'arbitrage de Nicolas Sarkozy jeudi.
AGRICULTURE
- objectif de réduction de moitié dans les dix ans "si possible" de l'usage des pesticides
- suspension des cultures commerciales d'OGM "en attendant les conclusions d'une expertise"
- augmentation à 6% en 2012 et 20% en 2020 (contre 2% actuellement) de la part des surfaces agricoles consacrées aux cultures biologiques
TRANSPORTS
- éco-pastille avec une ristourne à l'achat pour les voitures neuves les plus sobres, financée par un malus annuel sur les voitures les plus polluantes
- éco-taxe kilométrique sur les poids-lourds avec une mise en place effective en 2010
- construction avant 2020 de 2000 km de nouvelles lignes de TGV et de 1200 km de voies de tramways
- réduction de 50% de la consommation de carburant et des émissions de CO2 dans les transports aériens par des programmes de recherche d'ici 2020
- péages urbains: la décision reviendra aux collectivités locales
BATIMENT
- programme de "rupture technologique" pour tous les bâtiments qui devront être construits en basse consommation (50 kwh/m2/an) dès 2010 pour le public et à partir de 2012 pour le privé
- rénovation thermique de tous les bâtiments publics d'ici 2015
FISCALITE
- création d'une taxe "climat-énergie" (ou taxe carbone), en contrepartie d'un allègement de la taxation du travail
- TVA à taux réduit envisagée sur tous les produits écologiques qui respectent le climat et la biodiversité
ENERGIE
- développement des énergies renouvelables pour atteindre 20 millions de tonnes équivalent pétrole d'ici 2020
- bilan carbone pour toute entreprise de plus de 50 personnes
- interdiction des lampes à incandescence en 2010
- extension de "l'étiquette énergie" à tous les appareils électriques de grande consommation
Une dernière table ronde doit se réunir vendredi matin pour finaliser les propositions en matière d'éducation et sur les agro-carburants notamment.