Neuf Français - des membres de l'ONG Arche de Zoé à l'origine de
cette opération et trois journalistes - ont été interpellés jeudi à
Abéché, principale ville de l'est tchadien, et se trouvaient
toujours en garde à vue vendredi. N'Djamena les accuse de "trafic
d'enfants".
Critiques tous azimuts
Les critiques contre cette opération tombent de toutes parts. A
Genève, l'UNICEF a condamné vendredi l'activité de l'Arche de Zoé,
qu'elle juge "illégale, irresponsable" et qui viole selon elle les
conventions internationales. Une équipe de l'UNICEF s'est rendue
sur les lieux, a indiqué la porte-parole de l'agence de l'ONU,
Véronique Taveau. Les enfants "n'ont aucun document d'identité,
seulement un bracelet avec un numéro", s'est-elle insurgée.
La secrétaire d'Etat française aux affaires étrangères et aux
droits de l'homme Rama Yade a de son côté affirmé que les
responsables de l'association devraient "rendre des comptes". Le
ministère français des affaires étrangères a indiqué qu'une
"enquête pénale" était "en cours" à Paris. Selon une source
judiciaire, cette procédure a été ouverte "dans le contexte d'une
dénonciation laissant penser qu'une association allait se livrer à
une activité d'intermédiaire dans le domaine de l'adoption sans
autorisation".
Quelque 300 familles, principalement françaises, ont versé entre
2800 et 6000 euros pour recevoir un enfant du Darfour dans le cadre
de cette opération, a affirmé une source diplomatique à Paris. "Il
s'agit d'une action humanitaire d'urgence, et non de trafic
d'enfants", a de son côté plaidé l'un des responsables de l'Arché
de Zoé, Christophe Letien, dénonçant un "revirement des autorités
tchadiennes".
L'ONG se défend
L'ONG dit avoir monté l'opération afin de "sauver de la mort"
des orphelins affectés par la guerre civile au Darfour, et les
faire "accueillir" par des familles en France et en Belgique. Elle
affirme que le gouvernement français avait été informé et que
l'opération avait obtenu le soutien de l'armée française, qui
dispose d'un dispositif militaire au Tchad.
"Il ne s'agissait ni d'achat ni d'adoption. Les enfants devaient
avoir en toute légalité une carte de réfugié politique pour avoir
le droit d'asile en France et des familles étaient bénévoles pour
accueillir les enfants chez elles", a dit Agathe Deregnancourt, du
Collectif des familles pour les orphelins du Darfour.
agences/kot
Incertitude sur l'origine des enfants
Selon le Collectif des familles pour les orphelins du Darfour, les enfants sont pour la plupart originaires du Darfour.
Mais plusieurs observateurs présents dans la région ont estimé qu'une partie des enfants venaient probablement des camps de réfugiés et de déplacés situés dans l'est du Tchad.
Le président d'UNICEF France Jacques Hintzy a pour sa part affirmé que la plupart des enfants ne semblent pas être orphelins.
"Inhumain, impensable et inadmissible"
Idriss Deby Itno a qualifié vendredi cette opération d'"inhumaine, impensable et inadmissible".
"Les auteurs seront sévèrement sanctionnés", a ajouté le président tchadien.
Il venait de rendre visite aux 103 enfants âgés d'un à huit ans "récupérés" la veille par la police tchadienne.
Ceux-ci allaient être embarqués par l'association Arche de Zoé dans un avion à destination de la France.
Les enfants, en bonne santé mais choqués, ont été confiés à un centre social d'Abéché.
Les responsables de l'Arche de Zoé assurent qu'ils nécessitaient une évacuation sanitaire, ce que contestent les autorités.