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L'UE veut être "plus efficace" en matière de migration et d'asile

La Commission européenne dévoile la réforme de sa politique migratoire
La Commission européenne dévoile la réforme de sa politique migratoire / 19h30 / 2 min. / le 23 septembre 2020
En présentant mercredi un nouveau pacte sur la migration et l'asile, l'Union européenne veut en finir avec les dysfonctionnements actuels. Elle défend un mécanisme de solidarité obligatoire et des procédures améliorées. "Le drame de Moria l'illustre: un nouveau plan était indispensable", a confié à La Matinale de la RTS l'eurodéputée française Fabienne Keller.

Cinq ans après la crise migratoire, Bruxelles empoigne enfin l'épineux dossier de la migration et de l'asile en proposant un nouveau Pacte européen sur la migration et l'asile, qui doit remplacer le règlement de Dublin. Il est temps de mettre en place un système de gestion de la migration prévisible et fiable, annonce la Commission mercredi.

>> Lire : Le règlement de Dublin, ou pourquoi l'Europe a échoué sur la migration et l'incendie du camp de Moria

"Nous proposons aujourd'hui une solution européenne pour rétablir la confiance entre les Etats-membres et restaurer la confiance des citoyens sur notre capacité à gérer la migration en tant qu'Union", a déclaré en préambule la présidente Ursula von der Leyen, tandis que Margaritis Schinas, vice-président chargé des migrations et de la promotion du mode de vie européen, a souligné le signal fort que représente

. "Il est temps de se rassembler autour d'une politique européenne commune", a insisté le Grec.

Politique de retours prévue

Concrètement, le Pacte présenté mercredi prévoit d'améliorer et d'accélérer les procédures d'asile, selon un principe de solidarité et de responsabilité partagées. "Ces propositions permettront une gestion transparente, équitable et rapide qui permettra d'éviter que des gens attendent dans l'incertitude", a souligné la commissaire aux Affaires intérieures, Ylva Johansson.

Dans cet objectif, la Commission propose de mettre en place une procédure d'entrée unifiée pour identifier les personnes arrivées illégalement et/ou débarquées après une opération de sauvetage en mer. Des examens de santé et de sécurité sont aussi prévus. Tout cela dans le but de pouvoir aiguiller au plus vite les nouveaux entrants vers la procédure la plus adaptée à leur situation: une procédure d'asile pour ceux et celles qui a priori peuvent y prétendre ou à l'inverse une procédure de renvoi pour les autres.

Un point crucial est bien entendu d'avoir de bons accords de réadmission dans les pays tiers, et c'est ce qui sera une priorité

Ylva Johansson, commissaire européenne

Bruxelles prévoit ainsi de renforcer la collaboration avec les Etats tiers pour faciliter les retours des personnes qui n'ont pas droit à l'asile sur territoire européen. Le ton sera également durci contre les passeurs et des voies d'accès légal à l'UE seront développées à travers un programme appelé "Talent Partnership" afin d'encourager l'immigration de certains types de profil dont l'Europe a besoin.

Mécanisme de solidarité obligatoire

Deuxième pilier du pacte présenté mercredi par Ylva Johansson, la solidarité entre les Etats-membres deviendra obligatoire en période de crise afin de maintenir la stabilité du système et de permettre à l'UE de remplir ses obligations humanitaires.

Pour tenir compte des différences au sein des Vingt-Sept et tirant les leçons de l'échec de la tentative d'imposer des quotas, Bruxelles prévoit un système de contributions flexibles. Ainsi, un Etat qui n'accueillerait pas son lot de personnes pourrait apporter un soutien logistique ou opérationnel, par exemple en organisant les renvois vers les pays d'origine.

Afin d'uniformiser les pratiques en matière d'asile, un coordinateur européen aux retours vient d'être nommé. Il pourra s'appuyer sur un réseau de représentants dans chaque pays afin de s'assurer qu'une politique cohérente soit menée à travers l'UE.

Création d'un corps aux frontières

Troisième axe du Pacte sur la migration et l'asile, la gestion des frontières extérieures de l'UE va être améliorée avec la création d'un corps permanent de gardes-frontière et gardes-côtes européen. Ce corps, qui sera déployé à compter du 1er janvier 2021, pourra intervenir partout où cela sera nécessaire.

Ces nouvelles résolutions présentées, ce sera désormais au Parlement européen d'adopter les textes nécessaires à la mise en oeuvre de ce Pacte. Au vu de l'urgence de la situation, la Commission appelle cependant à un accord politique sur les principes fondamentaux d'ici à la fin de l'année.

>> L'interview dans Forum de Jérôme Vignon, conseiller spécial à l'Institut Jacques Delors à Paris :

La Commission européenne a présenté un nouveau pacte migratoire: interview de Jérôme Vignon
La Commission européenne a présenté un nouveau pacte migratoire: interview de Jérôme Vignon / Forum / 6 min. / le 23 septembre 2020

Compromis malheureux mais pragmatique

"On l'a vu avec le drame du camp de Moria: un nouveau plan était indispensable. La situation n'est pas du tout satisfaisante. Il faut partir sur de nouvelles bases", a confié dans La Matinale de la RTS jeudi l'eurodéputée française Fabienne Keller (LREM), auteure d’un rapport pour le Parlement européen sur la mise en œuvre du règlement "Dublin III".

Le succès de ce nouveau plan a passé, selon elle, par la mise en place d'entrée de jeu d'un système de dérogation pour les pays de l'UE qui ne veulent pas accueillir de migrants (Tchéquie, Slovaquie, Hongrie et Pologne). A la place, ils pourront notamment contribuer logistiquement ou financièrement au retour dans leur pays d'origine des demandeurs déboutés.

C'est malheureux d'avoir dû passer par là, mais nous avons des gouvernements un peu populistes en Europe qui manipuleraient tout dispositif d'accueil obligatoire pour bloquer l'accord nécessaire

Fabienne Keller, eurodéputée et ancienne maire de Strasbourg

"C'est un peu malheureux d'avoir dû passer par là", concède Fabienne Keller, qui défend le caractère pragmatique du nouveau plan: "Nous devons prendre en compte le fait que nous avons des gouvernements un peu populistes en Europe, qui manipuleraient tout dispositif d'accueil obligatoire pour bloquer l'accord nécessaire".

Elle espère que la liste des pays qui ne participeront pas à l'accueil solidaire des migrants et profiteront de la dérogation se limitera aux quatre pays précités. "Parce que la solidarité, ça ne marche bien que si on est nombreux à partager la charge", relève l'eurodéputée.

Juliette Galeazzi, Isabelle Ory, Vincent Cherpillod

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Un plan déjà critiqué

Les critiques en rapport avec ce plan n'ont pas tardé. Pour Yves Pascouau, spécialiste des questions migratoires, la Commission "rapièce un ensemble sans véritable patron, sans structure et sans ossature".

"C'est un compromis entre la lâcheté et la xénophobie", fustige de son côté le chercheur belge François Gemenne, dénonçant "la même logique d'Europe forteresse", tandis que l''ONG Oxfam accuse la Commission de "s'incliner devant les gouvernements anti-immigration".

"Ce nouveau pacte institutionnalise la honte. Il n'empêchera ni les nouveaux drames, ni le maintien de camps indignes (...) La Commission s'est couchée devant Orban et consorts", abonde encore l'eurodéputé Damien Carême (Verts).

L'eurodéputée Nathalie Colin-Oesterlé (PPE, droite), elle, s'inquiète de l'absence d'"un système permettant d'étudier les demandes d'asiles en amont de l'arrivée dans l'UE". Quant aux procédures expresses aux frontières, elles alarment l'ONG Caritas Europa, qui redoute "une dilution des garanties juridiques (des migrants) et des détentions accrues".

Karin Keller-Sutter se réjouit de ces propositions

Du côté suisse, on se réjouit des propositions faites par la Commission européenne. Interrogée dans le 19h30, Karin Keller-Sutter a expliqué que ces décisions allaient "dans la direction des revendications de la Suisse."

"Nous avons toujours demandé des contrôles efficaces aux frontières extérieures, des procédures d'asile accélérées mais aussi un soutien aux Etats très exposés, comme la Grèce ou l'Italie", a ajouté la conseillère fédérale en charge du Département fédéral de justice et police.

Questionnée pour savoir si la Suisse participerait à ce mécanisme, la Saint-Galloise d'origine a expliqué que "elle y participait déjà", et qu'elle était "une bonne élève", et ce, "sans être membre de l'Union européenne et en étant uniquement membre associé des accords Schengen-Dublin.

>> Revoir l'interview de Karin Keller-Sutter dans le 19h30 :

Karin Keller Sutter: "Je suis contente des propositions faites par la Commission européenne"
Karin Keller Sutter: "Je suis contente des propositions faites par la Commission européenne" / 19h30 / 1 min. / le 23 septembre 2020