Ces seize personnes ont été interpellées jeudi à l'aérodrome
d'Abéché, principale ville de l'est tchadien, alors que
l'association française Arche de Zoé s'apprêtait à faire embarquer
dans un avion à destination de la France 103 enfants de cette
région à cheval entre le Tchad et le Soudan.
Les autorités avaient annoncé dès jeudi que les neuf Français
des membres de l'association et trois journalistes - étaient en
garde à vue, mais n'avaient pas précisé le statut de l'équipage
espagnol.
Les membres de l'équipage «sont aussi en garde à vue, ce sera au
juge de décider de la responsabilité de chacun», a finalement
déclaré samedi le ministre tchadien de la Justice Albert Pahimi
Padacké.
Accusés de trafic d'enfants
«C'est à l'issue de cette nouvelle garde à vue que le juge devra
décider du chef d'inculpation» qui sera retenu contre les seize
Européens, a-t-il précisé.
Les autorités tchadiennes ont accusé verbalement les responsables
de l'opération d'»enlèvement» et «trafic» d'enfants. Le président
Idriss Deby Itno a qualifié vendredi cette opération d'"inhumaine",
"impensable" et "inadmissible". "Les auteurs seront sévèrement
sanctionnés", a-t-il ajouté.
Forte controverse
En France et à l'étranger, l'association à l'origine de cette
opération suscite une intense controverse. Ses dirigeants affirment
avoir voulu «sauver de la mort» des «orphelins» affectés par la
guerre civile au Darfour (ouest du Soudan) où le conflit a fait,
selon l'ONU, 200'000 morts et 2,1 millions de déplacés. Les enfants
sont bien «orphelins» et les Tchadiens «étaient au courant» de
l'opération, a assuré un pilote belge qui a transporté ces 81
garçons et 22 fillettes âgés d'un à huit ans jusqu'à Abéché ces
dernières semaines.
De son côté, un responsable de l'Arche de Zoé, Christophe Letien,
a reproché à Paris de n'avoir jamais clairement interdit
l'opération: «On nous a laissé faire jusqu'à la fin».
Or, la secrétaire d'Etat française aux Affaires étrangères et aux
Droits de l'Homme Rama Yade a assuré à plusieurs reprises que la
France avait tout fait pour «interdire» l'opération (voir
encadré).
ats/bri/hof
Les enfants confiés à un centre social
Les enfants qui ont été victimes de cette tentative d'enlèvement, âgés d'un à huit ans, en bonne santé mais choqués, ont été confiés à un centre social d'Abéché.
Les responsables de l'Arche de Zoé assurent qu'ils nécessitaient une évacuation sanitaire, ce que contestent les autorités.
Les critiques contre cette opération tombent de toutes parts. A Genève, l'UNICEF a par exemple condamné vendredi l'activité de l'Arche de Zoé, qu'elle juge "illégale", "irresponsable" et qui viole selon elle les conventions internationales.
Enquête en France
Depuis juillet, la police française est chargée au sujet de l'Arche de Zoé d'une enquête de suspicion d'activité d'intermédiaire en vue de l'adoption ou du placement de mineurs, auprès de familles françaises.
Les ONG et agences de l'ONU présentes dans l'est du Tchad pour assister quelque 236'000 réfugiés du Darfour et 173'000 déplacés tchadiens ont également pris leurs distances avec l'association.
L'UNICEF a assuré que les enfants étaient en «excellente santé», que la plupart étaient originaires du Tchad et que rien ne prouvait qu'ils étaient orphelins.