"Le juge d'instruction a inculpé formellement les neuf Français
(des membres de l'association et trois journalistes) d'enlèvement
de mineurs en vue de compromettre leur état civil, et
d'escroquerie", a déclaré à l'AFP un haut responsable du Parquet
d'Abéché, qui a requis l'anonymat. Les sept Espagnols de l'équipage
de l'avion qui devait transporter les enfants en France ont été
inculpés de "complicité".
Le juge d'instruction a suivi les réquisitions prises plus tôt
dans la soirée par le procureur d'Abéché. Le code pénal tchadien
prévoit des peines de travaux forcés en cas d'enlèvement de
mineurs.
Deux Tchadiens ont également été inculpés de "complicité". Un
pilote belge, qui a acheminé une partie des enfants à Abéché depuis
la frontière tchado-soudanaise, est pour sa part en garde à vue
depuis dimanche à N'Djamena dans l'attente lui aussi d'une
éventuelle inculpation.
Paris de désolidarise
Par ailleurs, le président français Nicolas Sarkozy, qui a
appelé dimanche soir son homologue tchadien Idriss Deby Itno, a
"condamné" l'opération menée par l'association française Arche de
Zoé, qu'il a jugée "illégale et inacceptable".
La déclaration de l'Elysée est le point d'orgue d'une série
d'interventions officielles au cours desquelles Paris s'est
vivement désolidarisé de cette association. L'ambassadeur de France
à N'Djamena, Bruno Foucher, a ainsi annoncé dimanche que les
Français qui ont "participé à l'ensemble de cette manipulation
illégale (répondraient) de leurs actes au Tchad".
Parmi les neuf Français figurent, hormis des membres de l'Arche de
Zoé, trois journalistes. Les autorités françaises s'étaient bornées
jusqu'ici à prendre des nouvelles de leurs ressortissants
interpellés. Lundi, la secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères
Rama Yade leur a promis "un maximum de protection", et a estimé
qu'il fallait "dissocier" le sort de ces journalistes en reportage,
dont l'organisation Reporters sans frontières (RSF) a demandé la
libération "sans condition".
Le Tchad accuse
N'Djamena a accusé verbalement les responsables de l'opération
d'"enlèvement" et de "trafic" d'enfants. Le président Deby s'est
même demandé s'ils entendaient "vendre" les enfants "aux ONG
pédophiles" ou "les tuer et enlever leurs organes".
L'Arche de Zoé, qui assure que Paris ne lui a jamais clairement
interdit de mener son opération, dit avoir voulu "sauver de la
mort" des "orphelins" affectés par la guerre civile au Darfour,
dans l'ouest du Soudan frontalier du Tchad. A l'orphelinat
d'Abéché, les agences humanitaires tentent de mener l'enquête
auprès des enfants, parfois apeurés.
"On pense de plus en plus que ce ne sont pas des orphelins",
explique une porte-parole du Haut Commissariat des Nations unies
pour les réfugiés, Annette Rehrl. Mais "on doit le vérifier tout de
même dans les villages", nuance-t-elle. La justice française a
ouvert une information judiciaire, la semaine dernière, et
soupçonne cette association d'avoir tenté de servir d'intermédiaire
illégal dans le domaine de l'adoption.
afp/kot/hof
Une affaire à dimension politique?
Les avocats français de l'association l'Arche de Zoé ont dénoncé lundi à Marseille (sud) "la dimension politique" de l'affaire.
"Il n'y a pas eu d'enlèvements. Les familles d'accueil ne sont pas des familles de pédophiles. Cette exagération montre à elle seule à quel point on est dans une affaire où on a malheureusement une dimension politique qui nous échappe", a déploré Me Gilbert Collard, lors d'une conférence de presse.
"La force européenne de paix doit se déployer au Darfour, le Tchad n'y est pas favorable. Il veut contrôler certaines zones et c'est là l'occasion pour lui d'intervenir devant les autorités françaises afin d'avoir une monnaie d'échange", a affirmé l'avocat. "Ce qu'on peut concéder, c'est qu'il y a eu un irrespect anarchique d'un formalisme humanitaire", a-t-il ajouté.
Me Collard et une autre avocate, Me Céline Lorenzon, ont annoncé qu'ils comptaient se rendre au Tchad "dès que possible" pour rencontrer leurs clients, sans pouvoir avancer de date précise.
Quatre perquisitions en France
Quatre perquisitions ont visé vendredi l'Arche de Zoé et un collectif proche de l'association dans le cadre de l'enquête judicaire ouverte en France liée à l'évacuation bloquée d'enfants depuis l'est tchadien, a-t-on appris lundi de source proche de l'enquête.
Les policiers de la brigade des mineurs ont perquisitionné les locaux de l'association basée à Paris, le domicile de son président Eric Breteau, ainsi que le siège parisien du Collectif des familles pour les orphelins du Darfour (Cofod) et le domicile de l'un de ses dirigeants, selon cette source.