C’est à Wuhan, ville de 11 millions d'habitants dans le centre de la Chine, qu’est apparu pour la première fois le Sars-Cov-2 en décembre 2019. Placée en quarantaine fin-janvier, la mégapole avait été coupée du monde durant 76 jours.
Mais les grincements de dents d’une partie de la population à l’encontre des autorités ont désormais fait place à la satisfaction générale. Wuhan semble maintenant avoir résolument tourné la page.
L'insouciance d'avant la pandémie
A deux pas des eaux grises du Yangtsé, les stands de nourriture se succèdent de part et d’autre de la ruelle de Hubu, au cœur du district de Hankou. Les touristes se pressent dans ce haut lieu gastronomique de Wuhan pour goûter le "doupi", une sorte de crêpe au soja farcie avec du riz et de la viande de bœuf.
Assis sur un vieux tabouret, Monsieur Li regarde déambuler les badauds dans un joyeux brouhaha rythmé par les cris des vendeurs. "La vie des gens est à nouveau normale. Le souvenir de la pandémie s’est presque complètement estompé", affirme-t-il vendredi dans La Matinale, le menton appuyé sur sa canne. "On le voit dans le regard et l’expression des gens: tous semblent avoir retrouvé l’insouciance d’avant la pandémie."
Monsieur Li attribue cette sérénité retrouvée à la réponse efficace du Parti communiste. Les autorités chinoises ont, selon lui, agi de manière beaucoup plus responsable que les gouvernements étrangers, à commencer par les Etats-Unis, où "la situation est hors de contrôle", déplore l’homme de 68 ans. "Je ne connais pas en détail la situation dans tous les pays étrangers, mais d’après les informations que je reçois sur mon téléphone portable, les mesures adoptées ici étaient bien meilleures."
Il n'y a plus de problème. Regardez, je ne porte plus de masqueZhu Lexiong, commerçant à Wuhan
A quelques mètres de là, adossé à l’extérieur de sa petite échoppe, Zhu Lexiong affiche un large sourire. "Il n’y a plus de problème. Regardez, je ne porte plus de masque!" Les affaires vont bien, la fréquentation atteint 70 à 80% de celle de l’an dernier. Et il attend davantage de clients à l’occasion du congé national du 1er octobre, jour de la fête nationale chinoise.
Rien ne semble pouvoir entamer son optimisme, pas même la perspective d’une deuxième vague épidémique: "Je ne suis pas inquiet du tout, le gouvernement a montré qu’il sait gérer cela. Si des cas apparaissent, les autorités font vite: des quartiers peuvent être mis en quarantaine, les tests sont déployés massivement. Vous savez, en y mettant les moyens, le virus est facile à contrôler. Le parti est très efficace pour ça."
Les méthodes coup de poing des autorités
Les méthodes coup de poing des autorités rassurent. En juin, Pékin, la vitrine du pouvoir, était en émoi après la détection de cas positifs dans un important marché de gros de la ville, qui a été immédiatement fermé et désinfecté. La Municipalité s’est empressée de placer 21 quartiers résidentiels en quarantaine en ordonnant une batterie de tests de dépistage: 10% des 25 millions d’habitants de la capitale ont été examinés. Le foyer épidémique s’est officiellement éteint après 21 jours et plus de 300 infections.
Plus récemment, l’ensemble de la région du Xinjiang, au nord-ouest du pays, a été bouclée pendant plus d’un mois, le temps de contenir une potentielle nouvelle flambée, limitant là aussi les infections à quelques centaines.
En début de semaine, les pouvoirs publics de Ruili, ville frontalière avec le Myanmar, ont annoncé la levée prochaine des mesures de quarantaine. Les 200'000 habitants de la localité avaient été priés de rester chez eux après la découverte de deux cas importés du voisin birman. Une large campagne de tests n’a révélé aucune infection.
Un traçage minutieux
Ces mesures chocs, couplées au traçage minutieux de la population par le biais d’applications installées sur les téléphones portables, sont la seule manière efficace de prévenir une nouvelle catastrophe, estime Zhang Menhong, l’un des responsables chinois pour la gestion du Covid. "Nous devons contrôler l’épidémie en fonction de nos ressources. Quelques centaines de cas aujourd’hui, dans un pays comme le nôtre, c’est plusieurs milliers de cas demain, et un million le mois prochain. Avec une telle population, nos moyens médicaux sont beaucoup plus limités que dans les pays européens."
Zhang Menhong pointe en outre la différence culturelle entre l’Asie et l’Occident: "L’Occident bénéficie, depuis longtemps, des meilleures technologies du monde. Mais en Asie, la technologie a fait défaut pendant des décennies. Historiquement, nous avons donc toujours été très vigilants par rapport aux épidémies du fait de l’état de nos infrastructures. Or celui qui s’inquiète plus réagit plus vite et de manière plus déterminée."
Un Parti communiste renforcé
Dans les ruelles de Wuhan, Xiaoxiao arpente les boutiques sac au dos. Cette Pékinoise de 36 ans est venue visiter la ville, une manière de soutenir ses habitants qui ont tant sacrifié pour le pays, dit-elle. Comme beaucoup, la jeune femme salue la sérénité retrouvée grâce à la stratégie volontariste des autorités.
Mais cette ancienne étudiante au Royaume-Uni dit cependant comprendre l’approche plus mesurée des démocraties occidentales: "En termes de prévention et de contrôle, je comprends leur attachement à la liberté, la démocratie et aux droits humains qui résulte sur des mesures plus flexibles. La nature de leur système ne leur permet pas d’imposer les mêmes restrictions que la Chine. Le Covid-19 souligne les spécificités de nos deux systèmes idéologiques qui débouchent sur des mesures de prévention et des résultats différents."
Des résultats que Pékin affiche fièrement aujourd’hui. Les visages détendus des habitants de Wuhan sont une victoire pour le pouvoir. Pointées du doigt au début de la crise pour avoir fait taire les lanceurs d’alerte et dissimulé le caractère contagieux du virus, les autorités ont rapidement repris le contrôle de la situation. A coups de messages de propagande sur fond de nationalisme exacerbé, le Parti communiste cueille aujourd’hui les fruits de son succès et ressort considérablement renforcé de cette épreuve.
Reportage radio: Michael Peuker
Adaptation web: Frédéric Boillat