"Le Saint Père a accepté la renonciation de sa charge de préfet de la Congrégation des causes des saints et de ses droits liés au cardinalat présentée par Son Éminence le cardinal Giovanni Angelo Becciu", a annoncé jeudi soir le Saint-Siège dans un communiqué laconique qui n'a fourni aucune explication.
Le cardinal s'est dit "bouleversé" et innocent, affirmant avoir été poussé par le pape vers la sortie. "C'est un coup pour moi, ma famille, les gens de mon pays. Par esprit d'obéissance et par amour pour l'Eglise et pour le pape, j'ai accepté sa demande de me démettre de mes fonctions", a-t-il déclaré, cité vendredi par le quotidien Il Messaggero.
"Je suis innocent et je le prouverai. Je prie le Saint Père de m'autoriser à me défendre", a-t-il ajouté.
Après une carrière de nonce (ambassadeur), le prélat italien avait fait office durant sept ans de substitut de la Secrétairerie d'Etat, l'équivalent d'un ministre de l'Intérieur, en contact constant avec le pape Benoît XVI puis le pape François.
Tout juste créé cardinal à l'été 2018 par le pape François, il avait pris la tête de l'administration du Saint-Siège chargée d'enquêter et de trancher sur les béatifications et canonisations.
Conserver son cardinalat
Sa démission à 72 ans, prématurée et exceptionnelle dans les usages de l'Eglise, a toutes les allures d'une sanction.
En 2015, le pape François avait accepté la renonciation aux prérogatives de cardinal de Monseigneur Keith O'Brien, ancien archevêque d'Edimbourg qui avait démissionné deux ans plus tôt après avoir été l'objet de plaintes de jeunes prêtres pour des "actes inappropriés" dans les années 1980. Le prélat avait néanmoins conservé son titre de cardinal jusqu'à sa mort en mars 2018.
Le court communiqué du Vatican précise que si Angelo Becciu conserve son cardinalat, il perd tous les droits attachés à cette fonction, notamment la possibilité d'élire un nouveau pape lors d'un conclave ou de conseiller l'actuel souverain pontife.
Le nom du cardinal a été maintes fois évoqué dans le cadre d'une enquête explosive, lancée voici un an, sur d'opaques montages financiers pour acheter un immeuble dans le quartier chic de Chelsea à Londres.
Affaire immobilière en cause
La procédure d'achat avait commencé en 2014 lorsque Angelo Becciu était encore à la Secrétairerie d'Etat, l'administration centrale du Saint-Siège décisionnaire pour cet investissement. En début d'année, il avait défendu le bien-fondé de cet achat immobilier dans des entretiens.
Dans le cadre de cette enquête, cinq employés de la Secrétairerie d'Etat sont notamment dans le collimateur de la justice vaticane. Un homme d'affaires italien avait été arrêté en juin dernier sur des soupçons d'extorsion à l'encontre du Saint-Siège dans le cadre de l'achat de l'immeuble londonien, avant d'être remis en liberté provisoire.
Selon des révélations du magazine italien L'Espresso à paraître dimanche, le cardinal aurait dirigé à plusieurs reprises des centaines de milliers d'euros de l'épiscopat italien et du Saint-Siège vers une coopérative en Sardaigne gérée par son frère s'occupant d'insertion sociale sous l'égide du diocèse sarde du cardinal.
L'enquête, partiellement dévoilée vendredi dans le quotidien italien la Repubblica et qui pourrait avoir précipité la brusque chute du cardinal jeudi soir, affirme que le prélat a également favorisé durant sa carrière les activités de deux autres frères. Des fonds étaient réinvestis par la famille dans des activités financières, dont des fonds offshore, selon la même source.
agences/clo