Pakistan: une situation trouble et tendue
En dépit des critiques de plus en plus vives des Etats-Unis
(voir ci-contre), allié crucial du Pakistan, les
autorités ont interpellé ou assigné à résidence environ 1500
personnes depuis trois jours, pour l'essentiel des avocats, des
magistrats, des responsables et des militants de partis politiques,
ont indiqué lundi des sources policières.
Les avocats, en première ligne d'une campagne hostile à Pervez
Musharraf depuis qu'il a tenté de révoquer le président de la Cour
suprême en mars dernier, ont appelé à une grève nationale contre
l'application de l'état d'urgence.
Médias opprimés
A Karachi, la grande cité portuaire située dans le sud du pays,
la police a procédé à de nombreuses interpellations. "Nous
poursuivrons notre combat, quoi qu'il arrive", a lancé un avocat au
moment d'être embarqué dans une voiture de police.
Les médias sont également visés par des mesures de restriction.
Toujours à Karachi, la police a brièvement occupé lundi une
imprimerie appartenant à Jang, le plus grand groupe de presse privé
du pays.
Le président Pervez Musharraf a décrété samedi l'état d'urgence et
suspendu la Constitution. Il a invoqué la multiplication des
attentats et l'ingérence du pouvoir judiciaire dans les
prérogatives du gouvernement pour lutter contre les terroristes
islamistes.
Musharraf s'accroche
Mais l'opposition et de nombreux analystes et médias considèrent
que le général Musharraf, à la tête du Pakistan depuis un coup
d'Etat sans effusion de sang il y a huit ans, cherche à tout prix à
conserver le pouvoir.
La menace venait en particulier de la Cour suprême qui devait se
prononcer ce lundi sur la validité de sa réélection triomphale le 6
octobre dernier, au suffrage indirect des assemblées nationales et
provinciales qui lui étaient tout acquises. Le président de la Cour
suprême Iftikhar Chaudhry a été limogé et remplacé samedi par un
fidèle du président.
afp/boi
Législatives en janvier?
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé les autorités du Pakistan à libérer les personnes arrêtées et à "agir sans tarder en vue d'un retour à la démocratie".
La Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Louise Arbour a dénoncé la suspension des droits fondamentaux.
Pressé par la communauté internationale, le premier ministre Shaukat Aziz a promis de maintenir les législatives pour mi-janvier comme prévu.
"Les efforts en cours consistent à faire en sorte de rester le plus proche possible du programme prévu pour les élections", a affirmé pour sa part Pervez Musharraf.
Selon les analystes, les déclarations de ces responsables laissaient plutôt présager une suspension du processus pour un an au moins.
Volée de critiques
Pervez Musharraf s'est attiré lundi une nouvelle volée de critiques de la part de la communauté internationale.
George W. Bush a fermement appelé son homologue pakistanais à mettre fin à l'état d'urgence et à rétablir la démocratie aussi vite que possible.
Le président américain n'a cependant pas répondu directement à une question portant sur ce qu'il ferait au cas où Pervez Musharraf refuserait, et notamment s'il mettrait fin à l'aide américaine au Pakistan.
Peu auparavant, la secrétaire d'Etat Condoleeza Rice avait fait la même demande.
Le Royaume-Uni a également dit "étudier les implications" de la situation sur les programmes britanniques d'aide au développement du Pakistan.
Les Pays-Bas ont annoncé la suspension de leur aide financière. Pour 2007, les Néerlandais devaient encore verser trois millions de dollars à Islamabad.
Enfin, le gouvernement allemand a appelé Pervez Musharraf à lever l'état d'urgence.