Pakistan: Musharraf fait le grand écart

Le président Musharraf justifie l'état d'urgence décrété samedi
Le président Musharraf justifie l'état d'urgence décrété samedi
Le président pakistanais Musharraf s'est évertué mardi à résister aux intenses pressions internationales pour qu'il mette un terme à l'état d'urgence. Sur le terrain, les arrestations se poursuivent.

D'un côté, le Pakistan s'est raidi, en invoquant sa souveraineté
nationale face à la menace terroriste islamiste pour rejeter les
critiques de la quasi-totalité des capitales occidentales.

Mais, de l'autre, le général Musharraf a adouci son discours dès
lundi soir en promettant que les élections auraient lieu à une date
"aussi proche que possible" de l'échéance prévue.



Signe d'un malaise au sommet de l'Etat, une réunion du
gouvernement mardi n'a pu dégager une idée claire sur la question.
"Aucune décision n'a été prise encore sur le maintien des
élections", a indiqué le ministre adjoint à l'Information.

Les USA haussent le ton

Les Etats-Unis ont de leur côté haussé le ton, en menaçant
notamment de réexaminer leurs relations avec le Pakistan, allié
stratégique dans leur "guerre contre le terrorisme". Washington dit
vouloir réexaminer l'aide qu'il apporte au Pakistan.



"Nous comprenons que nombre de nos amis commentent la proclamation
de l'état d'urgence, mais cela relève avant tout des affaires
intérieures du Pakistan", a déclaré mardi le ministère des Affaires
étrangères.

La répression se poursuit

En marge de ces tergiversations sur les élections, la répression
a de nouveau prévalu : plus de 100 personnes ont encore été
arrêtées, notamment une cinquantaine d'avocats qui se rassemblaient
à Lahore (est), selon des sources policières, portant à plus de
1500 le nombre des arrestations et des assignations à résidence en
quatre jours d'état d'urgence.



Ces mesures visent en majorité des membres de l'opposition, des
avocats et des magistrats, les hommes de loi étant depuis huit mois
à la tête de la contestation anti-Musharraf.



Une inconnue demeurait enfin mardi : l'attitude de l'ancien
Premier ministre Benazir Bhutto, de retour au pays mi-octobre après
huit ans d'exil volontaire pour échapper à des accusations de
corruption, et qui avait entamé, avant l'état d'urgence, des
négociations pour un partage du pouvoir avec Pervez Musharraf avant
les législatives.

Benazir Bhutto à Islamabad

Benazir Bhutto est arrivée mardi de Karachi (sud) à Islamabad où
elle prévoit de rencontrer d'autres responsables politiques pour
"élaborer une stratégie" concernant l'état d'urgence.



Elle a également promis qu'un meeting de son influent Parti du
Peuple Pakistanais (PPP) prévu vendredi à Rawalpindi, dans la
banlieue d'Islamabad, se transformerait en "manifestation contre
l'état d'urgence". Mais, visée le 18 octobre par un attentat qui a
fait 139 morts à Karachi, elle n'a pas précisé si elle y
assisterait.



agences/bri/cer

Publié Modifié

Réseaux mobiles inopérants

Les réseaux de téléphones mobiles ont été rendus inopérants mardi à Islamabad.

Parallèlement, les télévisions privées, aussi bloquées dans leurs diffusions et entravées dans leur liberté de critique à l'égard du pouvoir du président Pervez Musharraf, se servent de plus en plus de leurs sites internet pour toucher leur public.

Le Pakistan, peuplé de 160 millions d'habitants, aurait trois à cinq millions d'internautes, selon des fournisseurs d'accès, contre moins d'un million en 2001.

Par un cinglant paradoxe, c'est le général Musharraf qui a libéralisé en 2003 le secteur de l'audiovisuel et des médias électroniques.

157 attentats perpétrés cette année

En décrétant l'état d'urgence, Pervez Musharraf a invoqué la multiplication des attentats et l'ingérence du pouvoir judiciaire dans les prérogatives du gouvernement pour lutter contre les terroristes islamistes.

Le Pakistan a été le théâtre cette année de 157 attentats attribués aux islamistes proches d'Al-Qaïda, qui ont coûté la vie à 667 personnes, un record dans l'histoire du pays, selon le ministère de l'Intérieur.

Mais l'opposition ainsi que de nombreux analystes et médias pakistanais considèrent que le général Musharraf a trouvé là un prétexte pour tenter à tout prix de conserver le pouvoir en suspendant un processus électoral qui le mettait en danger.