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Aux Etats-Unis, extrême droite, noms d'oiseaux et mensonges à gogo

Vignette AMERICAN WEEK
American Week: la campagne américaine en 3 minutes (épisode 1) / L'actu en vidéo / 3 min. / le 1 octobre 2020
Avec la série "American Week", RTSinfo s'arrête une fois par semaine sur la course à la Maison Blanche qui oppose le président sortant Donald Trump et son rival démocrate Joe Biden. Cette semaine, il est question d'impôts, d'extrême droite et de... "fermer sa gueule".

S'il ne fallait retenir qu'une chose de la semaine écoulée, c'est bien le débat désastreux entre les deux candidats à la présidentielle américaine qui s'est tenu dans la nuit de mardi à mercredi à Cleveland, dans l'Ohio. Au-delà du spectacle cacophonique - voire pathétique - offert par deux hommes âgés de 74 et 77 ans, qui ont passé 90 minutes à s'invectiver et à se couper la parole, le niveau de la discussion a sidéré le public, allant même jusqu'à laisser stupéfaits les journalistes et analystes les plus aguerris des Etats-Unis sur le plateau de CNN, à l'issue de l'affrontement. "Ce n'était même pas un débat, c'était une honte. Le peuple américain a perdu cette nuit", a déclaré à chaud Jake Tapper, alors que sa collègue Dana Bash était encore plus directe en qualifiant l'événement de "shit show", littéralement "un spectacle de merde".

Un spectacle décevant donc, mais peut-être une victoire pour Donald Trump dans la mesure où il a réussi à imposer son style, notamment en coupant sans cesse la parole de son adversaire Joe Biden, qu'il n'a pas épargné. "There is nothing smart about you, Joe", "Il n'y a rien d'intelligent en toi, Joe", a balancé le candidat républicain avant d'ajouter: "En 47 ans de politique, tu as fait moins que moi en 47 mois". Des invectives auxquelles le démocrate a su réagir, prouvant aux téléspectateurs qu'il n'était pas ce vieillard sénile manipulé par la gauche radicale que le président lui reproche d'être.

Mais voilà, de sa prestation, il restera un "will you shut up, man" ("vas-tu la fermer, mec?") et un "cet homme est un clown", "le caniche de Poutine". Pour le fond, les engagements, Joe Biden n'a pas non plus apporté les réponses que les habitantes et habitants des Etats-Unis sont en droit d'attendre en pleine crise économique et sanitaire, alors que le pays vient de passer le cap des 200'000 morts du Covid-19.

Course contre la montre dans les Etats-pivots

Au lendemain du débat, les deux hommes ont repris la route. Dans le camp démocrate, Joe Biden entame un voyage en train à travers plusieurs régions dont, notamment, la Pennsylvanie, où il convoite le vote ouvrier ravi par Donald Trump en 2016.

>> Lire : Joe Biden et Donald Trump à la conquête des "swing states"

De son côté, après un bref retour à Washington, Donald Trump a tenu un meeting mercredi soir dans le Minnesota où il s'est vanté d'avoir - en trois ans et demi - "sécurisé les frontières américaines, reconstruit l'impressionnante puissance militaire américaine, anéanti le califat de l'EI, réglé [nos] désastreux accords économiques avec la Chine et ramené des jobs aux Etats-Unis". Puis dans la foulée de propos déjà tenus ces derniers jours, il s'en est à nouveau pris à Ilhan Omar, une élue démocrate d'origine somalienne à la Chambre des représentants, appelant à la "faire enfermer".

"Joe Biden transformera le Minnesota en camp de réfugiés", a-t-il ensuite avancé. Depuis dimanche soir, Donald Trump réclame l'ouverture d'une enquête à la suite de la diffusion d'une vidéo par le groupe d'extrême droite Project Veritas. Celle-ci montre un homme conduisant à Minneapolis avec ce qui serait des centaines de bulletins de vote par correspondance. "Il s'agit d'une campagne de désinformation coordonnée", ont déclaré des chercheurs cités par The New York Times. Ils ajoutent même que "le moment choisi pour diffuser la vidéo indique que plusieurs conservateurs, dont Donald Trump Jr, en avaient peut-être connaissance à l'avance".

Un rapport trouble à l'extrême droite

Cette histoire reflète à elle seule le climat délétère dans lequel se déroule la campagne pour la présidentielle américaine. En plus de refuser de dire s'il accepterait une éventuelle défaite, l'actuel locataire de la Maison Blanche répète - sans avancer de preuves - que l'élection est truquée et qu'il refuse d'appeler ses partisans au calme après le dépouillement. Or, selon toute vraisemblance, il n'y aura pas forcément de résultat définitif au matin du 4 novembre. D'où une certaine inquiétude du côté du FBI et ce d'autant plus que Donald Trump est resté ambigu sur les milices d'extrême droite lors du premier débat. "Ok Proud Boys, reculez et tenez-vous prêts", avait répondu le milliardaire au modérateur Chris Wallace qui lui demandait de condamner ces activités.

Visiblement ravi, le groupe paramilitaire, fondé en 2016 et lié à plusieurs épisodes de violences contre des manifestants antiracistes, a immédiatement adopté le slogan sur les réseaux sociaux. Il aura fallu plus de 16 heures et un véritable tollé aux Etats-Unis, jusqu'au sein du Parti républicain, pour que Donald Trump tente d'éteindre la polémique et appelle les suprémacistes blancs à "laisser la police faire son travail".

Joe Biden a pour sa part affirmé mercredi qu'il n'y avait qu'un message possible à l'adresse des suprémacistes blancs: "arrêtez tout". "Peut-être que je ne devrais pas dire cela mais la façon dont le président des Etats-Unis s'est conduit, je trouve que c'est une honte nationale", a lancé l'ancien vice-président de Barack Obama.

Dans les bassins ouvriers, le démocrate a martelé que son rival avait "oublié les 'Américains oubliés' qu'il avait promis de défendre", le dépeignant en héritier méprisant. "Je me battrai pour vous", a-t-il promis à ses partisans.

750 dollars d'impôts en 2016

Un "héritier méprisant", qui a habilement su faire oublier les révélations faites sur ses déclarations d'impôts des dix dernières années. A la une du New York Times, le sujet repris dans le monde entier a tout juste été évoqué lors du débat et a depuis presque disparu des médias. Outre le fait que Donald Trump n'a payé que 750 dollars d'impôts en 2016, le quotidien américain mettait le doigt sur la possible fragilité de l'empire Trump, peut-être moins florissant que ne veut le faire croire celui qui ne manque jamais de se présenter comme un businessman talentueux.

Même s'il n'est pas exempt de critiques, Joe Biden a eu beau jeu, lui, de publier ses déclarations d'impôts quelques heures avant le débat. Son équipe a aussi su exploiter l'information en mettant en ligne un calculateur pour permettre à chaque Américain-e d'estimer combien d'impôts il paie en plus que le président. Au-delà de ce gadget numérique, ces révélations - que Donald Trump qualifie de "fake news" - ont plutôt eu l'effet d'un pétard mouillé. Il en faudra plus pour faire changer d'avis la base de l'électorat républicain. Quant aux démocrates, ils sont déjà convaincus que Donald Trump est un "pourri".

Sa fiscalité vient ajouter un argument de plus à la liste de ceux et celles qui chaque jour battent le pavé pour appeler un peu plus fort à tourner la page de cette présidence. Avec une réserve toutefois, Joe Biden ne suscite pas une franche adhésion et il traîne lui aussi quelques casseroles, avec les femmes notamment. Cela pourrait se traduire par une abstention élevée.

>> Ecouter aussi le carnet de bord de Jordan Davis, notre envoyé spécial aux Etats-Unis, cette semaine en Californie :

Des arbres carbonisés le long de Pallet Creek Road, en Californie, le 18 septembre 2020. [AFP - Kyle Grillot]AFP - Kyle Grillot
15 Minutes - LʹAmérique au tournant: la Californie brûle (Épisode 1) / Six heures - Neuf heures, le samedi / 4 min. / le 26 septembre 2020

Juliette Galeazzi

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La Cour suprême, l'ultime pari de Donald Trump

Donald Trump s'est dit convaincu que le Sénat américain, à majorité républicain, voterait avant l'élection pour confirmer la nomination de sa candidate, la juge Amy Coney Barrett, à la Cour suprême américaine.

Si c'était le cas, cela ancrerait la plus haute juridiction du pays dans le conservatisme, possiblement pour des décennies, ce qui pourrait avoir un impact énorme sur les questions de société américaines les plus brûlantes (armes, IVG, assurance-santé, etc.). De quoi réjouir l'aile conservatrice du Parti républicain, alors que l'opposition démocrate s'est dite farouchement opposée à un tel vote au Sénat, qui serait contraire aux dernières volontés de la juge progressiste Ruth Baderr Ginsburg, décédée le 18 septembre.

Sauf énorme surprise, les sénateurs républicains, qui disposent de 53 voix sur 100 à la chambre haute du Congrès, devraient confirmer le choix de Donald Trump à la Cour suprême si le vote était bien tenu. Le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, a déjà annoncé qu'un vote se tiendrait "cette année". Les auditions sénatoriales de la juge Barrett doivent débuter le 12 octobre (afp).