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Jeu de pouvoir en Allemagne autour de l'avenir du pipeline Nord Stream 2

Sassnitz, sur la côte baltique, est plongée au coeur d'un conflit géopolitique majeur en raison de son pipeline
Sassnitz, sur la côte baltique, est plongée au coeur d'un conflit géopolitique majeur en raison de son pipeline / 19h30 / 2 min. / le 30 septembre 2020
Sassnitz, petite ville portuaire allemande sur la côte baltique, est plongée depuis plusieurs mois au coeur d’un conflit géopolitique majeur. Son port sert en effet de base logistique à la construction du pipeline Nord Stream 2.

Cet ouvrage doit approvisionner l’Europe en gaz russe. Mais depuis la promulgation, fin décembre, par Donald Trump d’une loi imposant des sanctions contre les entreprises associées au projet, les travaux sont gelés. Et avec l’affaire Navalny, le projet Nord Stream 2 est menacé par une nouvelle vague de sanctions, européennes cette fois.

>> Lire aussi : L'Allemagne veut que l'UE sanctionne la Russie pour l'affaire Navalny

A Sassnitz - maillon essentiel pour la construction de l'ouvrage -, les visites officielles se multiplient. Manuela Schwesig, Ministre-présidente de la région de Mecklembourg Poméranie-Occidentale, est particulièrement inquiète: "Nous devons tout faire pour empêcher que ce port, et surtout ses employés, deviennent le jouet d'intérêts politiques internationaux".

Projet compromis

Le projet Nord Steam 2, achevé à près de 95%, semble pourtant plus que jamais compromis. Sous la menace de sanctions américaines, l'armateur fribourgeois Allseas, chargé de la pose des canalisations, a abandonné le chantier au mois de décembre. A Sassnitz, plus d’un millier de tuyaux à gaz attendent leur sort.

Des sénateurs américains visent également les responsables du port, soit la municipalité, mais aussi les salariés. Le maire de Sassnitz, Frank Kracht, n’en revient toujours pas: "Pour moi, le summum a été atteint lorsque j’ai vu que les salariés du port étaient personnellement visés. Là, je me suis dit: 'trop c’est trop', ils sont vraiment sans vergognes, c’est intolérable".

Crainte de sanctions européennes

Mais la menace est prise très au sérieux dans la petite ville portuaire, d’autant que l’affaire Navalny envenime un peu plus encore la situation. Des sanctions européennes contre le projet ne sont pas écartées. Des habitants sont inquiets: "Maintenant que le projet est en plus associé à cette tentative d'empoisonnement, les enjeux sont énormes, et ça ne promet rien de bon pour Sassnitz, ça c’est sûr". Ou cette autre remarque: "De nombreux emplois ont été créés autour du port, ce serait terrible si tout disparaissait à nouveau. Sur une île comme la nôtre, les emplois ne courent pas les rues".

Des responsables conservateurs locaux ont pris leur plume pour inviter Donald Trump à se rendre sur place. Mais aujourd’hui, ils espèrent surtout que Berlin ne les laissera pas tomber, à l'image de Christine Zillmer (CDU): "C’est comme si nous étions pris en étau entre deux vertèbres. On sent que l’hernie discale n’est pas loin et que notre ville, Sassnitz, risque d’être écrasée par cette affaire. Alors oui, nous espérons que le gouvernement prenne position et nous soutienne".

Pris dans les mailles de la géopolitique mondiale, l’avenir de Sassnitz et du gazoduc Nord Stream 2 reste plus que jamais incertain. Plus de 10 milliards de francs sont en jeu.

Sujet TV: Anne Maillet et Laurent Burkhalter

Adaptation web: Jean-Philippe Rutz

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Un gigantesque projet de gazoduc entre la Russie et l'Allemagne

Nord Stream 2 est un gigantesque gazoduc long de 1200 kilomètres qui doit relier la Russie à l'Allemagne via la Mer baltique, et ceci afin de doubler le volume d'approvisionnement en gaz naturel de Nord Stream 1, un autre gazoduc qui existe déjà et parallèle à celui-ci.

Ses défenseurs avancent que l'Europe a besoin d'importer davantage de gaz naturel, alors qu'elle abandonne progressivement le nucléaire et le charbon et réduit sa propre production de gaz. Et surtout, le tracé évite scrupuleusement l'Ukraine, dont les conflits gaziers avec la Russie ont perturbé l'approvisionnement européen ces dernières années. En plongeant sous la Baltique, ce gazoduc évite le problème.

Ses détracteurs reprochent à ce gazoduc le fait que près de 40% du gaz importé en Europe vient de Russie. Et pour la Suisse, cette proportion dépasse même 50%.

Nord Stream 2, dont le siège est à Zoug, a de plus en plus de détracteurs: les pays de l'Est y voient un signe de plus de l'influence tentaculaire de la Russie en Europe et de la dépendance énergétique que cela provoque. Le président  français Emmanuel Macron a d'ailleurs mis en garde la chancelière allemande Angela Merkel à ce sujet.

Car derrière l'approvisionnement, on trouve l'entreprise Gazprom, protégée du Kremlin. C'est une partie du problème aussi pour les Etats-Unis, en conflit avec la Russie sur de nombreux dossiers, et qui voudraient aussi écouler leur gaz naturel en Europe. Nord Stream 2 serait ainsi une menace commerciale pour eux.