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"L’héritage maoïste revient sur le devant de la scène"

Géopolitis: Chine, l'empereur rouge [Pool via REUTERS - Fred Dufour]
Chine, l’empereur rouge / Geopolitis / 27 min. / le 4 octobre 2020
Le contrôle du président chinois sur l’empire du Milieu se renforce d’année en année. La contestation interne et externe au parti est de plus en plus réprimée. Xi Jinping serait-il alors l’héritier de Mao?

Depuis son arrivée au pouvoir en 2013, le président chinois Xi Jinping s’est appuyé sur des campagnes de purges au sein du Parti communiste. Les séances de critique et d’autocritique qui étaient monnaie courante sous Mao se généralisent. Plusieurs milliers de journalistes employés dans des organes de presse d’État ont été ainsi soumis à des tests de loyauté.

Pour Alice Ekman, analyste responsable de l’Asie à l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne (EUISS) et invitée de l’émission Géopolitis, l’ouverture opérée dans les années 80, sous la direction de Deng Xiaoping, ne doit pas faire oublier les fondements idéologiques du régime. "Les héritages maoïste et soviétique sont toujours très présents, non seulement ils n’ont jamais disparu depuis la création de la République populaire de Chine en 1949, mais ils reviennent sur le devant de la scène avec un renouveau idéologique promu par Xi Jinping", souligne cette spécialiste du système politique chinois.

Un pays unifié

Ce renouveau idéologique s’accompagne d’une forte répression des religions. "Le Parti communiste chinois est guidé par une volonté de supervision des religions", analyse Alice Ekman, qui sont vues comme une menace pour l’unité du pays. Depuis les années 50, c’est le bouddhisme tibétain qui en fait les frais et plus récemment l’islam des minorités turcophones, au Xinjiang. L’assimilation des minorités passe également par la langue. La volonté d’imposer le mandarin aux régions autonomes se fait de plus en plus pressante, comme on l’a vu lors de la réouverture des écoles en Mongolie intérieure.

La clé de voûte de la politique du Parti communiste est un pays unifié. Cette idée sous-tend la politique du gouvernement envers les minorités ethniques. Dans cette logique, le pouvoir central ne peut pas tolérer les revendications démocratiques et autonomistes des régions périphériques. "A Hong Kong, l'objectif à terme, c'est l'harmonisation politique et juridique, précise Alice Ekman, pour faire finalement de Hong Kong une province comme les autres." Le principe "un pays, deux systèmes", qui donnait une certaine autonomie politique à l’ancien territoire britannique, n’est pas compatible avec la vision qu’a le gouvernement d’un pays unifié. Ce qui explique la répression implacable des manifestations prodémocratie.

Taïwan est également une épine dans le pied du gouvernement chinois qui a envoyé récemment son aviation militaire à plusieurs reprises dans l’espace aérien taïwanais. Pékin a toujours considéré l’île comme faisant partie intégrante de la Chine. Pour l’instant, la guerre est surtout diplomatique et économique, mais, comme Xi Jinping l’a régulièrement souligné, une intervention militaire n’est pas écartée.

Affirmer la supériorité du modèle chinois

Alors que "la Chine exaspère un nombre croissant de pays, développe Alice Ekman, elle cherche à fédérer un maximum de pays autour de ses positions, en premier lieu des pays en développement et des pays émergents". Ces efforts sont payants d’après la spécialiste: "La Chine n'est pas si isolée qu'on le pense, même sur des sujets sensibles comme Hong Kong, le Xinjiang ou la Mer de Chine du Sud." Face à une vingtaine de pays qui avaient porté devant le conseil des Droits de l’Homme la nouvelle loi sur la sécurité à Hongkong, Pékin a réussi à en mobiliser 50 autres pour défendre sa position et ses droits sur l’ancienne colonie britannique.

C’est dans ces pays que le lobbyisme pour présenter le modèle politique chinois comme la meilleure solution est le plus intense. C’est également sous cet angle-là que la Chine cherche à se profiler après la crise du Covid. Alice Ekman explique qu'"aujourd’hui la Chine cherche à se positionner comme un fournisseur de solutions face aux autres puissances", en Afrique notamment et avec ses partenaires dans le grand projet des nouvelles routes de la soie.

A travers ce resserrement du contrôle politique et économique, "la Chine aujourd'hui souhaite plus que jamais affirmer la supériorité de son système politique au niveau régional et international", souligne la chercheuse.

Sandra Miura

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La mainmise sur l’économie

Au-delà du contrôle accru des velléités politiques et autonomistes, le Parti communiste impose un contrôle de plus en plus resserré des milieux économiques. Dans son livre "Rouge vif", Alice Ekman met en avant le rôle majeur que joue l’État dans l’économie. "On a tendance à sous-estimer l’omniprésence du Parti dans la gestion des affaires économiques, analyse-t-elle. Il s’agit toujours d’une économie fortement planifiée." Cela ne se limite pas aux entreprises d’État, explique la chercheuse : "Une part non négligeable des entreprises privées, aujourd'hui, crée des cellules du Parti en leur sein sous l'encouragement de Xi Jinping."