Des lanceurs d'alerte hors-normes

Grand Format Enquête

RTS - Cécile Tran-Tien

Introduction

Ils étaient immensément riches et sont devenus lanceurs d’alerte. Portrait de Tanya et Darrin Stock, ce couple qui fait trembler l’île de Jersey. #JerseyOffshore, une enquête de la RTS en collaboration avec l’European Investigative Collaborations (EIC).

Chapitre 1
Introduction

TBIJ - Franz Wild

C'est une histoire digne des meilleures séries télévisées. Tout commence en juillet 2012, à quelques kilomètres des côtes françaises, par un mariage aux allures de conte de fée. Calèche, petits fours, feux d'artifice en plein cœur du manoir Saint John, l'une des plus belles résidences de Jersey. A 46 ans, Tanya Dick épouse Darrin Stock, un banquier qu'elle a rencontré trois ans plus tôt à Saint-Pétersbourg. Dans la vidéo du mariage, la mariée apparaît aux bras de son père John W. Dick, un magnat des affaires qui a fait fortune dans le milieu des trusts. L'homme, aujourd'hui âgé de 82 ans, côtoie, depuis des années, titans de la finance et dirigeants politiques de premier plan. Il siège également au conseil d'administration du géant américain Liberty Global, à la tête de Virgin Media, d'UPC et en passe de racheter l'opérateur Sunrise en Suisse.

Aujourd'hui, fini le conte de fées, le père et la fille ne communiquent plus que par avocats interposés. Elle l'accuse de lui avoir volé pas moins de 60 millions de livres sterling, lui nie tout. Un seul point les unit: ils estiment qu'une fraude massive a été perpétrée à Jersey.

C’était comme entrer dans le hangar d’Indiana Jones.

Tanya Stock

Quelques mois avant le mariage, alors que la future épouse est en pleins préparatifs, elle découvre au cœur même de la propriété familiale de 23 hectares un ancien terrain de squash abritant plus de 300 boîtes d'archivage. "C'est un endroit difficile d'accès dans le manoir, je n'y étais jamais allée. Il y avait des boîtes partout, c'était comme entrer dans le Hangar 51 dans Indiana Jones", se souvient Tanya.

11 janvier 2015 – Les boîtes entreposées dans l’ancien court de squash du Manoir St. John. [Tanya et Darrin Stock]
11 janvier 2015 – Les boîtes entreposées dans l’ancien court de squash du Manoir St. John. [Tanya et Darrin Stock]

Au départ, l'Américaine ne réalise pas ce qu'elle a devant les yeux. Préoccupée par son mariage, elle commence à déplacer les boîtes vers les anciennes étables du manoir pour faire de la place pour le traiteur. A ce moment précis, elle découvre son nom et celui de plusieurs de ses proches inscrits sur les boîtes.

Ces documents ont été abandonnés en 2007 par la société La Hougue, lors de son départ au Panama. Depuis, plus personne ne les avait touchés. Le consortium European Investigative Collaborations (EIC.network), dont la RTS est membre, a obtenu plus de 18 Go de documents archi-secrets, soit près de 370'000 pages de virements bancaires, livres comptables, notes manuscrites et procès-verbaux de réunions.

On y découvre les coulisses de La Hougue, discrète société spécialisée dans la création de trusts et d'entreprises susceptibles d'être utilisées à des fins de fraudes fiscales et de blanchiment d'argent pour de riches clients. Un système orchestré par le père de Tanya en personne, ce qu'elle découvrira trois ans après son mariage.

>> Voir le reportage de Mise au Point :

Jersey offshore : enquête sur un gigantesque scandale financier
Mise au point - Publié le 4 octobre 2020

>> L'interview de Cécile Tran-Tien, journaliste d'investigation :

Interview de Cécile Tran-Tien, journaliste d’investigation, enquête Jersey Offshore
Mise au point - Publié le 4 octobre 2020

Chapitre 2
Deux ans et demi pour scanner des documents

RTS - Cécile Tran-Tien

Pour bien comprendre ce scandale, il faut remonter avant le mariage. "J'ai grandi dans une famille immensément riche, persuadée que mon père était l'homme le plus merveilleux du monde. Je l'idolâtrais", raconte Tanya. Enfant, elle se souvient des nombreuses imprimantes et machines à écrire dans le manoir, mais à l'époque elle grandit sans trop se soucier des activités de son père.

En 1981, elle est encore mineure lorsque ses parents divorcent. Pour éviter de perdre trop de plumes dans cette longue bataille juridique, John W. et Mary Dick décident de placer des centaines de millions sur deux trusts Dick Family Trust I et II, créés en 1984 et destinés à l'éducation de leurs deux enfants. Grâce à cet argent, Tanya Dick a pu mener la grande vie pendant près de 17 ans sans jamais se soucier d'argent. Etudes de droit à Boston, voitures, appartements, téléphones, déplacements… Il n'y avait qu'à claquer des doigts et demander aux trustees, les gestionnaires de ses trusts, et le budget suivait. "J'étais un pur produit des trusts, tout ce qu'il y a de plus classique" s'amuse aujourd'hui Tanya.

Mais en 2010, Tanya Dick découvre avec stupeur que l'un de ses trusts a été complètement vidé: "Mon père est venu me voir pour me dire qu'il avait de mauvaises nouvelles, que nos trusts étaient en train d'exploser et que tout l'argent avait disparu. Je me dis: alors où est cet argent ? Il n'y a pas moyen!" Elle est à mille lieues d'imaginer l'implication de son propre père et de ses associés dans cette histoire.

Je pense que toute la partie, les administrateurs, les avocats, les autres membres de la famille, ont complètement sous-estimé Tanya.

Darrin Stock

Après le mariage, elle décide d'aller fouiller dans les documents trouvés dans l'ancien terrain de squash pour tenter de comprendre. Équipés d'un scanner, Tanya et son mari Darrin Stock se mettent en tête de numériser ces documents. Une tâche qui leur prendra plus de deux ans et demi : "Chaque jour, nous lisions et scannions ce qui était important. Nous prenions des notes et nous soulignions les principales informations. C'était une quantité de travail folle!", se souviennent-ils.

A l'époque, son père, John W. Dick, sait que les scans sont en cours, il ne panique pas. Il encourage même sa fille sans préciser qu'il est derrière toute la structure. Lui et ses associés étaient persuadés que l'Américaine allait abandonner. "Je pense que toute la partie, les administrateurs, les avocats, les autres membres de la famille, ont complètement sous-estimé Tanya" raconte Darrin Stock à la RTS.

Dans un mail daté du 22 mai 2013, l'un des associés de la Hougue écrit: "Ils sont dans une chasse aux sorcières, mais je ne pense pas que cela aboutira […] Ils n'ont pas beaucoup d'argent pour entamer une longue bataille judiciaire et Tanya et Darrin vont vite perdre l'intérêt à éplucher 15 ans de comptabilité pour chaque entité. Il y aura sûrement beaucoup de questions et d'accusations mais comme nous y répondrons avec calme, alors ils réaliseront la futilité de cet exercice".

Rien ne prédestinait Tanya Stock à devenir une lanceuse d'alerte. "J'étais extrêmement timide et pendant des années j'ai eu une santé fragile", confie-t-elle. Mais son bagage universitaire est solide. Devenue avocate à Saint-Pétersbourg, son obstination et sa persévérance permettront de mettre à jour une fraude planétaire.

Chapitre 3
Le système judiciaire impliqué

RTS - Cécile Tran-Tien

En 2015, Tanya et Darrin Stock décident de contacter la police de Jersey pour leur faire part de leurs découvertes et leur montrer ces fameuses boîtes. "On a été naïfs", reconnaît Darrin Stock. Intrigués, les agents décident de mettre les boîtes en sécurité. "La police a pris les boîtes, le temps a passé mais rien n'a bougé", déplore le couple. "J'avais espéré une réaction et des arrestations après nos révélations. J'espérais qu'un fonctionnaire se saisisse du dossier et mène l'enquête sérieusement", raconte Tanya.

Les noms des hommes forts du système judiciaire de Jersey sont partout dans les boîtes.

Tanya Stock

Mais à Jersey, la police n'est pas intéressée par ces documents et malgré les relances du couple, leur dénonciation de fraude fiscale et de blanchiment d'argent reste lettre morte. Ce n'est qu'en décortiquant les documents qu'ils comprendront les raisons de cette inaction. Les hommes forts du système judiciaire de Jersey sont liés à La Hougue, la société du père de Tanya, au cœur du gigantesque système de fraude. "Leurs noms sont partout dans les boîtes", explique la lanceuse d'alerte.

Par exemple, le juge Timothy Le Cocq, chargé d'instruire le dossier de Tanya Stock, n'était autre que l'ancien avocat de son père John W. Dick. En 2009, il est devenu procureur général de Jersey avant d'être nommé "Bailiff", la plus haute fonction judiciaire de l'île, le 17 novembre 2019.

Pour le couple, les conflits d'intérêts sont évidents : "Le système juridique de Jersey a tout fait pour nous réduire au silence, ils feront ça avec tous ceux qui iront à l'encontre des intérêts de l'île". Confronté à ces accusations, Le Cocq ne se souvient plus de tous les détails d'une affaire d'il y a 25 ans. Son porte-parole ajoute : "Il s'ensuit qu'aucun des documents que vous invoquez n'étaye la suggestion que M. Le Cocq agissait pour ou dans l'intérêt de M. Dick ou dans l'intérêt de La Hougue [...] Aucune demande de récusation n'a été présentée à M. Le Cocq".

Chapitre 4
Qui est John W. Dick?

TBIJ - Franz Wild

Pour les aider dans leur démarche, Tanya et Darrin Stock font appel à deux spécialistes suisses de la gestion des fortunes américaines. Ce sont eux qui comprennent les premiers que le père de Tanya est à la tête de la fraude. Un choc de taille pour la fille de l'homme d'affaires. "Et j'ai découvert que ce que je croyais être mon père n'était qu'un mensonge […] C'est une chose horrible de découvrir que votre père est le méchant." Et elle ajoute, attristée : "Ce que j'avais n'était pas une relation père-fille, j'avais une relation fraudeur-victime".

En 2018, le couple découvre le témoignage sans détour de Richard Wigley, le plus proche partenaire de John W. Dick pendant trois décennies. Devant le tribunal du Colorado, il explique sans détour qu'il n'était qu'un homme de paille, nommé par John W. Dick pour cacher son implication réelle dans l'entreprise. "M. Dick possédait la compagnie, ce qui signifie qu'en dernier ressort c'est lui qui possédait les actions. Nous étions les détenteurs enregistrés des actions parce que M. Dick a passé sa vie à se cacher de ses biens et à utiliser des personnes et des entités pour que son nom n'apparaisse pas".

John W. Dick. [EIC.Network]
John W. Dick. [EIC.Network]

John W. Dick est un multimillionnaire au CV et au physique pour le moins impressionnant. Ami proche du président rwandais Paul Kagame, Dick reçoit en 2019 la médaille d'honneur des mains du président.

Côté business, l'homme n'a jamais fait les gros titres en Suisse, pourtant c'est un investisseur redoutable. Le père de Tanya est l'archétype du self-made man. Parti de rien, il a investi massivement dans l'immobilier à Denver avant de se lancer dans les télécommunications.

"Quand nous étions petits, ma mère adorait nous raconter qu'ils n'avaient pas d'argent et que mon père avait des trous dans ses chaussures le jour du mariage. Mon père a eu du flair en anticipant que la ville de Denver allait se développer vers l'est, parce que de l'autre côté il y avait une forêt. Il s'est mis à acheter des terrains qui ne valaient pas grand-chose à l'époque et le dimanche, après l'église, on montait tous dans la voiture et ils nous disaient: tu vois ce terrain-là bas? C'est le nôtre, et un jour ça va valoir beaucoup d'argent!", raconte Tanya Stock.

Avec son œil gauche cautérisé, John W. Dick affiche un visage sévère. "Il n'est pas aveugle, explique sa fille, c'est l'une des conséquences de son diabète". Elle ajoute: "Une chose est certaine, mon père est terriblement intelligent. Il est brillant. Et c'est très difficile quand vous avez affaire à quelqu'un d'aussi intelligent, et qui est prêt à dire ou à faire n'importe quoi (…) c'est vraiment un combat impossible".

Aujourd'hui accusé de vol et d'enrichissement illégitime, John W. Dick doit faire face à la justice américaine. Sa fille redoute qu'il décède avant d'avoir été jugé: "Je veux qu'il soit jugé pour ce qu'il a fait et que le reste du monde soit au courant. Peu importe ce qui lui arrive, nous continuerons à nous battre et nous allons tout faire pour rétablir les faits et faire éclater la vérité au grand jour".

Peu de personnes auraient pu survivre à ce qu’on a vécu.

Tanya Stock

L'avocate s'est mise à dos toute sa famille en partant en guerre contre son père et contre Jersey. Tous ont ouvert des procédures contre elle, mais elle reste confiante. Au total, le couple a dépensé plus de 6 millions de dollars en procédures judiciaires et en investigations, sans compter l'engagement psychologique que cela a demandé. "Ce sont des centaines de milliers d'heures de travail, tu dois avoir l'estomac solide, la volonté, la ténacité, les ressources, et c'est vrai il faut aussi être un peu stupide, parce que tu ne sais pas dans quoi tu plonges", avoue Tanya Stock et d'ajouter : "Peu de personnes auraient pu survivre à ce qu'on a vécu".

Chapitre 5
Des documents falsifiés

RTS - Aviva Fried

Un des services proposés aux clients de la Hougue était la falsification de documents. Dans une conversation enregistrée, l'un des anciens employés explique que lorsque le chef de l'entreprise "veut mettre en avant une certaine position, il crée un ensemble de documents pour le faire. Vous savez qu'il a de vieilles imprimantes, de vieilles machines, de vieux papiers, de vieux stylos, pour mettre en place tout ce qu'il veut... s'il veut mettre en avant une certaine position, il y aura un document. Il y aura un vieux document".

Les documents concernant les prêts de Pantrust ont été antidatés; les prêts ont été fabriqués.

Un avocat de Richard Wigley

Devant la justice américaine, Richard Wigley, l'architecte de ce flux d'argent offshore, reconnaît en 2016 avoir fabriqué de faux documents pour leurs clients. "Les documents concernant les prêts de Pantrust ont été antidatés […] les prêts ont été fabriqués", explique l'un de ses avocats.

Un mémo du 14 juin 2006 relève: "Il est important que nous ne nous créions pas de difficultés avec l'âge du papier et de l'encre en ce qui concerne la signature rétroactive de documents". Le collaborateur de La Hougue conseille au passage de "détruire après signature" le document.

Memo du 14 juin 2006. [EIC.Network]
Memo du 14 juin 2006. [EIC.Network]

Ce processus de fabrication rappelle à Tanya un souvenir: "Adolescente, j'avais besoin de papier, d'un stylo et d'autres choses, alors je me suis faufilée dans le bureau de mon père. Quand mon père est entré, il m'a frappé à la tête et m'a dit que je ne devais jamais aller dans les vieux papiers et les vieux stylos. Maintenant, je comprends qu'ils faisaient des stocks pour fabriquer des documents. Je pensais lui faire une faveur en ne prenant pas de papier neuf et en utilisant d'abord les vieux papiers !"

Chapitre 6
Des lanceurs d'alerte

RTS - Aviva Fried

Tanya et Darrin Stock assurent qu'ils n'ont jamais soupçonné, ni participé à ces activités illégales et que c'est uniquement en mettant le nez dans les documents qu'ils ont compris l'ampleur de la fraude mise en place. "Je n'ai aucune raison d'être impliquée. Quand mon trust a été fondé, j'étais enfant, donc je n'ai jamais signé pour faire partie de cette entreprise criminelle".

John W. Dick nie catégoriquement toutes les allégations de sa fille, affirmant même que si une fraude a été commise, il en est également victime. Son avocat affirme: "John Dick réfute totalement toute suggestion de malversation et est déçu que les membres de la presse n'aient pas essayé de comprendre ou de refléter les faits réels qui leur ont été communiqués". Et enfin, il conclut : "Malheureusement, les Stock sont des témoins peu fiables avec un agenda clair et tordu".

Jersey protège Jersey. Tout ce qui peut nuire à leur réputation, ils le font taire, peu importe si vous êtes la victime.

Tanya Stock

C'est la première fois dans une fuite de données sur un paradis fiscal que les lanceurs d'alerte acceptent d'apparaître publiquement. En s'exposant, le couple prend un risque mais il souhaite avant tout sensibiliser le public à la question de Jersey. "Je veux que personne d'autre ne traverse ce que j'ai dû endurer", martèle-t-elle.

Les deux Américains refusent que leur combat de dix ans ne se résume à un simple conflit fille-père autour d'un différend d'argent. Ce qu'ils attendent, ce sont de réels changements dans l'industrie du trust: "Jersey protège Jersey. Tout ce qui peut nuire à leur réputation, ils le font taire, peu importe si vous êtes la victime. Ils ne peuvent pas vous faire parler. Il faut faire savoir au monde entier qu'il y a des fraudes à Jersey, car je vous garantis que La Hougue n'est pas la seule entreprise de Jersey à fabriquer des documents, et à ce stade, je sais que j'appelle Jersey l'île de la fabrication", martèle Tanya.

"La Hougue était une société fiduciaire qui n'offrait pas de services de fiduciaire par exemple. Ce qu'elle offrait, c'était un menu "à la carte". J'ai trouvé une lettre qu'ils envoyaient aux nouveaux clients et nous l'appelons les 11 façons de blanchir votre argent. Dans cette lettre de bienvenue sont joints 11 schémas différents pour transférer de l'argent à l'étranger".

Résumé des 11 méthodes pour placer des fonds offshore. [EIC.Network]
Résumé des 11 méthodes pour placer des fonds offshore. [EIC.Network]

Tanya Stock reste attachée à l'île de Jersey où elle a grandi mais regrette que le système législatif n'ait pas évolué depuis les années 1970. "Je crois au mythe selon lequel Jersey est un endroit sûr ; si les lois sont appliquées, vous serez protégé".

Darrin Stock est convaincu que leurs révélations peuvent avoir plus d'impact que les Panama Papers: "Les Panama Papers avaient 6000 noms sans avoir de profondeur, nous on a des preuves évidentes des crimes que ces gens ont faits. […] Les mentalités ont évolué et les réglementations aussi, donc l'environnement est bien plus propice qu'en 2015 quand les Panama Papers sont sortis".

Chapitre 7
Les suites de l'affaire

TBIJ - Franz Wild

Ironie de l'histoire, la société La Hougue renaît en 2007 au Panama pour poursuivre ses activités sous le nom de Pantrust International SA. En 2006, lorsque l'associé de John W. Dick se rend sur place pour rendre visite au désormais célèbre cabinet Mossack Fonseca, il écrit ce message surprenant : "Ils font tout selon les règles". A la place il recommande les services d'un autre avocat panaméen qui, selon lui, a une façon de faire les choses bien plus pragmatique.

En décembre 2014, alerté par le couple Stock, les autorités panaméennes décident même de suspendre la licence de la société, pointant "un schéma évident d'opacité et de manque de transparence" et ajoutant que Pantrust "ne respecte pas les normes de prévention du blanchiment d'argent". La société réussit alors l'exploit de devenir la première fiducie à se voir retirer sa licence d'exploitation du Panama. Preuve pour Tanya et son mari que Jersey a encore beaucoup de chemin à parcourir.

Pour une fois, mon père n'a pas le juge dans sa poche, le juge n'est pas un de ses anciens avocats, c'est vraiment quelqu'un d'impartial qui va s'asseoir et prendre le temps de regarder les faits.

Tanya Stock

Ces derniers comptent se battre jusqu'au bout pour que la réglementation des trusts change. "Ça a des conséquences dans le monde entier, parce que Jersey c'est l'endroit où tous les criminels, qu'ils soient de Suisse, des USA, du Canada etc., vont pour cacher leur argent et Jersey ne fait rien et se pince le nez. Cela doit s'arrêter!".

Le 17 juin dernier, comme un ultime coup de grâce, le couple a reçu un courrier des autorités de la police de Jersey leur annonçant officiellement la fin de l'investigation dans leur dossier. "Après avoir examiné les éléments dont nous disposons, nous avons conclu que nous ne poursuivrons pas l'affaire car nous pensons qu'il n'y a pas de perspective réaliste de succès de ces poursuites" écrit l'unité des crimes financiers. Un choc de plus pour l'avocate qui s'est effondrée en lisant ces lignes.

Le porte-parole de Liberty Global, Matt Beake, ne se sent pas inquiété par ces révélations. L'entreprise ne souhaite pas prendre parti dans les procédures civiles en cours et renouvelle son entière confiance en John W. Dick, précisant que depuis 2005 il est un "contributeur exceptionnel".

Outre-Atlantique, le procès de John W. Dick doit s'ouvrir cette fin d'année à Denver. "Pour une fois, mon père n'a pas le juge dans sa poche, le juge n'est pas un de ses anciens avocats, c‘est vraiment quelqu'un d'impartial qui va s'asseoir et prendre le temps de regarder les faits", confie Tanya Stock, soulagée de pouvoir faire entendre sa voix.

>> Ecouter le podcast sur les coulisses de l'enquête :

Logo Jersey offshore : carnet de bord
Jersey offshore : carnet de bord - Publié le 2 octobre 2020