Yves Leterme s'est rendu chez le roi Albert II pour lui demander
d'être déchargé de sa mission de «formateur» d'un gouvernement
composé de socialistes et de démocrates-chrétiens, 174 jours après
les élections législatives du 10 juin. Le roi a accepté cette
demande, indique un bref communiqué du palais royal.
«Ces dernières semaines et mois, j'ai fait tout ce qui était
possible pour mener cette tâche à bon port», a dit Yves Leterme
dans une courte déclaration prononcée dans les locaux du parlement.
«Malheureusement, cela n'a pas été possible», a-t-il ajouté en
estimant qu'un «chemin considérable a été parcouru» mais qu'il
n'était «pas sérieux» de continuer sans accord clair.
«Notre pays a besoin d'un gouvernement stable et de réformes qui
permettent de prendre les problèmes des gens à bras le corps et de
réformes de nos institutions», a-t-il poursuivi.
Yves Leterme, dont le parti chrétien-démocrate CVD a remporté le
scrutin du 10 juin, avait jeté l'éponge une première fois le 23
août, devant son incapacité à parvenir à un compromis entre les
partis de centre-droit, flamands et francophones, de la coalition
qu'il essayait de former (dite «Orange bleue»).
Echec de l'ultimatum
Le roi Albert II l'avait finalement remis en selle fin
septembre, faute d'alternative. Objet permanent du litige: le degré
d'autonomie réclamé par les néerlandophones, majoritaires en
Belgique (60% de la population) par rapport aux francophones
(40%).
Après des semaines de tractations infructueuses, Yves Leterme a
joué son va-tout vendredi en posant de facto un ultimatum aux deux
partis francophones avec lequel il négociait, les chrétiens
démocrates du CDH et les libéraux du Mouvement Réformateur.
Il leur demandait notamment s'ils seraient prêts à faciliter
l'adoption de grandes réformes institutionnelles au parlement
belge. Les deux partis ont refusé de répondre clairement, poussant
Yves Leterme à se retirer.
Scission réclamée par la droite flamande
Pour l'extrême-droite flamande, l'échec d'Yves Leterme démontre
qu'il faut désormais «préparer la scission». «Je pense que cela
prouve qu'il est impossible de former un gouvernement représentant
les intérêts tant du nord (la Flandre, ndlr) que du sud (la
Wallonie)», a déclaré le sénateur Joris Van Hauthem, membre du
parti d'extrême-droite Vlaams Belang (L'Intérêt flamand).
agences/kot/ant
Un éclatement de la Belgique redouté
Près de six mois après les législatives, la Belgique est toujours sans nouveau gouvernement. Il s'agit d'une durée record dans l'histoire nationale. C'est l'ancien cabinet qui gère les affaires courantes depuis les élections.
Cette crise, et les revendications autonomistes grandissantes des Flamands, majoritaires en Belgique avec 60% de la population, font craindre un éclatement du royaume créé en 1830.
La rivalité, récurrente entre les deux communautés, a été exacerbée par la poussée, aux élections de juin, des partis flamands les plus durs dans leurs revendications. Ce qui a abouti à un bras de fer d'une intensité inédite avec les francophones dans les négociations gouvernementales.
Les francophones soupçonnent les Flamands de vouloir progressivement vider l'Etat fédéral de sa substance afin de mieux préparer l'indépendance.
La suite: différents scénarios possibles
La balle est à présent dans le camp du souverain, mais les solutions ne sont pas légion. Même si Yves Leterme s'est dit «disposé» à continuer à travailler pour sortir de la crise, il paraît improbable qu'Albert II lui donne dans l'immédiat une troisième chance.
Les médias belges évoquent la nomination d'une autre personnalité flamande pour former le gouvernement, plus expérimentée et conciliante que le quadragénaire Yves Leterme.
Un autre scénario possible, dont parlent certains élus, serait la reconduction temporaire du gouvernement libéral-socialiste actuellement en place de Guy Verhofstadt, qui gère les affaires courantes. Quitte à l'élargir à une autre formation. Et ce en attendant des élections régionales prévues en 2009.