Arméniens et Azerbaïdjanais poursuivaient mardi des combats acharnés pour la région séparatiste du Haut-Karabakh, chaque camp revendiquant des victoires et affichant sa détermination malgré les appels à la trêve et le nombre de victimes civiles. Au dixième jour de combats, aucun camp ne semble avoir pris un avantage déterminant sur l'autre.
Utilisation de bombes à sous-munitions
Bakou et Erevan se sont accusés ces derniers jours d'avoir multiplié à dessein les bombardements sur les zones urbaines habitées, notamment la capitale des indépendantistes, Stepanakert, et la deuxième ville d'Azerbaïdjan, Gandja.
Après deux jours d'intenses bombardements, le calme régnait mardi matin à Stepanakert, selon un journaliste de l'AFP. Aucun incident n'a été signalé pendant la nuit.
Profitant de ce répit, des habitants ont constaté les dégâts des tirs de roquettes et autres engins qui se sont abattues sur la cité depuis 72 heures.
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De son côté, Amnesty International a dénoncé l'utilisation de bombes à sous-munitions contre la capitale. Dans un communiqué de presse mardi, l'ONG annonce que ses experts ont identifié des armes à sous-munitions de fabrication israélienne qui semblent avoir été tirées par les forces azerbaïdjanaises.
Un reporter sur place a ainsi filmé les bombes tombées dans les rues de Stepanakert:
Risque d'embrasement régional
Le conflit dans le Haut-Karabakh ne concerne pas uniquement Bakou et les séparatistes, mais directement l'Azerbaïdjan et l'Arménie, avec un risque d'embrasement régional.
Si la zone de conflit venait à s'élargir, les grandes puissances se verraient forcées de se positionner plus clairement, à commencer par la Russie, qui est liée à l'Arménie par un traité de sécurité collective.
En face, la Turquie soutient activement l'Azerbaïdjan. "La Turquie est clairement et ouvertement impliquée dans ce conflit", affirme Vicken Cheterian, chargé de cours à l'Université de Genève et spécialiste du Caucase. "On sait qu'il y a des spécialistes turcs qui gèrent l'aviation azérie, et il y a suffisamment d'informations sur le déploiement de mercenaires syriens acheminés par la Turquie pour participer aux combats."
Mardi, le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu s'est rendu en Azerbaïdjan pour "échanger sur la situation dans la région sous occupation arménienne". Il a appelé le monde à soutenir l'Azerbaïdjan et s'est interrogé sur l'utilité d'un cessez-le-feu, demandé lundi par le secrétaire général de l'Otan en visite à Ankara.
De leur côté, la France, la Russie et les Etats-Unis, qui co-président le groupe de Minsk chargé de promouvoir un règlement négocié du conflit, ont condamné "l'escalade de violence inédite et dangereuse survenue dans et en dehors de la zone de conflit du Haut-Karabakh".
Pas un conflit religieux
Si certains présentent ce conflit comme un affrontement religieux entre une Arménie chrétienne et l'Azerbaïdjan musulman, le spécialiste du Caucase Vicken Cheterian ne le voit pas ainsi: "A la base c'est un conflit ethno-territorial. Et quand on regarde les alliances régionales, la logique du conflit des civilisations ne fonctionne pas."
Ainsi, la République islamique d'Iran, bien qu'à majorité chiite comme son voisin azéri, ne le soutient pas forcément et a de forts liens avec l'Arménie.
De plus, si la présence de djihadistes syriens est rapportée sur le front, leurs motivations ne seraient pas idéologiques. "Les mercenaires sont recrutés par des groupes militaires syriens soutenus et encadrés par la Turquie", explique Vicken Cheterian. "Leurs motivations sont purement matérielles, même si certains ont appartenu à des groupes djihadistes."
(Un lapsus s'est glissé dans l'intervention d'Abraham Zisyadis: ce sont bien le président turc et le président azerbaïdjanais qui sont de "grands amis", et non pas le président arménien.)
Mouna Hussain / Isabelle Cornaz / AFP
Bilan des morts difficile à établir
Officiellement, quelque 250 personnes sont mortes dans les affrontements, dont des dizaines de civiles. Mais l’Azerbaïdjan ne communique pas ses pertes militaires, et le bilan pourrait être bien plus lourd.
Chaque camp affirme ainsi avoir tué 2000 à 3000 soldats ennemis chacun. Côté civils, 19 morts ont été annoncés du côté des séparatistes arméniens et 46 côté azeri.
Le Canada suspend ses ventes d'arme à la Turquie
Le Canada a annoncé lundi qu'il suspendait ses exportations d'armes vers la Turquie pendant une enquête sur de possibles livraisons par ce pays de matériel militaire canadien en Azerbaïdjan, qu'Ankara soutient dans le conflit au Haut-Karabakh face aux séparatistes arméniens.
Selon les médias canadiens, Ottawa a délivré en mai des permis à la société canadienne L3Harris Wescam pour exporter des systèmes d'imagerie et de ciblage à un fabricant de drones turc.
Ce même matériel est maintenant au centre d'accusations selon lesquelles l'Azerbaïdjan utilise des drones fabriqués par la société turque Baykar dans les hostilités en cours depuis plus d'une semaine au Haut-Karabakh.
La Turquie a dénoncé une mardi une politique de "deux poids deux mesures".