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Un pesticide "tueur d'abeilles" réautorisé pour sauver les betteraves

certains néonicotinoïdes réintroduits deux ans après leur interdiction [Mohammed Saber – EPA - Keystone]
Le Parlement français va réintroduire certains néonicotinoïdes deux ans après leur interdiction / Le 12h30 / 1 min. / le 6 octobre 2020
En France, l'Assemblée nationale a validé mardi un projet de loi permettant la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes pour sauver la filière de la betterave. Ces pesticides avaient été interdits en 2018 en raison de leur danger pour les abeilles.

La réintroduction de semences enrobées avec des néonicotinoïdes doit permettre de protéger les rendements sucriers, qui sont en berne en raison de la prolifération d'un puceron vert vecteur de la jaunisse de la betterave, qui affaiblit les plants issues de semences non enrobées d'insecticide.

Le gouvernement français, pour rétro-pédaler, s'appuie sur le règlement européen sur les phytosanitaires. Il permet de déroger à l'interdiction, potentiellement jusqu'en 2023. La disposition clé du projet de loi permettant leur réintroduction a d'ores et déjà été adoptée par les députés. Elle est tempérée par la création d'un conseil de surveillance et l'interdiction, sur des parcelles où ont été utilisés des néonicotinoïdes, d'implanter des cultures attirant les abeilles afin de ne pas les exposer.

"On est tous contre, mais il n'y a pas d'alternative"

"C'est un texte difficile, important, qui ne veut pas opposer économie et écologie", a estimé le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie (La République en marche). "On est tous contre" ces insecticides tueurs d'abeilles, mais "aujourd'hui, il n'existe pas d'alternative" chimique ou agronomique suffisamment efficace.

Pour le gouvernement, "tuer la filière sucrière française pour importer des sucres polonais, allemands ou belges" n'est pas une option. Selon la profession, la baisse des rendements menace la pérennité de la filière sucrière française, qui emploie 46'000 personnes, dont une bonne partie dans des usines de transformation. "Il ne faut pas être dans le dogme et faire en sorte que la France reste un grand pays agriculteur", a souligné Christian Jacob, le chef de file des députés Les Républicains, qui soutiennent le texte du gouvernement.

"Une faute va se commettre"

Certains députés LREM ont au contraire annoncé publiquement leur opposition au texte, tout comme la gauche, qui a présenté un front uni contre la mesure. Le patron du groupe La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a défendu en vain une motion de rejet préalable du projet de loi, jugeant qu'"une faute va se commettre" et promettant une action devant la Cour de justice de la République. "Nous allons décider quelque chose de dangereux pour nos semblables, pour nos enfants, nos petits-enfants" et demain d'autres dérogations seront demandées, a-t-il pronostiqué, en estimant en outre que "la betterave française est malade du libre-échange" davantage que des pucerons.

afp/vic

>> Ecouter l'interview d’Edward Mitchell, professeur de biologie à l'Université de Neuchâtel, responsable du laboratoire sur la biodiversité :

Edward Mitchell, professeur de biologie à l'Université de Neuchâtel, responsable du laboratoire sur la biodiversité. [Isabelle Gendre]Isabelle Gendre
Dérogation française pour la réintroduction des néonicotinoïdes: réaction d’Edward Mitchell / Le 12h30 / 3 min. / le 6 octobre 2020
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La Suisse concernée

En 2018, la Suisse a aligné sa politique sur celle de l’Union européenne, qui avait entrepris de bannir trois néonicotinoïdes dangereux pour les abeilles.

Or, les betteraves suisses sont aussi confrontées à la menace du puceron jaune, si bien que ses producteurs ont demandé la ré-homologation de l'imidaclopride, un néonicotinoïde commercialisé par Bayer sous le nom de Gaucho.

>> Lire à ce sujet : La pression s'accentue sur les producteurs de betteraves sucrières