Le candidat Trump avait promis d'ériger ce mur le long des quelque 3200 kilomètres de frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, et d'envoyer la facture à son voisin du sud. Quatre ans plus tard, on assiste à des scènes qui se déroulent presque dans l'indifférence. Des familles déchirées par le mur à la frontière.
Ce grand-père est venu de Sinaloa, au Mexique. Cela fait 16 ans que la famille n'a pas été réunie. Aujourd'hui, ils partagent un repas à travers des grillages. Au menu: du soda avec des hamburgers achetés au "fast-food" au coin de la rue.
Peu de changement en quatre ans
Nogales, en Arizona, à la frontière mexicaine. Un mur, ou plutôt une muraille de fer qui serpente le long des collines. Si la ville de Nogales a souvent été prise en exemple par l'administration Trump, avec ce mur érigé sous la présidence de George W. Bush, pas ou peu de choses se sont passées ces quatre dernières années, comme en témoigne cette habitante: "C'est toujours la même chose. Ici à Nogales, rien n'a changé. A la frontière, rien ne change. Nogales n'a pas changé depuis que Trump est président".
Et cet autre résident qui relève qu'"au début de la pandémie, ils ont même complètement fermé la frontière. Ils ne voulaient pas que les gens du Mexique entrent. Ils ne voulaient pas les laisser entrer aux Etats-Unis. Et regardez, il n'y a presque personne autour de nous. C'est à cause du coronavirus. Les gens ont peur…"
Les effets radicaux du coronavirus
Si le mur n'a jamais vraiment réussi à freiner l'immigration, le Covid-19 a eu, lui, un effet radical sur les échanges le long de la frontière. Tout est quasi à l'arrêt. Plus personne, ou presque, ne traverse. Nogales se meurt au pied de son mur.
En quatre ans, l'administration Trump n'a construit qu'une dizaine de kilomètres de nouveau mur. Des travaux qui se déroulent notamment plus à l'ouest de l'Arizona, au milieu des cactus, dans le désert.
Territoire ancestral coupé
"Le mur est juste à côté de nous. Il y a tous ces camions qui passent. Ils transportent des barres de fer qu'ils installent", explique Lorraine Eiler, 84 ans, qui siège au Parlement de la nation Tohono O'Odham. Elle lutte contre la construction de ce mur, qui est en train de couper en deux le territoire ancestral de sa tribu.
"La frontière, elle-même, a toujours traversé notre communauté qui s'étend jusqu'au Mexique. Les tribus aborigènes et leurs terres étaient là bien avant ce mur. Mais le gouvernement est venu, a acheté la terre et a coupé notre territoire", poursuit l'octogénaire.
"On continue de s'occuper de nos villages, de maintenir nos traditions avec nos familles. On a nos cérémonies. La construction du mur est en train de menacer ce qu'on appelle le pèlerinage du sel, que doivent entreprendre les jeunes hommes des tribus de notre nation. Comment ils vont traverser maintenant?", interroge-t-elle.
Affrontement avec les Indiens
Les Indiens Tohono sont des voix que l'on entend peu, et qui s'expriment peu. Mais depuis quelques semaines, des affrontement ont éclaté.
Des manifestants sont opposés aux gardes-frontière. La scène se passe devant le mur en construction. Une vidéo que nous montre Viktor, un activiste issu de la tribu Tohono O'Odham, qui se bat pour préserver une terre sacrée.
"Tout a commencé à dégénérer lorsque l'on a commencé à résister face à la construction du mur. Il y a beaucoup de violence associée à ce mur", raconte l'activiste. "Le mur a dévasté notre terre. Il menace tous les organismes vivants et l'écosystème. Il assèche les sources d'eau. Et c'est une ressource ici que l'on ne peut pas perdre".
Lois environnementales bafouées
Selon Lorraine Eiler, "toutes les lois environnementales ont été mises de côté. Ils ont simplement avancé, détruit tous nos cactus et nos arbres. Nous craignons que la construction du mur ait un impact sur l'infiltration des eaux souterraines, car la source s'assèche. Bien sûr, ils disent que ce n'est pas eux, que c'est la sécheresse, les fortes chaleurs…".
Pour elle, "ce mur a fait trop de dommages. Il y a eu trop de dégâts sur l'environnement. Les plantes ont été arrachés et les animaux, aujourd'hui, ne peuvent plus traverser et sont bloqués à la frontière".
Quotidien des habitants menacé
En Arizona, le mur de Trump menace le quotidien de citoyens américains: celui des Indiens de la tribu Tohono O'Odham. Dans le désert, au milieu des cactus, Lorraine Eiler votera en novembre: "Je prie pour avoir un nouveau président, un président différent. Pas Trump. Et je suis sûre que ce mur tombera, d'une façon ou d'une autre".
Lorraine attend cette élection depuis quatre ans. Pour elle, voter, c'est le meilleur moyen de retirer ce mur construit sur la tombe de ses ancêtres.
Sujet radio: Raphaël Grand
Adaptation web: Jean-Philippe Rutz