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L'allongement du délai légal de l'IVG débattu par les députés français

L’extension du délai d’avortement divise la classe politique française
L’extension du délai d’avortement divise la classe politique française / Forum / 5 min. / le 8 octobre 2020
Ambiance électrique à l'Assemblée nationale française: l'examen d'une proposition de loi visant à allonger le délai légal pour l'avortement a ravivé jeudi les passions autour de ce "thème sensible" selon le gouvernement. Celui-ci qui avance avec prudence face à des députés LREM beaucoup plus allants.

Dès le milieu de journée, l'Assemblée nationale a voté par 102 voix contre 65 l'article clé qui doit permettre l'allongement du délai légal d'accès à l'IVG de 12 à 14 semaines de grossesse, soit 16 semaines d'aménorrhée. Quatre autres articles doivent encore être débattus.

Du fait d'un manque de praticiens et de la fermeture progressive de centres IVG, il s'écoule souvent plusieurs semaines entre le premier rendez-vous et l'intervention. Chaque année, entre 3000 et 4000 femmes "hors délai" partiraient avorter à l'étranger, selon un rapport parlementaire publié en 2000.

Débats houleux

Huées, bronca ou à l'inverse salves d'applaudissements: les débats ont régulièrement tourné à l'aigre entre les partisans du texte et ses opposants, faisant resurgir les fantômes des discussions sur la loi Veil, adoptée il y a 45 ans.

"J'avais cru en venant dans l'hémicycle que ce n'était pas le droit à l'avortement qui était remis en question" mais "c'est de ça dont il est question", a fustigé l'élue LREM Aurore Bergé face à un amendement de Xavier Breton (LR).

De la gauche à la droite, tous les députés ou presque ont invoqué les mânes de Simone Veil décédée en 2017, qui a fait adopter la loi dépénalisant le recours à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), pour défendre leurs positions.

Le ministre de la Santé Olivier Véran avait d'emblée qualifié le thème de "sensible". Il ne s'y est pas trompé.

Se présentant comme un "fervent défenseur de la cause des femmes et du droit à l'avortement", le ministre a choisi d'avancer avec prudence sur un terrain qu'il juge trop miné pour être débattu lors d'une "niche" parlementaire.

Une proposition de loi aux forts soutiens

Portée par Albane Gaillot, députée du groupe EDS (Ecologie, démocratie, solidarité) et ex-LREM, la proposition de loi est débattue en première lecture. Le texte a obtenu le soutien de la majorité, et fait suite à un rapport parlementaire de la délégation aux Droits des femmes de l'Assemblée qui préconisait cette mesure.

Une vraie décision "politique", a-t-on renchéri sur les bancs de La France Insoumise. Tout en affirmant respecter les convictions du camp adverse, Jean-Luc Mélenchon s'est livré à un vibrant plaidoyer "humaniste" en faveur du droit à l'avortement. L'ensemble de la gauche est en soutien de la proposition de loi.

afp/sjaq

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En attente du Comité d'éthique

Pour Olivier Véran, la partition est autrement plus délicate. Il a rappelé qu'il était essentiel d'attendre l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), que le gouvernement a saisi mardi, "pour faire un travail complet abouti" et éclairer les débats. Celui-ci doit rendre son avis courant novembre, probablement avant le passage de la proposition de loi au Sénat.

"Parfois le mieux est l'ennemi du bien", a fait valoir le ministre de la Santé, mettant en avant par exemple le risque "d'effondrement du nombre de gynécologues" souhaitant réaliser une IVG dont la durée de réalisation serait allongée.

Sur l'ensemble de la proposition de loi, le ministre a une "position de sagesse", s'en remettant à la décision de l'Assemblée nationale.

"Heureusement que vous êtes là", l'a-t-on félicité sur les bancs de la droite opposée au texte. Un compliment empoisonné.