Dimanche, toutes les églises catholiques du monde ont organisé la collecte annuelle du "Denier de Saint Pierre", nom donné depuis des siècles aux dons des fidèles envers le pape. En 2019, il avait recueilli quelque 57 millions de francs, une somme couvrant 35% des dépenses du Vatican.
Théoriquement, l'argent du Denier de Saint-Pierre est destiné aux plus pauvres. Mais une enquête a été lancée en 2019 par la justice vaticane au sujet de l'acquisition opaque d'un immeuble de luxe en plein coeur de Londres, entachée de possibles actions de "corruption".
L'affaire naît en 2014, quand des courtiers créent un fonds pour acheter cet immeuble au nom du Vatican. Ils obtiennent une ligne de crédit de 215 millions auprès de Credit Suisse et de la banque BSI, en utilisant les comptes du Denier de saint pierre et même le fonds souverain du pape.
Perte sèche de 480 millions
Pour le journaliste d'investigation Massimiliano Coccia, ce système organisait "le drainage des ressources" des caisses du Vatican. "Tout cela reposait sur un réseau de consultants pour les affaires immobilières et spéculatives avec des commissions payées aux courtiers beaucoup plus élevées que la moyenne du marché", explique-t-il.
Vingt millions d'euros seront prélevés sur le fonds souverain du pape pour financer en partie la fraude organisée par le courtiers véreux, au détriment du Secrétariat d'Etat, le gouvernement du Vatican.
Mais l'investissement dans le bâtiment londonien, qui devait coûter à l'origine 200 millions de francs, se révélera désastreux. Le prix gonfle, et avec lui les intérêts perçus par les courtiers. L'opération coûtera finalement plus de 480 millions, dont une large part de commissions versées aux courtiers à Lugano et à Malte. Selon l'enquête, tout ceci se serait produit au nez et à la barbe du pape François.
Les magistrats du Vatican ont également envoyé une demande de commission rogatoire en Suisse, dans l'espoir de retrouver les millions disparus.
Le pape "encerclé de vautours"
Au coeur du scandale figure le cardinal Becciù, numéro deux du Secrétariat d'Etat entre 2011 et 2018 et qui a été contraint à la démission le 24 septembre dernier. Le Saint-Père lui a retiré toute confiance car l'argent détourné aurait permis au cardinal d'enrichir sa propre famille et d'effectuer des opérations financières pour se créer un réseau de pouvoirs et salir ses ennemis au sein du Vatican.
"Le pape se sent certainement plus seul que jamais, il est encerclé de vautours et n'a plus confiance en personne", analyse le vaticaniste Francesco Grana. Du côté des fidèles, c'est la colère, voire la consternation qui se fait sentir.
L'enquête est loin d'être clôturée et un procès devra confirmer ces faits qui semblent plus proches du thriller financier que des saintes écritures.
Valérie Dupont/jopp