"Si l'autre veut tout garder pour lui, il va y avoir du mal. Les bateaux seront bien obligés d'aller quelque part." Sur le port breton de Lorient, un marin, cigarillo au bec, se montre pessimiste. "Licence ou pas, ça va être la guerre."
Car, depuis la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne en janvier passé, un accord commercial n'a toujours pas été trouvé. Et la pêche est l'un des principaux points de blocage des négociations.
>> Lire aussi : Londres juge que les négociations post-Brexit sont terminées
Cette question touche particulièrement la France, l'Espagne, le Danemark, la Belgique ou les Pays-Bas, qui espèrent un statu quo dans l'accès de leurs pêcheurs aux eaux britanniques, très poissonneuses.
Mais, ce qui préoccupe, sur le port de Lorient, c'est l'arrivée de bateaux européens dans leurs eaux. "S'il y a un Brexit avec un "no deal" ("pas d'accord") comme on dit, si on n'a plus le droit d'aller là-haut, tous les bateaux vont se retrouver au même endroit, et cela risque d'avoir un impact important sur la ressource", s'inquiète Yonel Madec, chef de service au port de Lorient.
Fredo, marin, estime que la pêche est surtout devenu un levier politique dans les interminables négociations du Brexit. "Ce sont des accords que l'on a depuis des lustres. Les remettre en cause, ce n'est que pour embêter la communauté européenne. On est un gros symbole. Les accords de pêche sont pris en otage pour cela."
L'organisation des pêcheurs de Bretagne représente une centaine de bateaux et 150 millions d'euros de chiffre d’affaires. "Potentiellement, les impacts économiques sont très importants et vont bien au-delà des navires de pêche", estime le chargé de mission Thomas Rimaud.
À 8h du matin, les marins-pêcheurs de Lorient ont repris le large depuis plusieurs heures déjà. Une nouvelle journée au large de la mer sans savoir combien de temps ils pourront encore en vivre.
Pêche belge menacée
En 1666, le roi Charles II accordait à la cité flamande de Bruges le droit perpétuel d'envoyer 50 bateaux pêcher au large de l'Angleterre. Trois siècles et demi plus tard, l'accès des pêcheurs belges aux poissonneuses eaux britanniques est menacé par le Brexit.
Si la petite flotte perd son accès aux eaux britanniques, elle perd 50 à 60% de ses revenus, souligne l'association des propriétaires de bateaux Rederscentrale. Or la flotte belge est déjà affectée par les conséquences de la pandémie de Covid-19.
Et même si les négociateurs trouvent un accord préservant les quotas de pêche, le retour d'une frontière douanière et réglementaire à Douvres va provoquer embouteillages et retards.
Des files d'attentes de centaines, voire de milliers de camions risquent de se former, menaçant l'acheminement rapide du poisson à Ostende, et donc sa fraîcheur.