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"Les exoplanètes, trop lointaines pour des plans B de l'humanité"

Géopolitis: Planète B [Images imago / Future Image International]
Planète B / Geopolitis / 25 min. / le 1 novembre 2020
Avec la montée des océans, les espèces qui disparaissent, les ressources qui se raréfient, se pose la question de l’avenir de l’humanité sur la Terre. Mais l'espoir de trouver ailleurs dans l'espace un autre lieu pour vivre est scientifiquement difficile à envisager.

Le réchauffement climatique pourrait atteindre 2,5 à 4 C degrés, selon une récente étude du Programme mondial de recherche sur le climat. Jusqu'à un million d'espèces animales ou végétales pourraient aussi disparaître, menaçant d'une nouvelle extinction de masse. Autant de perspectives qui font craindre pour l'avenir de l'humanité sur la planète.

Pour Michel Mayor, Prix Nobel de physique 2019 et invité de Géopolitis, il ne faut pas espérer pouvoir vivre durablement ailleurs dans l'espace. "Nous sommes liés à cette planète", explique cet astrophysicien, professeur honoraire de l'Université de Genève. Récompensé, avec son collègue Didier Queloz, pour la découverte de la première exoplanète en 1995, Michel Mayor insiste sur le fait que "les planètes extrasolaires sont tellement lointaines qu'il n'est pas question de les voir comme des plans B pour l'humanité".

Destination Mars

En janvier dernier, l'homme d'affaires Elon Musk précisait ses plans pour envoyer jusqu'à un million de personnes sur Mars d'ici 2050, dans le but de sauvegarder l'humanité. Il envisage d'utiliser une flotte de fusées pour transporter les colons et le matériel nécessaire à leur survie. Mais selon Michel Mayor, l'installation de l'homme sur d'autres planètes du système solaire n'est pas non plus une option réaliste. "Le pire des endroits sur Terre est un paradis comparé à Mars", explique-t-il. "Le sol martien n'est absolument pas approprié pour la croissance des plantes et il n'y a pas d'atmosphère."

Le pire des endroits sur Terre est un paradis comparé à Mars.

Michel Mayor

L'astronaute suisse Claude Nicollier souligne aussi les difficultés d'une mission spatiale habitée à destination de Mars. "D'une part, il y a un flux de radiations cosmiques important qui vient soit du Soleil, soit de la galaxie. D'autre part, pour vivre il faut évidemment se nourrir et il faut de l'oxygène qui peut être extrait de l'atmosphère martienne", explique dans Géopolitis celui qui a participé à plusieurs missions spatiales. Le long voyage vers Mars, de 6 à 8 mois, serait aussi un défi. Durant ces longues périodes passées en apesanteur, les muscles s'atrophient, la vue baisse, les os se fragilisent. "Le voyage sera difficile physiquement et psychologiquement", assure Claude Nicollier.

S'installer sur la Lune

Mais avant l'envoi d'hommes sur Mars, toutes les puissances spatiales envisagent une présence régulière voire de longue durée sur la Lune. Les États-Unis, la Chine, la Russie ou encore l'Europe via l'Agence spatiale européenne travaillent sur des projets de bases permanentes qui pourraient accueillir des scientifiques mais aussi peut-être des touristes de l'espace.

Mais les défis techniques sont encore nombreux. Certaines recherches se penchent sur la possibilité d'exploiter les ressources lunaires, comme l'eau présente sous forme de glace, ou l'oxygène contenue dans le régolithe, cette fine poussière qui recouvre le sol de la Lune. Ces ressources pourraient par exemple permettre aux astronautes de respirer. De l'hydrogène pourrait aussi être extrait de l'eau lunaire pour produire du carburant.

A qui appartient l'espace?

L'étude et l'exploitation du sol lunaire ou martien pose aussi des questions de droit. Comment réguler l'utilisation des ressources extraterrestres? Les États-Unis ont donné leur propre réponse à cette question dans un décret présidentiel signé par Donald Trump, en avril dernier. Le président y souligne les ambitions américaines en terme d'exploration à but commercial et d'utilisation des ressources. Il précise aussi que Washington ne considère pas l'espace comme un bien commun mondial.

En 1966, un traité sur l'espace était adopté aux Nations unies. Le texte pose le principe de l'interdiction de l'appropriation par une nation de la Lune ou d'autres corps célestes. Un autre accord signé quelques années plus tard renforce cette notion mais peu d'États l'ont ratifié. "Le droit de l'espace a des lacunes", soutient Michel Mayor. "On le voit, par exemple, avec ces compagnies qui se donnent le droit d'envoyer des dizaines de milliers de satellites polluer le ciel nocturne."

Des ressources convoitées

La question de la répartition des ressources lunaires pourrait devenir de plus en plus délicate car il n'y a pas que l'eau ou l'oxygène qui intéressent potentiellement les grandes puissances spatiales. Le sol de la Lune contiendrait des terres rares, du titane et aussi de l'hélium 3, un isotope quasi inexistant sur Terre mais très prometteur pour la production d'énergie.

"Je n'ai jamais vu de business plan pour savoir si ce serait rentable d'aller chercher de l'hélium 3 sur la Lune", ironise Michel Mayor. "Le but serait de produire de l'énergie par fusion thermonucléaire. Est-ce qu'on ne peut vraiment pas faire autrement, d'une manière plus économique?"

Pour l'astrophysicien, il vaudrait mieux se concentrer sur la Terre: "Il faut en prendre soin, mais c'est quand même relativement facile par rapport à ces hypothèses d’envoyer l'humanité sur Mars ou ailleurs."

Elsa Anghinolfi

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Chercher des traces d'une vie extraterrestre

C'est l'un des grands enjeux des missions scientifiques actuelles: la recherche d'indices de l'existence de la vie ailleurs dans l'espace. Le robot Perseverance, que la Nasa vient d'envoyer à destination de Mars, doit prélever des échantillons de sol qui pourraient permettre d'avancer sur cette question.

C'est aussi l'objectif de certaines recherches sur les exoplanètes. Le but, explique Michel Mayor, "c'est d'essayer d'identifier des planètes de la taille de la Terre, rocheuses, avec une atmosphère et surtout une température adaptées au développement de la chimie de la vie".

Mais l'astrophysicien suisse souligne que ces recherches concernent des formes de vie parmi les plus élémentaires comme les bactéries. "La possibilité d'une vie intelligente, techniquement avancée, c'est un tout autre problème", souligne Michel Mayor. "La probabilité de trouver cela à proximité est vraiment très faible."