La présidente de la cour polonaise qui a rendu la décision, Julia Przylebska, a déclaré que la législation existante autorisant l'avortement de fœtus mal formés était "incompatible" avec la constitution du pays.
Cette décision, a priori définitive, est d'ores et déjà contestée par l'opposition libérale et des organisations de défense des droits des femmes en Pologne, pays considéré comme profondément marqué par la tradition catholique. Elle a aussi provoqué une réaction critique immédiate de la Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe Dunja Mijatovic.
"Eliminer les motifs de quasiment tous les avortements légaux en Pologne équivaut pratiquement à les interdire et à violer les Droits de l'Homme", a considéré la Commissaire dans un communiqué, qu'elle a également publié sur twitter. Cette décision "se traduit en avortements clandestins ou pratiqués à l'étranger pour celles qui en ont les moyens, et en davantage de souffrances chez les autres".
La présidence satisfaite que le "droit à la vie" ait primé
Conforme aux souhaits du Parti ultra-catholique nationaliste au pouvoir Droit et Justice (PiS), ce jugement restreint encore le droit à l'avortement, qui ne sera désormais possible que dans deux cas: un danger de mort pour la femme enceinte ou une grossesse résultant d'un viol ou d'un inceste.
La présidence polonaise a exprimé sa satisfaction du jugement prononcé. "Les opinions du président Andrzej Duda en la matière sont bien connues et n'ont pas changé. Nous exprimons notre satisfaction que le Tribunal constitutionnel se soit positionné du côté de la vie", a déclaré le porte-parole du chef de l'Etat Blazej Spychalski.
Un "enfer pour les femmes"
Des organisations pro-démocratiques et féministes ont, de leur côté, crié de toute leur voix à la "honte". La Plate-forme civique (PO), principal parti d'opposition centriste, a rejeté la responsabilité de cet "enfer pour les femmes" sur le chef du parti au pouvoir Droit et Justice Jaroslaw Kaczynski en personne et sur l'Eglise catholique de Pologne. Barbara Nowacka, l'une des dirigeantes de la PO, a accusé les évêques en ces termes: "C'est de votre faute. Vous avez du sang sur les mains".
Le chef du Parti populaire européen (PPL) et ex-président du Conseil européen Donald Tusk s'est lui joint aux réactions d'indignation suscitées par ce verdict. "Le fait de soulever la question de l'avortement et la décision de ce pseudo-tribunal en plein milieu de la tempête pandémique, c'est plus que du cynisme. C'est de la crapulerie politique", a twitté l'ancien Premier ministre polonais.
1100 avortements officiels, 200'000 cachés
Réformé par le gouvernement dirigé par Droit et Justice (PiS), le Tribunal constitutionnel polonais est souvent accusé, depuis, de compter dans ses rangs nombre de juges loyaux à ce parti. Selon les données officielles, la Pologne, pays de 38 millions d'habitants, a enregistré en 2019 quelque 1100 avortements seulement, l'écrasante majorité ayant précisément été autorisés à cause d'une malformation irréversible du fœtus.
Selon des ONG, le nombre d'IVG pratiquées clandestinement en Pologne ou dans des cliniques étrangères pourrait, lui, atteindre près de 200'000 par an. De nombreuses femmes et organisations de défense des droits des femmes ont protesté contre ces tentatives légales de durcir la loi, mais la pandémie de Covid-19 a compliqué la mobilisation.
ats/vic