Visiblement désireux d'offrir un visage plus discipliné, après un premier tête-à-tête cacophonique, Donald Trump, à la traîne dans les sondages, a accusé son adversaire démocrate de vouloir "reconfiner" le pays en raison du Covid-19.
"Quelqu'un qui est responsable d'autant de morts ne devrait pas pouvoir rester président des Etats-Unis d'Amérique", a répondu Joe Biden, en prédisant "un hiver sombre" pour le pays le plus endeuillé au monde, avec plus de 222'000 décès dus au coronavirus.
Le candidat démocrate a reproché au président républicain de ne "toujours pas avoir de plan" pour endiguer la maladie. "Il n'y a pas un seul scientifique sérieux au monde qui pense que cela va disparaître bientôt", a-t-il martelé.
"Nous le combattons très fermement", a répondu Donald Trump, arrivé sans masque sur la scène, trois semaines après avoir été diagnostiqué positif au coronavirus.
Un débat plus audible
Les échanges, bien que vifs, étaient nettement plus audibles que la fois précédente, lorsque le démocrate de 77 ans avait traité le 45e président des Etats-Unis, 74 ans, de "menteur", de "raciste" puis de "clown". "Il n'y a rien d'intelligent en vous", avait rétorqué l'ex-homme d'affaires.
"Les deux candidats ont clairement retenu les leçons de leur premier débat", a commenté Aaron Kall, enseignant à l'université du Michigan et spécialiste des duels présidentiels. "Un statu quo à l'issue du débat de ce soir sera probablement perçu comme une bonne nouvelle pour la campagne de Joe Biden, qui bénéficie d'une avance stable dans les sondages au niveau national et dans les Etats-clés", a-t-il ajouté.
Pour éviter la cacophonie, les organisateurs avaient décidé cette fois de couper le micro d'un candidat pendant les deux premières minutes de prise de parole de l'autre pour chacune des questions, sur la pandémie, les questions raciales, le changement climatique ou encore la politique étrangère.
Révéler des secrets
A Donald Trump qui l'accusait de vouloir mettre en place la politique de "la gauche radicale", Joe Biden a rappelé qu'il l'avait emporté lors des primaires démocrates, où d'autres candidats étaient plus ancrés à gauche que lui. "Il est un peu perdu, il croit qu'il affronte quelqu'un d'autre. Il affronte Joe Biden!", a-t-il ironisé.
Donald Trump a de son côté demandé à Joe Biden de "s'expliquer" sur des allégations de corruption au sujet des activités de son fils Hunter en Chine et en Ukraine, quand le candidat démocrate était vice-président de Barack Obama. "Joe, je pense que vous devez une explication aux Américains", a insisté le président-candidat.
N'essayez pas de vous présenter en bébé innocent
"Vous étiez vice-président quand c'est arrivé et cela n'aurait jamais dû arriver", a ajouté l'ex-magnat de l'immobilier, qui avait invité dans le public un ex-associé d'Hunter Biden, qui accuse le fils du candidat d'avoir utilisé son nom de famille pour gagner "des millions" à l'étranger, avec l'assentiment de son père.
"Jamais de ma vie je n'ai pris un centime d'une source étrangère", a protesté le démocrate, qui a jusqu'ici esquivé les questions sur ce sujet. "Ce n'est pas vrai, pas vrai", a-t-il dit à plusieurs reprises. Il a contre-attaqué en reprochant au président de n'avoir jamais accepté de publier ses déclarations d'impôts. "Que cachez-vous?", a-t-il demandé.
afp/boi
"Donald Trump a tiré toutes ses cartouches", selon l'économiste Stéphane Garelli
Quel rôle jouera la situation économique plutôt morose des Etats-Unis dans les élections présidentielles du 3 novembre prochain? Stéphane Garelli, professeur d'économie spécialisé dans la compétitivité internationale à l'IMD à Lausanne, était l'invité de la Matinale ce vendredi pour tenter d'y répondre.
Le taux de chômage record s'élevant à plus de 8% peut-il peser sur les résultats du 3 novembre prochain? "Certainement", répond-il. "Trump avait pendant longtemps fait de l'économie et de la croissance son cheval de bataille. Mais il a dû un peu changer de position face à des taux de chômage invraisemblables." D'où de grosses inquiétudes des Américains qui pourraient dès lors se tourner massivement vers Biden.
Sans compter que le milliardaire républicain pourrait être victime de son succès. "La réduction de la fiscalité américaine sur les entreprises a été faite. La plupart des chefs d'entreprises aux Etats-Unis ont eu ce qu'ils voulaient avoir. Ils sont prêts aujourd'hui à essayer Biden qui est connu, raisonnable et acceptable pour eux".
De son côté, si le candidat démocrate est élu, on s'attend à toute une série de mesures sociales qui seront prises dans le cadre de la crise économique, "comme l'augmentation du revenu minimum, l'augmentation de la fiscalité sur les hauts revenus, l'investissement massif dans les énergies renouvelables ou la reconstruction des liens à l'international". Autant de promesses qui devraient profiter à Joe Biden. "C'est cela que les gens veulement maintenant", souligne Stéphane Garelli. Pour lui, la partie semble donc perdue pour Donald Trump qui "a tiré toutes ses cartouches".
Malgré cela, les inquiétudes restent présentes dans les milieux économiques américains, comme l'explique le professeur. "S'il perd les élections, Donald Trump reste président pendant encore deux mois durant lesquels il pourrait faire n'importe quoi", avance-t-il, prédisant par exemple de nombreuses turbulences sur le marché monétaire.