Le vote par correspondance, qui n’est pas forcément habituel dans certains Etats américains, est au cœur des préoccupation des électeurs. Et les avis divergent sensiblement que l’on soit républicain ou démocrate. Côté démocrate, le vote par correspondance, c’est la garantie de pouvoir voter en toute sécurité pendant la pandémie.
Les démocrates seront sans doute beaucoup plus nombreux à voter par correspondance que les républicains. Quant aux risques de fraudes, on n'y croit pas vraiment, si l'on écoute Linda, l’une des témoins de notre opération "Born in the USA". Elle a témoigné vendredi, dans l'émission Tout un monde, en Arizona, où le vote anticipé a déjà débuté.
>> Le suivi des témoins avec l'opération "Born in the USA" : Born in the USA, nos témoins réagissent au dernier débat Trump-Biden
"Le président veut en faire un problème"
"Je vote par correspondance depuis que j’ai 18 ans. Je ne pense pas que ça soit un problème, je pense que le président veut en faire un problème… Il y a plein d’autres documents importants qui sont envoyés par la Poste, comme les chèque Covid. Je ne pense pas que le vote par correspondance soit subitement devenu un problème", a expliqué l'électrice démocrate.
Côté républicain, Cheri, une citoyenne du Texas, est beaucoup plus sceptique: "Ils envoient les bulletins de vote à tout le monde. Et donc ces bulletins peuvent arriver dans une maison où les électeurs concernés n’habitent plus. Qu’est-ce qui m’assure que ce sont les bonnes personnes qui ont voté?"
>> Lire aussi : Donald Trump a voté par anticipation en Floride "pour un type appelé Trump"
Faible risque de fraude
Confiance chez les démocrates, doutes côté républicain. Qu’en est-il de ce vote par correspondance et d'un éventuel risque de fraude? Il est balayé par John Kennedy, professeur en science politique à l’université West Chester de Pennsylvanie, interrogé dans Tout un Monde: "Un article vient d’être publié par l’Heritage Foundation, une fondation très conservatrice. Et ils ont trouvé que sur 36 années de votes par correspondance aux Etats-Unis, il y a eu 1285 cas de fraude sur près de 2 milliards de votes. Ça fait un taux de fraude de 0,0000007%. C’est à peu près le même pourcentage du risque que le Terre soit frappée par un astéroïde...".
Les fraudes électorales sont donc rares. Mais chaque Etat est responsable d’organiser le scrutin, et de choisir comment il va utiliser le vote par correspondance. On dénombre donc 50 scénarios différents, pour 50 Etats. Certains Etats ont l’habitude du vote par correspondance. Neuf d'entre eux et le District de Columbia, la capitale, offrent déjà ce service à tous les électeurs. On vote par correspondance en Californie, dans le Colorado, le Vermont, le New Jersey et même dans l’Utah républicain. Dans ces Etats, 2020 ressemblera donc à une année presque comme les autres.
Différentes règles
On recense aussi toute une gamme d’Etats qui proposent le vote par correspondance de façon facultative. Il faut parfois s’enregistrer sur une liste électorale et c’est un peu laborieux. Le vote par correspondance est soumis à différentes règles.
En Alabama, quand on vote par correspondance, il faut ajouter une copie d’un document d’identité et obtenir la signature de deux témoins qui certifient que c’est votre vote dans l’enveloppe. Et en Pennsylvanie il faut glisser son bulletin dans une enveloppe secrète qui est ensuite mise dans une autre enveloppe. C'est la "beauté" du fédéralisme à l’américaine.
Etats républicains opposés
Et certains Etats, majoritairement républicains, sont clairement opposés au vote par correspondance. C’est le cas de plusieurs Etat du sud du pays: le Tennessee, le Mississipi et le Texas exigent des raisons sérieuses pour voter par correspondance. Et le Covid ne figure pas dans la liste des excuses.
La républicaine Cheri raconte que "si quelqu'un veut venir avec sa voiture pour voter, et ne pas s’exposer au virus, c’est possible. Il n’y a absolument aucune raison pour ne pas voter en personne. A moins que vous soyez dans une maison de retraite ou que vous soyez vraiment très malade, c’est possible. Mais le Covid n’est pas une raison". Cheri ne voit donc pas le problème d’aller voter en personne, même pendant la pandémie.
Impact sur la soirée électorale
L'impact du vote par correspondance va se jouer davantage sur le déroulé de la soirée électorale, du fait que chaque Etat a ses propres règles. Certains Etats reçoivent les enveloppes et commencent à les compter avant le jour du vote. D’autres attendent le jour de l’élection pour ouvrir les enveloppes. Et là, il risque d’y avoir des retards si le vote par correspondance est important. Par exemple, dans des Etats clés comme le Michigan ou le Wisconsin, on ne devrait pas avoir un résultat définitif dans la soirée.
Le professeur John Kennedy anticipe cette soirée du 3 novembre: "Le scénario le plus probable, avec des démocrates qui vont privilégier le vote par correspondance, c’est de voir, le soir de l’élection, disons vers 23h, Trump en tête. Et avec l’arrivée progressive des votes par correspondance, on va voir les chiffres de Biden augmenter. Cela pourrait prendre deux à trois jours pour que la majorité de ces bulletins soient comptabilisés, car de nombreux Etats ne commenceront à compter que le matin de l’élection."
Semer le doute
L’issue du vote pourrait ainsi semer le doute auprès des électeurs. C’est ce que l’on constate, notamment quand on parle avec les supporters de Trump, à l'image de Scott, un fermier du Wisconsin: "Ce vote par correspondance me fait peur. Si c’est vraiment serré, peu importe quel camp gagne, il y aura beaucoup de doutes. Oui je douterai du résultat et je commencerai sérieusement à me poser des questions."
Le doutes de Scott, un président qui dénonce des fraudes, la Poste américaine sous tension ces dernières semaines, autant d'éléments qui créent de la confusion. Mais si l’arrivée massive d’enveloppes risque de surcharger certains bureaux de votes, tout devrait a priori bien se passer. Les fraudes semblent très peu probables. Il faudra surtout accepter d’être patient si le résultat est serré.
Reportage radio: Raphaël Grand
Adaptation web: Jean-Philippe Rutz