Des fromages Kiri et Babybel retirés des rayons au Koweit ou au Qatar, des voyages vers la France annulés... Depuis vendredi, des appels au boycott de produits français se sont répandus dans plusieurs pays du Moyen-Orient. La France a appelé dimanche les autorités des pays concernés à faire "cesser" ces appels provenant, selon elle, d'une "minorité radicale". Paris leur demande également d'assurer la sécurité des citoyens français vivant sur leur sol.
"Ces appels dénaturent les positions défendues par la France en faveur de la liberté de conscience, de la liberté d'expression, de la liberté de religion et du refus de tout appel à la haine. Ils dénaturent également et instrumentalisent à des fins politiques les propos tenus par le président de la République, visant à lutter contre l'islamisme radical, et à le faire avec les musulmans de France, qui sont partie intégrante de la société, de l'histoire et de la République françaises", précise le ministère français des Affaires étrangères dans un communiqué.
Les caricatures de Mahomet en cause
Le mouvement a commencé à émerger sur les réseaux sociaux avec des mots-dièse en arabe au lendemain de l'hommage national au professeur Samuel Paty, assassiné par un islamiste après avoir montré à ses élèves des dessins de Mahomet, dans le cadre d'un cours sur la liberté d'expression. "Nous continuerons le combat pour la liberté", a assuré le président français à cette occasion, promettant de "ne pas renoncer" aux caricatures de Mahomet. C'est cette phrase qui a provoqué l'émoi, alors que les représentations du Prophète sont interdites par la religion musulmane.
La Turquie, l'Iran, la Jordanie ou encore le Koweït ont dénoncé la publication des caricatures du prophète. L'Organisation de coopération islamique, qui réunit les pays musulmans, a déploré "les propos de certains responsables français (...) susceptibles de nuire aux relations franco-musulmanes".
Le phénomène a encore pris de l'ampleur lorsque le président turc Recep Tayyip Erdogan a interrogé samedi la "santé mentale" de son homologue français, l'appelant à "se faire soigner". Jugeant ces propos "inadmissibles", le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a dénoncé dimanche de la part de la Turquie "une volonté d'attiser la haine" contre la France. L'ambassadeur de France en Turquie a été rappelé "pour consultation".
Des tweets en trois langues
Face à ces critiques, Emmanuel Macron s'est exprimé dimanche soir sur Twitter. "Notre histoire est celle de la lutte contre les tyrannies et les fanatismes. Nous continuerons", a-t-il écrit, se posant également en défenseur des principes républicains: liberté, égalité, fraternité.
Fait rare, le président français a également publié des tweets en anglais et en arabe, dans lesquels il poursuit: "Nous continuerons. Nous respectons toutes les différences dans un esprit de paix. Nous n'acceptons jamais les discours de haine et défendons le débat raisonnable. Nous continuerons. Nous nous tiendrons toujours du côté de la dignité humaine et des valeurs universelles."
Les protestations en provenance du Maghreb, de Turquie et du Moyen-Orient continuaient à affluer. Le Maroc a publié dimanche soir un communiqué dans la foulée des autres pays, condamnant "la poursuite de la publication de publications outrageuses à l'islam et au prophète". "La liberté des uns s'arrête là où commencent la liberté et les croyances des autres", résume le ministère marocain des Affaires étrangères.
Quant au président turc Recep Tayyip Erdogan, il a renchéri lundi matin en appelant ses concitoyens à "ne pas prêter attention aux marques françaises" dans un discours à Ankara où il a aussi comparé le traitement des musulmans en Europe à celui des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
Juliette Galeazzi avec les agences
Soutien allemand et italien
Angela Merkel a condamné lundi les propos du président turc à son homologue français. "Ce sont des déclarations diffamatoires qui ne sont absolument pas acceptables", particulièrement dans le contexte du "meurtre affreux du professeur français Samuel Paty par un fanatique islamique", a communiqué le porte-parole de la chancelière allemande.
Le Premier ministre italien Giuseppe Conte a aussi condamné des propos "inacceptables". "Les invectives personnelles n'aident pas l'agenda positif que l'UE veut poursuivre avec la Turquie, mais éloignent au contraire les solutions. Pleine solidarité avec le président Emmanuel Macron", a ajouté le chef du gouvernement italien.