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Le Kenya n'est pas le Rwanda

Le scénario du génocide du Rwanda ne peut s'appliquer au Kenya
Le scénario du génocide du Rwanda ne peut s'appliquer au Kenya
L'image du Kenya de pays stable et prospère d'Afrique a volé en éclats avec les violences politico-ethniques en cours depuis les élections générales contestées du 27 décembre. Plusieurs analystes excluent toutefois un scénario rwandais.

Les images de bandes armées de machettes menant des chasses à
l'homme dans une curée de violences et de pillages, l'atrocité de
femmes et d'enfants brûlés vifs mardi à Eldoret (ouest) dans une
église où ils s'étaient réfugiés, ont immanquablement rappelé les
horreurs du génocide rwandais de 1994.



D'autant que responsables du camp du président Mwai Kibaki et de
son rival à la présidentielle du 27 décembre, Raila Odinga, se
jettent mutuellement à la figure des accusations de «génocide» ou
de «nettoyage ethnique», après les violences politico-ethniques qui ont fait au moins 342
morts, selon un bilan établi à partir de sources policières,
hospitalières et de morgues.



Réelle diversité ethnique

42 ethnies différentes

Toutefois, les observateurs relèvent de nombreuses différences
entre le Kenya et des pays comme le Rwanda, le Burundi, voire la
Sierra Leone ou le Liberia, estimant qu'elles préserveront d'un
chaos prolongé la principale puissance économique d'Afrique de
l'Est.



«La réelle diversité ethnique du Kenya signifie que ce n'est ni le
Rwanda, ni le Burundi», explique Mark Bellamy, ambassadeur des
Etats-Unis aux Kenya de 2003 à 2006. Alors que le Rwanda et le
Burundi, deux pays de l'Afrique des Grands lacs, ont une population
composée de Hutus et de Tutsis, le Kenya compte au moins 42
ethnies.



Le président Mwai Kibaki, dont la réélection contestée la semaine
dernière a déclenché une vague de violence, est issu de l'ethnie
kikuyu, qui joue un rôle dominant dans la vie politique et
économique depuis l'indépendance acquise de Londres en 1963.



Mais, bien qu'ils soient les plus nombreux parmi les 37 millions
de Kényans, les Kikuyus représentent seulement 22% de la population
kényane. Ce qui signifie qu'aucun groupe ethnique ne peut contrôler
totalement le pays et a besoin, pour diriger, d'alliances et donc
de compromis avec d'autres groupes.

Intérêt à calmer le jeu

D'autres observateurs estiment que la vague de violences
démontre une arrivée douloureuse à l'âge adulte de la démocratie.
«Quand tout le monde pense que c'est tribal, ça ne l'est pas», juge
l'avocat et analyste politique kényan John Otieno: «c'est une
société qui prend conscience de ses droits, notamment qu'aucun
gouvernement ne peut revendiquer un pouvoir absolu».



Que ce soit Mwai Kibaki ou Raila Odinga, «aucun dirigeant
politique au Kenya n'a un intérêt quelconque à attiser les
violences ethniques», commente Mark Bellamy, actuellement
consultant au Centre d'études stratégiques et internationales, basé
à Washington.



«Avec le bilan des morts qui s'alourdit, Raila Odinga prend
conscience qu'il sera bientôt isolé, et il pourrait vouloir trouver
une solution au conflit qui le fasse passer pour un héros aux yeux
du public», juge de son côté l'analyste politique kényane Mary
Mutua.



afp/ant

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Particularité économique positive

Les observateurs soulignent également une autre particularité du Kenya, économique celle-là et qui constitue un frein à une politique délibérée du pire de la part d'une partie de la classe politique.

«Les puissants du Kenya ont investi leur argent au Kenya», et non pas à l'étranger comme c'est le cas dans beaucoup de pays du continent, et «c'est la meilleure raison qu'ils ont de ne pas laisser le pays s'effondrer», relève, sous couvert d'anonymat, un diplomate occidental en poste à Nairobi.

Quelques chiffres sur le Kenya

Les principales tribus: Kikuyus (22%), Luhyas (14%), Luos (13%), Kalenjins (12%), Kambas (11%), Kisiis (6%), Merus (6%), autres Africains (15%), divers (1%).

Langues: Swahili (nationale), anglais (officielle). Plus de 250 tribus regroupées en 16 groupes ethniques parlent leur propre langue.

Religions: Catholiques (33%) (1800 prêtres dont 700 Kenyans, 2500 religieux), protestants (45%), animistes (10%), musulmans (16%), divers (2%).

Chiffres tirés du site quid.fr