L'Hexagone se trouve donc une nouvelle fois meurtri et ensanglanté par des attentats perpétrés au nom d'un islam intégriste et radical et c'est comme une musique tristement bien connue qui s'enclenche: les minutes de silence, le deuil, les condamnations et les promesses politiques d'une réaction intransigeante à la menace.
Un air de déjà vu, une répétition inlassable, qui fait se demander à beaucoup si un jour cette violence cessera. A cela, Raphaël Enthoven répond qu'il ne faut pas se faire d'illusions: "ça ne s'arrêtera jamais. Il y aura toujours du terrorisme, et en ce moment particulier, du terrorisme islamique".
Pour le philosophe, la victoire consiste donc moins à éliminer une menace qu'à ne pas cesser de la combattre. "La victoire contre le terrorisme islamique n'est pas d'abattre la totalité des terroristes. Vous en avez tué un, vous en créez d'autres (...) la victoire réside dans le fait de ne jamais baisser les bras, c'est-à-dire de ne jamais cesser de lutter."
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"Les lâches sont plus dangereux que les intégristes"
Pour l'homme de lettres, un danger plus important que l'intégrisme lui-même est également à l'oeuvre: la lâcheté.
"Quiconque dit, lorsqu'on décapite un professeur pour avoir montrer des caricatures, qu'en somme, le professeur en question a jeté de l'huile sur le feu, et bien, c'est l'héritier des Munichois des années trente et des collabos des années 40; d'un historique de la lâcheté qui est, à mon avis, un ennemi plus redoutable que le terroriste lui-même. Les lâches sont plus dangereux que les intégristes car ils sont beaucoup plus nombreux."
Et d'ajouter: "Le problème, c'est le feu, et non pas l'huile. On n'éteint pas le feu, on ne dissipe pas la haine et l'on n'estompe pas le racisme. L'humanité ne va pas cesser de se haïr du jour au lendemain. On n'éteint pas le feu, on le combat, et la qualité d'une période dépend de l'aptitude de chacun à le combattre tout en sachant qu'il ne s'éteindra jamais (...) il y aura toujours des gens suffisamment sots pour vouloir vous tuer parce qu'ils croient que vous avez dit du mal de dieu. La question est de savoir de quelle manière on leur résiste".
Le risque du "gouvernement de la peur"
Combattre l'intégrisme, d'accord, mais est-ce normal d'avoir peur ? Pour l'écrivain, il est tout à fait logique d'éprouver cette sensation mais il souhaite y apporter une nuance qu'il estime capitale.
"Je ressens la peur, je n'ai pas envie de mourir vous savez. On a tous peur. Quand des gens se promènent dans la rue avec un couteau dans la main, prêts à vous couper la tête si vous dites Vive Charlie ou si vous dites que Dieu n'existe pas et qu'en plus, il y a des gens derrière pour vous dire de ne pas provoquer, on a de quoi avoir peur."
Raphaël Enthoven juge beaucoup plus problématique la crainte même de cette peur, qui conduit à ce qu'il appelle "un gouvernement de la peur".
"Quand on dit, ne publiez pas ce qui déplaît, ne publiez pas ce qui disconvient, on vit sous le gouvernement de la peur. C'est de la servitude volontaire. Le critère est là. La peur n'est pas une honte, ce n'est pas infamant, ce qui est infamant c'est d'avoir peur de sa peur au point de se coucher devant des tueurs".
Enfin, si le professeur pense la pédagogie, la philosophie et la République comme étant des valeurs cardinales de la lutte, rien n'est selon lui plus important que cette chose encore plus indispensable: le courage.
Propos recueillis par David Berger
Adaptation web: Tristan Hertig