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Le procès des droits TV de la FIFA accouche d'une souris

Procès Fifa: Nasser Al-Khelaïfi acquitté, Jérôme Valcke écope de jours-amende avec sursis.
Procès Fifa: Nasser Al-Khelaïfi acquitté, Jérôme Valcke écope de jours-amende avec sursis. / 19h30 / 2 min. / le 30 octobre 2020
Le procès de Nasser Al-Khelaïfi (beIN Media et PSG) et de Jérôme Valcke (ex-no2 de la FIFA) s'est soldé vendredi par un acquittement et des jours-amendes avec sursis. Ce jugement illustre la difficulté pour le Ministère public de la Confédération à faire condamner les dirigeants du football mondial sur lesquels elle enquête.

Devant le Tribunal pénal fédéral, les deux hommes étaient accusés d'avoir conclu un pacte dans le dos de la Fédération internationale de football association relevant de la "gestion déloyale" et qui était passible de cinq ans de prison. Mais au final, le premier, poursuivi pour instigation à gestion déloyale aggravée, a été acquitté alors que le second est reconnu coupable de faux dans les titres mais a été acquitté de l’accusation principale de gestion déloyale. Il est condamné à 120 jours-amende avec sursis.

>> Lire : Trois ans de prison requis contre Jérôme Valcke dans l'affaire FIFA

Ce jugement illustre la difficulté pour le Ministère public de la Confédération à faire condamner les dirigeants du football mondial, malgré l’engagement d’importants moyens. Retour sur cinq ans d'enquêtes dans les hautes sphères du football mondial.

Bilan de cinq ans d’enquêtes en Suisse

Le 27 mai 2015 à Zurich, la police faisait irruption dans un des hôtels les plus huppés de la ville. Elle arrêtait à l’hôtel Baur au Lac sept fonctionnaires de la FIFA ou d’organisations affiliées, à deux jours de la réélection annoncée de Sepp Blatter à la tête de la fédération. La justice suisse agissait alors sur requête des autorités américaines, qui soupçonnaient l’acceptation de pots-de-vin et de commissions depuis les années 90.

>> Lire : Six responsables de la FIFA arrêtés à Zurich sur demande des Etats-Unis

Quelques semaines plus tôt, en mars, le Ministère public de la Confédération avait lui aussi ouvert sa propre procédure pénale, pour gestion déloyale et blanchiment d’argent, en lien avec les attributions des Mondiaux 2018 à la Russie et 2022 au Qatar. Cette procédure est toujours en cours.

>> Lire : Sepp Blatter pourrait être interrogé par la justice suisse

Les événements du printemps 2015 ont été le point de départ d’une série de procédures engagées par la justice suisse contre des dirigeants du football mondial.

25 procédures ouvertes en Suisse

Depuis 2015, environ 25 procédures pénales ont été ouvertes, selon les informations fournies à la RTS par le Ministère public de la Confédération (MPC). Une vingtaine d'entre elles sont toujours en cours.

Vu leur complexité, la justice suisse a dû hiérarchiser son travail. "La priorité est donnée aux procédures fortement liées à la Suisse ou à la place financière suisse", explique le MPC.

Ces affaires ont de nombreuses ramifications, en particulier en raison de l’origine étrangère des personnes impliquées. Tracer les flux d’argent est un casse-tête. En cinq ans, plus de 60 demandes actives ou passives d’entraide judiciaire ont été faites à une vingtaine de pays. Et c'est parfois en vain, comme l’explique par écrit le MPC: "Certaines demandes d'assistance mutuelle sont jusqu'à présent restées sans réponse malgré des demandes répétées - par exemple, les demandes d'assistance adressées aux autorités qataries".

Première condamnation devant un tribunal

Le verdict concernant Jérôme Valcke, Nasser Al-Khelaïfi et un homme d’affaires grec est le premier à tomber. Il intervient à l'issue de trois ans d'enquêtes.

Mais c'est donc un nouvel échec pour l'accusation, qui réclamait 28 mois d'emprisonnement contre Nasser Al-Khelaïfi et trois ans contre Jérôme Valcke, après un premier fiasco retentissant le printemps dernier. Le procès de trois membres du comité d’organisation du Mondial 2006 en Allemagne et de l’ancien secrétaire général de la FIFA, le Suisse Urs Linsi, avait fait long feu. Covid oblige, le procès avait été d’abord ajourné puis le délai de prescription a fait le reste: les quatre hommes, qui étaient accusés de malversations, ne seront jamais condamnés par la justice suisse - pas plus que l’ancien joueur Franz Beckenbauer, impliqué dans une affaire similaire également prescrite.

>> Lire : Le procès FIFA finit par sombrer en raison du Covid 19

Le cas Sepp Blatter

Sepp Blatter n’a lui non plus jamais été renvoyé en justice, en tout cas pour l’instant. Mais deux procédures pénales ont été engagées contre l’ancien homme fort de la FIFA. La première, qui concernait l’attribution d’un contrat de droits télévisés à l’Union caribéenne de football, a été classée en juin dernier.

>> Lire : Une enquête visant Sepp Blatter a été classée par le MPC

La seconde, elle, est toujours en cours. Elle porte sur un paiement, tardif et sans trace écrite, de 2 millions de francs à l’ancien président de l’UEFA Michel Platini. Ce paiement a valu aux deux hommes une suspension de plusieurs années de toute activité liée au football. Michel Platini et Sepp Blatter ont été entendus début septembre à Berne par le procureur en charge de l’affaire. Ils se sont toujours défendus de toute irrégularité. Sepp Blatter, à l’AFP: "Je le répète, il s'agissait d'un arriéré de salaire pour un travail effectué par Michel Platini. La somme a été validée par la commission des finances. Cela ne peut pas relever du pénal".

>> Lire : Michel Platini à Berne pour plaider sa cause devant la justice

La voie des ordonnances pénales

Face à la difficulté de renvoyer des prévenus devant un tribunal, le Ministère public peut avoir recours à des ordonnances pénales. Ainsi le 15 juin 2017, le MPC a condamné l'ancien collaborateur d’une banque suisse pour faux dans les titres de même que pour violation de l’obligation de communiquer.

Une autre ordonnance a été rendue en décembre 2019 concernant la Confédération sud-américaine de football. L’ancien secrétaire général de la CONMEBOL Eduardo Deluca a été condamné pour blanchiment, détournement de fonds et gestion déloyale. Il a écopé de 180 jours-amendes avec sursis et d’une amende de 5000 francs.

Dans cette affaire, le principal accusé était Nicolas Leoz, ancien président de la fédération. Il était accusé d’avoir détourné 8,3 millions de francs mais il est décédé avant la fin de la procédure.

Plusieurs autres procédures pénales engagées par le MPC gravitent autour de la CONMEBOL. Elles ont permis de restituer d’importants fonds à la fédération sud-américaine, au total 36,6 millions de francs "acquis de façon illégitime au préjudice de la CONMEBOL", notait le MPC dans un récent communiqué (14 octobre 2020).

>> Lire : Le MPC restitue 36,6 millions détournés à la Confédération sud-américaine de football

Beaucoup d’enquêtes classées

Plusieurs procédures ont par ailleurs été abandonnées. Une affaire pénale liée aux offres concernant la "goal-line technology" a été classée en octobre 2019. Les poursuites pénales liées aux droits marketing dans le cadre de la Coupe du monde 2014 ont été abandonnées en juillet 2018. Une autre procédure pénale relative aux droits de diffusion de l'UEFA a elle aussi été abandonnée en novembre 2017.

A ce jour, le patron actuel de la FIFA, Gianni Infantino, n’est pas visé directement par une enquête du MPC, qui le confirme à la RTS: "Le Ministère public de la Confédération ne mène pour l’heure aucune procédure pénale contre Gianni Infantino".

En revanche, le Valaisan fait l’objet d’une procédure pénale en lien avec Michael Lauber. Il devra s’expliquer sur ses rencontres informelles avec l’ancien procureur général de la Confédération. Cette procédure n’est pas menée par le MPC, mais par Stefan Keller, procureur fédéral extraordinaire nommé pour faire la lumière sur l’affaire Lauber.

>> Ecouter aussi l'interview de Jean-Paul Cateau dans le 19h30 :

Jean-Paul Cateau: "La justice suisse ne sort pas grandie de cette affaire."
Jean-Paul Cateau: "La justice suisse ne sort pas grandie de cette affaire." / 19h30 / 1 min. / le 30 octobre 2020

Gilles Clémençon/oang

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