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Les ex-otages des FARC narrent leur calvaire

Consuelo Gonzalez, rayonnante, avec sa petite fille et sa fille
Consuelo Gonzalez, rayonnante, avec sa petite fille et sa fille
Clara Rojas et Consuelo Gonzalez ont longuement raconté leur vie d'otages aux mains des FARC. Elles ont accusé les guérilleros colombiens, lors de leur première conférence de presse, de «crime de lèse-humanité».

Toutes deux, tentant de décrire près de six ans de vie avec les
guérilleros, ont évoqué leurs moments de désespoir ou d'espoir, la
dureté de la vie quotidienne, et aussi les longues marches dans la
forêt, en silence de peur d'être repérés, les raids aériens...

"Ca vous donne envie de hurler"

"Nous sentons pratiquement les bombes à quelques mètres de là où
nous sommes, les hélicoptères en train de mitrailler tout près de
nous", explique Consuelo Gonzalez. Cette dernière a appris pendant
sa captivité la mort de son mari, puis la naissance de sa
petite-fille Maria Juliana, via les messages envoyés sur Radio
Caracol. Ces messages qui sont pour les otages le seul lien à la
vie, pour le meilleur et pour le pire:



"Quand j'ai appris la mort du 'Negro', j'ai senti que tout
s'écroulait". Et de raconter le message de sa fille aînée: 'Maman,
je n'ai pas de bonnes nouvelles, mon papa est mort hier soir, d'un
infarctus fulgurant, mais rassure-toi, il n'a pas souffert, il
s'est reposé'... Ca vous donne envie de hurler".



Consuelo Gonzalez a rendu hommage à ses compagnons de détention,
policiers et militaires, emprisonnés depuis "bien plus longtemps et
qui, de par leur formation, ont un manière très réaliste de voir la
vie. Ils m'ont enseigné que le principal est d'agir jour après
jour, ce qui n'est pas facile".

Enchaînés toute la journée

Dans les "prisons du peuple" des FARC, ajoute-t-elle, les otages
vivent derrière des barbelés, et il faut "s'inventer des mécanismes
de survie": "Je faisais de la gymnastique, je marchais pour garder
une condition physique normale", pour la santé mais aussi en
préparation aux longues marches auxquelles le groupe était
régulièrement soumis.



La nourriture, toujours la même: du riz, des haricots, des
lentilles. De la viande, seulement lorsqu'il était possible de
chasser des animaux sauvages. Dormir: dans des hamacs, ou sur des
bâches en plastique à même le sol.



Quant aux militaires et policiers, "ils vivaient enchaînés toute
la journée (...) une chaîne au cou", se lavant, mangeant, faisant
la lessive enchaînés, leurs chaînes ensuite attachées à un poteau
pendant la nuit, raconte Consuelo Gonzalez.



Dans ces camps des FARC, il n'y a "aucune possibilité de soins
médicaux. S'il se présente une maladie compliquée il n'y a rien à
faire", il y a juste un guérillero "infirmier". Si les FARC ont les
médicaments qu'il faut pour le paludisme et la leishmaniose
-maladie causée par la piqûre d'un insecte-, pas d'autre traitement
possible, et tous les otages ont des problèmes de santé,
explique-t-elle.

Naissance d'Emmanuel

Clara Rojas a pour sa part raconté la terrible naissance
d'Emmanuel, né le 16 avril 2004 via une césarienne de fortune
pratiquée au couteau de cuisine dans la jungle, par une infirmière
de la guérilla. Elle mettra 40 jours à se remettre de cet
accouchement avant d'être enfermée à nouveau avec les autres
otages, et les huit mois avec le bébé dans la jungle seront très
difficiles.



La jeune femme n'a plus vu son fils depuis fin 2005: elle avait
écrit à Manuel Marulanda, commandant historique des FARC, le
suppliant qu'Emmanuel soit confié à sa mère. Puis les guérilleros
lui ont demandé si elle acceptait qu'on lui prenne pour le soigner.
Elle a dit oui, se retrouvant "déprimée, mais confiante qu'on me le
rendrait en deux semaines".



Elle n'aura plus de nouvelles: "ils décident de prendre l'enfant,
ne me disent rien et ne me prennent pas en compte". Elle n'en
entendra plus parler, jusqu'à il y a deux semaines. Elle pourra
désormais le récupérer "dès qu'elle sera prête", selon la
responsable de l'Assistance publique colombienne Elvira Forero.
Quant au père d'Emmanuel, "je ne sais pas où il est (...) Je ne
sais même pas s'il sait même qu'il est son père. L'information que
j'ai, c'est qu'il est même peut-être mort. Je n'ai aucune
confirmation", ajoute Clara Rojas.

"Violation de la dignité humaine"

Clara Rojas a dit avoir été très encouragée par la pression
exercée par la France en faveur des otages, avant de qualifier ces
détentions de "violation totale de la dignité humaine".



"On nous avait informés que s'il y avait une tentative de
sauvetage (par l'armée), leurs ordres étaient de nous assassiner.
Nous en étions totalement conscients", conclut Consuelo
Gonzalez.



afp/tac

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Solution négociée au conflit souhaitée

Consuelo Gonzales a appelé de ses voeux une solution pacifique au conflit colombien. C'est selon elle la seule façon de permettre la libération des autres otages encore détenus.

Elle a assuré qu'elle avait pris «un engagement inéluctable de continuer à investir toute l'énergie possible et à mener toutes les actions possibles pour l'échange humanitaire».

Consuelo Gonzales a indiqué qu'elle n'avait pas été torturée physiquement. Mais, selon elle, «le seul fait de priver quelqu'un de sa liberté contre sa volonté, de l'isoler de sa famille, du monde, est en soi, de tout point de vue, condamnable et peut être considéré

comme une espèce de torture».

Elle a souhaité une solution pacifique du conflit en Colombie. «Il nous a été démontré à satiété depuis 40 ans que dans des situations d'affrontement, on n'aboutit pas à la paix», a-t-elle dit.

Interrogée sur la demande formulée vendredi par le président vénézuélien Hugo Chavez de retirer les organisations de guérilla en Colombie de la liste des organisations terroristes, Consuelo Gonzales a estimé que «toute action permettant d'avancer dans la recherche de la paix et de l'échange humanitaire est valable».

«Les FARC sont la plupart du temps violentes, dures, mais le conflit colombien est si grave que toute action qui nous permettrait de le surmonter est la bienvenue», a-t-elle dit.

Sans nouvelle d'Ingrid Betancourt

Clara Rojas a une nouvelle fois expliqué avoir été séparée d'Ingrid Betancourt il y a trois ans, et être depuis sans nouvelles. Lors de leur captivité commune, elles aussi avaient été enchaînées après une tentative d'évasion commune, avant de se voir enlever leurs chaînes.