Pour Alexandra De Hoop Scheffer, directrice du bureau de Paris du German Marshall Fund of the United States, spécialiste des Etats-Unis et des questions de défense, Joe Biden va replacer la diplomatie au centre de la politique étrangère américaine. Il chargera aussi son ou sa Secrétaire d'Etat de réformer le Département d'Etat (en charge des affaires étrangères). Ce sera une "grande différence" avec l'ère Trump. Sur la forme aussi, Joe Biden va s'adresser au monde d'une façon beaucoup plus traditionnelle pour la diplomatie américaine.
"Joe Biden travaille depuis 47 ans sur les questions de relations internationales, en tant que sénateur notamment", explique la chercheuse dans La Matinale. "Il a une vraie appétence pour ces questions. Quand il était le vice-président de Barack Obama, il a vraiment appliqué ce qu'il faisait au Congrès, c'est-à-dire travailler avec les autres, avec les républicains, en poussant vers le compromis. Il applique cette méthode-là à l'international."
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Renouer avec le multilatéralisme et le "soft power"
"Il y aura vraiment une volonté de renouer avec le multilatéralisme", souligne la spécialiste. "Une seconde différence sera aussi la restauration du 'soft power' américain, une sorte de leadership moral qui avait totalement disparu sous Trump."
Pour Joe Biden, "ce qui compte, c'est la puissance de notre exemple". Une des leçons que le président élu aura retenu de l'ère Trump, c'est l'imbrication des enjeux de politique intérieure et de politique extérieure. "Il a d'ailleurs baptisé sa politique étrangère de 'politique étrangère pour la classe moyenne américaine'. C'est très fort: sa politique étrangère, et notamment commerciale, sera réfléchie en termes d'impact qu'elle pourrait avoir sur la classe moyenne américaine", décrypte Alexandra De Hoop Scheffer.
Les rapports américains avec la Chine ne devraient pas évoluer sur le fond, explique encore la chercheuse. Les conseillers de Joe Biden sur l'Asie et la Chine estiment que la politique de son prédécesseur était tout à fait pertinente sur le fond, mais que la forme était catastrophique. "Il y aura toujours une compétition, mais sans catastrophe. Il va bien entendu chercher à confronter la Chine, notamment sur les enjeux technologiques, mais aussi sur la question des droits de l'homme, tout en cherchant à coopérer avec la Chine sur deux grands enjeux: le climat et la pandémie."
Une relation transatlantique fragilisée
L'un des enseignements du mandat écoulé de Donald Trump est la fragilité des engagements pris par les Etats-Unis sur la scène internationale. Et Alexandra De Hoop Scheffer de l'illustrer: "Si Joe Biden remet son pays dans l'accord sur le climat au premier jour de son inauguration, le risque est de voir dans quatre ans l'arrivée d'un président encore plus trumpiste qui va remettre en question cet engagement?"
En cause selon elle, l'hyperpolarisation de la vie politique américaine, avec un Congrès qui ne sait plus trouver d'accord entre un parti républicain qui est allé beaucoup trop à droite et un parti démocrate qui n'a pas montré de volonté de faire de compromis à l'ère Trump.
L'ère Biden pourrait montrer un pivot vers l'Europe, notamment sur la question des valeurs, allant de pair avec une volonté de renouer la relation avec l'Allemagne, notamment en raison de ses liens avec la Chine, afin de faire pression sur elle pour la pousser à se positionner de manière beaucoup plus ferme face à l'enjeu chinois.
Propos recueillis par Romaine Morard
Adaptation web: Eric Butticaz