Début janvier 2015, les attaques perpétrées contre la rédaction de Charlie Hebdo et l'Hyper Casher avaient secoué la France, avec notamment le décès de plusieurs personnalités bien connues, dont les dessinateurs Charb, Wolinski ou Cabu. La traque qui avait suivi avait marqué les Français, jusqu'à la mort des trois terroristes et avant une marche de solidarité rassemblant de nombreux dirigeants mondiaux.
Après plusieurs mois, la tension était peu à peu retombée, même si la menace terroriste restait très présente. Mais l'ampleur des attaques du 13 novembre et l'organisation minutieuse des terroristes ont décuplé les inquiétudes en quelques minutes.
Trois kamikazes au Stade de France: un mort
C’était aussi un vendredi 13. Tout commence à 21h20 de ce soir de novembre, lorsqu'une explosion retentit devant les portes du Stade de France, où l’équipe nationale de football affronte celle d’Allemagne dans un match amical. Une seconde explosion est entendue à 21h53. La première victime est un chauffeur de car de 63 ans.
Aussitôt, le président de l'époque François Hollande est évacué du stade, et les 80'000 supporters présents enfermés jusqu’à la fin du match.
Fusillades sur des terrasses parisiennes: 39 morts
Au même moment, à 21h25, trois hommes dans une Seat noire mitraillent la terrasse du "Petit Cambodge" et le bar "Le Carillon". Ce sont ensuite le bar "A la Bonne Bière", la pizzeria "Casa Nostra" et le bistrot "La Belle Equipe" qui sont victimes de la fusillade.
Au café "Comptoir Voltaire", l’un des assaillants se fait exploser. En une demi-heure, 39 personnes sont tuées sous les tirs de fusils d’assaut.
Le Bataclan pris en otage: 90 morts
A 21h40, un troisième commando fait irruption dans la salle du "Bataclan", où 1500 personnes assistent à un concert du groupe de rock californien "Eagles of Death Metal". Nonante personnes sont tuées. Des survivants trouvent des cachettes ou feignent la mort parmi les cadavres enchevêtrés dans la fosse, d'autres parviennent à s'enfuir.
Peu avant 22h, un commissaire de police entre dans la salle, abat un assaillant dont la ceinture explose. Des otages sont retenus par les deux autres. A 00h18, lorsque les forces d’élite donnent l’assaut, tous deux meurent dans l’explosion de leurs ceintures.
L'assaut de Saint-Denis et la traque de Salah Abdeslam
Alors que l'organisation Etat islamique a revendiqué ces attentats, les enquêteurs ont longuement traqué les terroristes en fuite et leurs complices.
Une figure du djihadisme francophone en Syrie, le Belge Abdelhamid Abaaoud, coordinateur présumé des attaques et assaillant des terrasses, est tué le 18 novembre dans l'assaut de la police contre un appartement à Saint-Denis, de même qu'un complice qui se fait exploser et une cousine qui leur avait trouvé cette "planque".
Le seul membre des commandos encore en vie, le Franco-Belge Salah Abdeslam, est arrêté quatre mois plus tard à Bruxelles. Il doit être jugé début 2021 à Paris, en même temps que 19 autres suspects (logisticiens, convoyeurs et intermédiaires présumés). Cinq d'entre eux, probablement morts en zone irako-syrienne, seront jugés en leur absence.
>> Revoir notre page de 2015 sur les interpellations qui ont suivi les attentats : Premières interpellations après les attentats de Paris, le suivi en direct
Cinq ans après: des hommages réduits à cause du Covid
Cinq ans après les attentats, la cérémonie d'hommages aux victimes qui devaient se tenir vendredi sur le parvis de l'Hôtel de Ville de Paris n'aura pas lieu à cause de la crise sanitaire et du confinement en vigueur en France.
Alors que la cérémonie devait se tenir pour la première fois sur le parvis, les autorités ont finalement renoncé. Seuls la maire de la capitale Anne Hidalgo, quelques élus et des membres d’associations de victimes vont se rendre sur les lieux des attaques, dans le 11ème arrondissement. Cette commémoration sera retransmise par la Ville à l'intention du public qui ne pourra pas y assister.
Une exposition gratuite, rassemblant les photos de 42 artistes, est également proposée dans le 11e arrondissement et un concert hommage aux victimes sera par ailleurs retransmis à 20h30 depuis la Grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris.
Et aujourd'hui: trois attentats en un mois
Après les attaques de Paris, c'est surtout l'attaque au camion-bélier de Nice, le 14 juillet 2016, qui a marqué les esprits avec 86 morts. En cinq ans, 20 attentats ont été perpétrés sur sol français, alors que 19 ont échoué et 61 ont été déjoués.
Et avec trois attentats en un mois en France, cet automne, la menace terroriste est remontée à son niveau maximal. Une attaque à l'arme blanche a tout d'abord fait deux blessés près des anciens locaux de Charlie Hebdo fin septembre. Le professeur Samuel Paty a ensuite été décapité pour avoir montré des caricatures de Mahomet dans un cours sur la liberté d'expression.
>> Lire aussi : Les écoliers français rendent hommage au professeur décapité
Fin octobre, une attaque au couteau dans une église de Nice a fait trois morts. Et enfin, quatre personnes ont été tuées par un sympathisant de l'EI à Vienne, venant rappeler aussi que la menace cible toute l'Europe.
En parallèle, le début du procès des attentats de janvier et celui à venir des attaques du 13 novembre font peser le risque "d'actions de soutien à ceux qui sont mis en cause", selon des sources sécuritaires. La re-publication des caricatures de Charlie Hebdo vient aussi alimenter ce contexte, tout comme l'"instrumentalisation" en France et à l'étranger des récents discours d'Emmanuel Macron contre le "séparatisme islamiste".
Une menace toujours présente, malgré la défaite de l'EI
Pour les acteurs du renseignement, contrairement à 2015, la menace en France est aujourd'hui avant tout "endogène". Des individus isolés, souvent inconnus du renseignement, présents sur le territoire national et qui, inspirés par la propagande djihadiste, commettent des attaques à l'arme blanche nécessitant une faible préparation.
Toutefois, la menace d'un attentat projeté depuis l'étranger, à l'instar de ceux du 13 novembre, est toujours prise au sérieux. "Ce n'est pas parce que le groupe Etat islamique a subi une défaite militaire que ses capacités sont annihilées", confie un acteur de l'antiterrorisme.
Selon les estimations, entre 100 et 200 djihadistes français seraient établis dans la zone irako-syrienne. "Ils ont des armes, de l'argent, des moyens et par conséquent, il est illusoire de croire qu'ils ne sont pas capables de passer clandestinement les frontières pour atteindre le pays", ajoute cette source.
Pour répondre à la menace, Paris a renforcé les effectifs de la Direction générale de la sécurité intérieure avec 1250 agents supplémentaires, alors qu'un nouvel arsenal législatif est en train d'être mis en place.
Frédéric Boillat / Mouna Hussain avec afp
"Toujours la même émotion" pour Manuel Valls
Premier ministre à l'époque des attentats du 13 novembre, Manuel Valls était invité vendredi dans Forum. Le socialiste se remémore: "Ce jour-là, c'était la terreur. Il y avait cette volonté de casser, de tuer. J'écoute toujours ce récit avec la même émotion."
"Il faut doter l'Etat de tous les moyens pour gagner cette guerre. Il faut aussi être très clair sur les sorties de prison. Il y a 2500 détenus de droit commun radicalisés dans les prisons françaises. Il y a des sorties de prison de terroristes condamnés il y a quelques années. Là je crois que la surveillance, le bracelet électronique, sont indispensables. Si nous ne protégeons pas les Français, à ce moment là, ce sont des mesures plus dures, radicales et antidémocratiques qui s'imposeront", explique Manuel Valls.
"Ce qui est important, c'est la guerre culturelle et idéologique notamment au sein de l'islam. Il faut aider à la construction de cet islam européen, compatible évidemment avec nos valeurs et notre civilisation", conclut-il.
Journal d'un rescapé du Bataclan
Professeur d'histoire, Christophe Naudin était au Bataclan le soir des attentats. Il est resté caché deux heures dans un cagibi pour échapper aux balles des terroristes. Cinq ans après, il publie "Journal d'un rescapé du Bataclan", qui raconte sa reconstruction personnelle et pose une réflexion autour du débat sur le terrorisme.
"Je me sens un peu bizarre, parce que c'est une date symbolique. Le contexte sanitaire, l'assassinat de notre collègue, Samuel Paty, et l'annulation des commémorations, font que ce que j'espérais de ces cinq ans, c'est-à-dire passer un cap, est un peu gâché", explique Christophe Naudin dans Forum.
Pour se remettre d'un événement aussi tragique, l'enseignant raconte avoir suivi une psychothérapie et avoir pu bénéficier de son entourage familial. "Cet ouvrage aussi m'a servi. J'ai beaucoup réfléchi à travers mon journal. J'ai fait des recherches sur les causes de l'attentat. J'ai pu comprendre un peu mieux le phénomène djihadiste et notamment la place du religieux, qui est à mon avis trop minimisé", dit-il.