Virus fabriqué en laboratoire, gravité du Covid exagérée, masques inutiles, efficacité prouvée de l'hydroxychloroquine, liens avec la 5G... : cette production à la réalisation léchée recycle de nombreuses infox plusieurs fois démystifiées par de nombreux experts.
Au fil d'interviews de plus d'une trentaine de personnes - de chauffeurs de taxi à l'infectiologue controversé Christian Perronne en passant par l'ancien ministre français Philippe Douste-Blazy (qui s'est depuis désolidarisé du film) -, "Hold-Up" affirme dénoncer des mensonges et exagérations du gouvernement autour du Covid, jusqu'à l'explication finale d'un complot mondial destiné à contrôler et asservir les populations.
Financement en ligne
Financé par des cagnottes en ligne, "Hold-Up" a été très rapidement massivement partagé depuis qu'il a commencé à circuler en début de semaine. "Environ six millions de personnes sont abonnées à des pages Facebook qui ont partagé" deux des liens du documentaire, selon Tristan Mendès-France, spécialiste du numérique et du complotisme, qui estime qu'au total, "des millions de personnes (y) ont été exposées".
Le film, signé de l'ancien journaliste Pierre Barnérias, qui réalise depuis ces dernières années des documentaires sur les expériences de mort imminente, a déjà levé plus de 182'000 euros (196'000 francs) sur la plateforme Ulule (sur un objectif initial de 20'000 euros - 21'600 francs), et 125'000 euros (135'000 francs) de promesses de dons sur Tipee.
Codes du documentaire singés
Le film "singe les codes du documentaire, avec la qualité de l'image, le format des interviews, des passages au drone, ça donne l'impression d'une grosse production", observe Tristan Mendès-France.
"C'est un film, pas un documentaire, c'est une oeuvre de fiction du début à la fin", estime Sylvain Delouvée, chercheur en psychologie sociale à l'Université de Rennes 2 et spécialiste du complotisme, qui relève la présence d'experts auto-proclamés "dont on ne sait pas de qui il s'agit" ou de personnalités connues mais très controversées, comme Christian Perronne ou la sociologue Monique Pinçon-Charlot.
"Ces personnalités-là évidemment donnent un vernis de crédibilité à ce documentaire", note Tristan Mendès-France.
Relayé par des célébrités
Des intervenants qui reprennent par exemple l'idée que les masques sont "des nids à microbes" et qu'ils ne sont pas protecteurs, que Bill Gates "savait" que la pandémie se produirait, que l'OMS a interdit de pratiquer des autopsies, autant de fausses allégations plusieurs fois infirmées ces derniers mois par de nombreux experts.
Amplifiant encore la notoriété de "Hold Up", des célébrités comme le rappeur Booba, la comédienne Sophie Marceau (dont le tweet a été "liké" par Carla Bruni) l'ont aussi relayé sur Twitter ou Instagram.
"Ce qui est notable (...), c'est qu'il a débordé de son audience naturelle, qui est plutôt complotiste, d'extrême droite" et qu'il a "rapidement débordé son noyau dur pour contaminer les communautés beaucoup larges", poursuit Tristan Mendès-France.
Outre sa réalisation soignée et une campagne de promotion massive via les réseaux sociaux, "Hold-Up" doit son succès au fait qu'il entre en résonance avec des inquiétudes, des frustrations préexistantes", explique-t-il.
"Le contenu offre une clé de lecture simplifiée, une causalité caricaturale de l'état de notre société", dit-il aussi.
Sylvain Delouvée note que le réalisateur, dès le début, "se met à hauteur du spectateur en posant des questions que chacun peut se poser, comme 'pourquoi cette épidémie dure si longtemps?' plutôt que de livrer directement sa thèse sur le complot mondial".
Impact sur les comportements
D'autant que "Hold-Up" s'appuie sur quelques faits avérés, comme le revirement du gouvernement français sur les masques, note aussi Sylvain Delouvée, tout en surfant sur des opinions anti-médias, anti-industrie pharmaceutique ou anti-entreprises technologiques, qui trouvent un certain écho en France.
Ce faisant, "à petits pas, il met en place un mécanisme d'engagement du spectateur, qui, arrivé vers la fin, aura du mal à prendre de la distance" avec la théorie d'un vaste complot mondial, explique Sylvain Delouvée.
Autre technique de conviction, "Hold-Up joue beaucoup sur l'affect, sur l'émotion plus que sur le raisonnement, des plans long sur des visages" silencieux, ajoute Tristan Mendès-France.
Danger de ce genre de contenus, "l'adhésion à ces croyances a un impact direct sur les comportements, qui peut pousser à ne pas porter le masque, à refuser un vaccin", note Sylvain Delouvée.
afp/kkub