Lever ou non les brevets, un débat mondial. Le point sur les vaccins contre le Covid-19
Au 16 avril, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comptabilisait 183 projets de vaccins en phase pré-clinique, 97 "candidats vaccins" en essais cliniques sur humains, dont 23 entrés dans la phase 3.
Quatorze vaccins contre le Covid-19 ont été soit homologués, soit autorisés pour un usage d'urgence dans certains pays.
La Suisse administre les vaccins Pfizer/BioNtech ainsi que Moderna. Celui de Johnson & Johnson est homologué mais non utilisé.
Pour accélérer la vaccination, les Etats-Unis ont annoncé soutenir une levée provisoire des brevets des vaccins contre le Covid-19, entraînant un débat mondial. La Suisse y est elle opposée.
Cette page présente les principaux vaccins homologués ou autorisés d'urgence. La liste est non-exaustive.
Dernière mise à jour: 10.05.2021
Mouna Hussain avec agences
Levée des brevets
Un débat mondial
Le 5 mai, le gouvernement américain a annoncé soutenir une levée provisoire des brevets des vaccins contre le Covid-19. Cette annonce a déclenché un débat mondial.
Alors que l'ONU et l'OMS ont salué cette position, qui a reçu le soutien de divers pays ainsi que du pape François, l'UE s'est montrée plus sceptique. Elle a appelé Washington à faire "des propositions concrètes" et à mettre fin à son interdiction d'exportation des sérums et de leurs composants.
Plus tranchante, la Suisse a averti qu'une suspension de brevets ne ferait rien pour "un accès équitable, abordable et rapide aux vaccins, médicaments et produits de diagnostic contre le Covid-19".
Pour l'heure, les brevets sont essentiellement détenus par des laboratoires américains globalement opposés à leur levée qui les priverait, selon eux, d'un retour sur des investissements coûteux.
Sociétés: Sinopharm (Chine) + l'Institut produits biologiques de Pékin
Efficacité annoncée: 79%
Doses: deux doses
Technologie: Virus inactivé
Autorisations: Homologué en Chine, Bahrain et UAE. Autorisation d'urgence dans 22 pays. Homologué d'urgence par l'OMS
Le vaccin de Sinopharm, facile à stocker, rend son utilisation plus facile dans les pays pauvres ou en développement. C'est également le premier vaccin à porter un petit auto-collant sur chaque fiole qui change de couleur si elle est exposée à la chaleur.
Le 7 mai, l'OMS a donné son homologation d'urgence au sérum de Sinopharm. C'est ainsi le premier vaccin chinois à recevoir le feu vert de l'agence sanitaire des Nations unies.
Selon un décompte de l'AFP, ce vaccin est le 4e le plus utilisé par les pays dans le monde.
Efficacité annoncée: 72% aux USA, 64% en Afrique du Sud, 61% en Amérique Latine.
Doses: Une dose
Technologie: Vaccin à "vecteur viral"
Logistique: conservable trois ans à -20°C, trois mois à 2-8°C
Autorisations: Usage d'urgence accordé par l'OMS. Autorisé dans 15 pays dont les USA, l'Union Européenne et la Suisse (mais pas utilisé). Stoppé au Danemark.
Le sérum du groupe pharmaceutique, efficace en une seule dose, peut-être maintenu dans un réfrigérateur classique pendant trois mois à une température de 2 à 8 degrés et il a une durée de vie de trois ans à une température de -20 degrés. Johnson & Johnson s'est en outre engagé à vendre son vaccin à prix coûtant.
Le 27 février, deux jours après le Bahrein, les Etats-Unis autorisent son usage d'urgence, suivis par le Canada et l'Afrique du Sud.
Le 12 mars, l'Organisation mondiale de la santé donne son homologation au vaccin Johnson & Johnson, au lendemain du feu vert de l'agence du médicament de l'Union européenne. Le feu vert permet d'intégrer ce vaccin au système Covax pour tenter d'assurer une distribution équitable des vaccins qui ne sont pas encore fabriqués en quantités suffisantes pour satisfaire la demande.
Le 22 mars, Swissmedic a autorisé pour une durée limitée le vaccin pour les personnes de 18 ans et plus. La Suisse renonce toutefois à ce vaccin car sa livraison est trop tardive.
Le 13 avril, l'Agence américaine des médicaments (FDA) a recommandé la suspension de l'administration du vaccin après l'apparition de cas graves de caillots sanguins chez certaines personnes. Le groupe pharmaceutique a ensuite annoncé qu'il retardait son déploiement en Europe.
Le 20 avril, l'Agence européenne des médicaments (EMA) a annoncé que les caillots sanguins devraient être répertoriés comme effet secondaire "très rare" du vaccin Johnson & Johnson, tout en estimant que les bénéfices l'emportent sur les risques.
Le 3 mai, le Danemark, qui avait déjà renoncé au vaccin d'AstraZeneca, a annoncé faire également une croix sur celui de Johnson & Johnson, malgré les feux verts du régulateur européen et de l'OMS pour l'utiliser.
Sociétés: AstraZeneca (anglo-suédois) et Université d'Oxford (Royaume-Uni)
Efficacité annoncée: 79% dans une étude américaine
Doses: 2 doses à 12 semaines d'intervalle
Technologie: vaccin à "vecteur viral"
Logistique: conservable 6 mois dans un frigo
Autorisations: Homologué au Brésil. Autorisé d'urgence dans 64 pays, dont l'UE. Stoppé au Danemark
Ce candidat vaccin est basé sur un adénovirus de chimpanzé modifié pour introduire dans son génome la partie codante pour la protéine de pointe du SARS-CoV-2 par lequel le virus pénètre les cellules humaines.
Ce vaccin est très attendu car peu coûteux et ne nécessitant pas une conservation à des températures très basses.
Le 23 novembre, le laboratoire britannique annonce une efficacité moyenne à 70%. Le 2 février, un nouveau rapport affirme que, inoculé une seconde fois à 12 semaines d'intervalle, l'efficacité augmente à 82,4%. En plus de protéger du virus, le vaccin réduisait sa transmission.
Le 30 décembre, la Grande-Bretagne et l'Argentine sont les premiers pays à avoir autorisé ce vaccin d'urgence. Le 16 février, l'OMS a recommandé ce vaccin pour usage d'urgence.
Suspension par précaution
Mi-mars, une douzaine de pays, notamment la France, l'Allemagne et l'Italie, en ont suspendu par précaution l'administration à la suite du signalement d'effets secondaires "possibles", mais sans lien avéré à ce stade, comme de graves problèmes sanguins chez des personnes vaccinées (difficultés à coaguler ou formation de caillots).
Le 18 mars, le régulateur européen a émis un avis favorable à son utilisation. La majorité des pays européens qui l'avaient suspendu l'ont reprise, le plus souvent en restreignant son utilisation en-dessous d'un certain âge.
Le 22 mars, des essais à large échelle de phase 3 ont montré une efficacité du vaccin à 79%, selon des résultats intermédiaires. Cependant, un institut américain a exprimé sa "préoccupation quant au fait qu'AstraZeneca a pu utiliser des informations obsolètes lors de cet essai" aux Etats-Unis, "ce qui peut avoir abouti à une estimation incomplète de l'efficacité" du vaccin.
Pas d'autorisation en Suisse
Swissmedic n'a pas autorisé ce vaccin en Suisse, disant avoir besoin de plus de données. Les Etats-Unis ne l'ont pas autorisé non plus tandis que l'Afrique du Sud y a renoncé en février face au variant qui ravage le pays. Le Venezuela a refusé de l'autoriser en invoquant ses effets secondaires.
Le 14 avril, malgré les avis du régulateur européen et de l'OMS favorables à son usage, le Danemark a annoncé renoncer définitivement au vaccin AstraZeneca à cause de ses effets secondaires "rares" mais "graves".
Des pays comme la France ont limité l'administration de ce vaccin à des tranches d'âge spécifiques.
Fin avril, le groupe AstraZeneca a annoncé avoir doublé son bénéfice net sur un an alors que les ventes de son vaccin atteignent 275 million de dollars.
Début mai, L'Union européenne a annoncé ne pas renouveler pour l'instant son contrat de fourniture de vaccins Covid-19 avec AstraZeneca pour après le mois de juin.
Le vaccin d'AstraZeneca a pâti de très forts retards de livraison qui ont poussé l'UE a introduire une action en justice. L'UE et AstraZeneca s'expliqueront le 26 mai devant un tribunal de Bruxelles à ce sujet.
Des tests cliniques continuent à être effectués, dont un essai de combinaison avec l'autre vaccin à adénovirus, Spoutnik V.
Logistique: Doit être gardé entre -15 et -25 degrés
Quantités prévues: 1,3 milliard de doses d'ici fin 2021
Autorisations: homologué en Suisse, Arabie Saoudite, Nouvelle-Zélande, Bahrain et Brésil. Autorisé d'urgence par l'OMS, les USA, l'UE et une quarantaine de pays.
En novembre, le groupe pharmaceutique américain Pfizer et son partenaire allemand BioNTech ont demandé à l'Agence américaine des médicaments (FDA) d'autoriser leur vaccin. Ils sont les premiers fabricants à le faire aux Etats-Unis.
Le 2 décembre, le gouvernement britannique est le premier à accorder son feu vert d'urgence à ce vaccin après recommandation de son Agence indépendante de réglementation des médicaments (MHRA). Le début de la vaccination a débuté le 8 décembre.
Le 14 décembre, ce sont les Etats-Unis qui ont débuté la vaccination, suivis par de nombreux pays dont la Suisse le 19 décembre.
Le 27 décembre, l'Union européenne leur emboîte le pas. Le 31 décembre, l'OMS accorde à ce vaccin une homologation d'urgence, afin de faciliter la voie aux pays qui souhaitent l'utiliser rapidement.
Le 19 février, le groupe annonce qu'il et possible de maintenir le vaccin stable à une température entre -15°C et -25°C, contre -70°C prévu initialement.
Le 25 février, une étude de grande ampleur en Israël a confirmé l'efficacité du vaccin en conditions réelles. Administré à quelque 1,2 million de personnes dans le pays, la vaccination aurait réduit de 94% les cas symptomatiques du Covid-19, de 92% les cas graves de la maladie, et de 87% les hospitalisations.
Des tests cliniques sont actuellement menés pour savoir si le vaccin peut être administré aux femmes enceintes. Le 31 mars, Pfizer/BioNTech ont annoncé que leur vaccin était hautement efficace chez les personnes de 12 à 15 ans.
Fin mars, le couple fondateur du laboratoire BioNTech a reçu à Berlin la Grand-Croix du Mérite avec étoile. La Bundesverdienstkreuz est l'une des principales distinctions allemandes.
Le 6 mai, une étude de grande ampleur réalisée en Israël a confirmé le très haut niveau de protection du vaccin Pfizer/BioNTech chez les plus de 16 ans. Il protège a plus de 95% contre les infections et à presque 97% contre les décès.
Autorisations: homologué en Suisse. Autorisé d'urgence dans 15 pays, dont les Etats-Unis, Grande-Bretagne, et au sein de l'Union-Européenne. Homologation d'urgence par l'OMS.
Moderna, une société de biotechnologie américaine fondée en 2010, n'avait jusque-là aucun produit autorisé. Le 16 novembre, elle annonce que son projet de vaccin a montré une efficacité de près de 95% dans des essais cliniques.
Le 31 novembre, Moderna annonce déposer des demandes d'autorisations conditionnelles aux Etats-Unis et en Europe, après des résultats complets confirmant une haute efficacité.
Le 18 décembre, le vaccin est autorisé pour usage urgent aux Etats-Unis.
Le 11 janvier, Swissmedic autorise l'utilisation de ce vaccin en Suisse. Moderna prévoit de produire jusqu'à 300 millions de doses du vaccin par an dans l'usine de son partenaire suisse Lonza à Viège (VS).
Le 30 avril, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a accordé son homologation d'urgence au vaccin de Moderna, le cinquième à bénéficier d'une telle validation de l'agence sanitaire de l'ONU.
Le 8 mai, la Confédération a informé prêter du personnel spécialisé à Lonza pour lui permettre d'accroître la production du vaccin. Des missions d'environ six mois, payées par Lonza, sont prévues à partir de la mi-mai.
Société: Institut de recherche russe Gamaleïa / ministère russe de la santé
Efficacité annoncée: 91,6%
Doses: 2 doses à 3 semaines d'intervalle
Technologie: Vaccin à "vecteur viral"
Autorisations: Usage d'urgence en Russie et 65 autres pays
Le vaccin Spoutnik V injecte en deux fois deux virus très courants, responsables notamment de rhumes, transformés pour y ajouter une partie de celui responsable du Covid-19.
Ces adénovirus modifiés poussent les cellules à fabriquer une protéine typique du Sars-Cov-2, apprenant ainsi à leur système immunitaire à le reconnaître et à le combattre.
Fin novembre, les autorités russes ont annoncé avoir commencé à vacciner les militaires. Le 2 décembre, le président Vladimir Poutine a demandé aux autorités sanitaires de commencer rapidement les vaccinations "à grande échelle". La campagne de vaccination de masse a officiellement débuté le 5 décembre.
Le 22 décembre, le Bélarus est le premier pays étranger à l'homologuer. Peu après, l'Argentine devient le premier pays d'Amérique latine à l'utiliser. Il a depuis été autorisé d'urgence dans 28 pays.
Ce vaccin est actuellement analysé par l'Agence européenne des médicaments.
Mi-mars, le Kremlin a dénoncé l'existence d'une campagne "égoïste" de ses adversaires géopolitiques pour pousser des pays tiers à ne pas utiliser le vaccin anti-covid Spoutnik V, accusant à demi-mot les Etats-Unis.
Les Occidentaux voient avec méfiance la diplomatie vaccinale de la Russie, son adversaire géopolitique, bien que son vaccin semble convaincre les experts indépendants.
Fin avril, le régulateur brésilien Anvisa a refusé d'homologuer le vaccin russe, assurant qu'il était porteur d'une version active d'un virus commun provoquant des rhumes en raison d'une anomalie de fabrication.
Les concepteurs du Spoutnik V ont dénoncé en retour un refus de nature "politique" et menacé de poursuites en justice pour diffamation.
Le 6 mai, la Russie a annoncé homologuer une version "light" ("légère") de son vaccin Spoutnik V, qui s'administre en une seule dose contre deux pour sa version de base.
Selon le Fonds russe des investissements directs (RDIF), qui finance le développement du vaccin, le Spoutnik Light affiche une efficacité de 79,4%, contre 91,6% pour sa version en deux doses.
Selon le centre Gamaleïa, plus de 20 millions de personnes dans le monde ont reçu la première dose du Spoutnik V.
Autorisations: autorisation d'urgence en Inde et 11 autres pays.
Vaccin développé avec l'Institut national de Virologie. Le 3 janvier, le gouvernement indien donne son autorisation d'urgence, malgré l'absence de résultats probants en phase 3.
Le 3 mars, des résultats préliminaires montrent une efficacité à 80,6%. Le 21 avril, cette dernière est estimée à 78%. Les résultats finaux sont attendus en juin.
En avril, Covaxin a annoncé augmenter sa capacité de production à 700 millions de doses par an.
Le 11 janvier, l'Indonésie autorise le vaccin d'urgence, suivie par la Turquie et le Brésil.
Malgré une efficacité qui reste à prouver, la Chine donne le 6 février une autorisation conditionnelle au vaccin, suite à quoi d'autres pays ont commencé à l'administrer.
En avril, SinoVac a annoncé avoir augmenté sa capacité de production à plus de 2 billions de doses.
Les vaccins approuvés en premier (Pfizer et Moderna) utilisent tous deux une technologie innovante et qui n'avait jusque là jamais été approuvée pour l'humain.
Appelée "ARN Messager", celle-ci consiste à injecter dans nos cellules des brins d'instructions génétiques pour leur faire fabriquer des protéines ou "antigènes" spécifiques du coronavirus. Ces protéines vont être livrées au système immunitaire, qui va alors produire des anticorps.
L'avantage de ces gènes synthétiques est qu'ils peuvent être générés et fabriqués en quelques semaines, et produits à grande échelle plus rapidement que les vaccins classiques.
Les agents infectieux du SARS-CoV-2 sont traités chimiquement ou par la chaleur pour perdre leur nocivité, tout en gardant leur capacité de provoquer une réponse immunitaire. C'est la forme la plus traditionnelle de vaccination.
Vaccins à "vecteur viral"
Les vaccins à "vecteur viral" utilisent comme support un autre virus peu virulent, transformé pour y ajouter une partie du virus responsable du Covid-19. Le virus modifié pénètre dans les cellules des personnes vaccinées, qui fabriquent alors une protéine typique du Sars-Cov-2, éduquant leur système immunitaire à le reconnaître.
Le 19 décembre, les autorités suisses ont approuvé le vaccin Pfizer/BioNTech. Le 11 janvier, c'est au tour du vaccin Moderna d'être approuvé par Swissmedic.
Le 22 mars, Swissmedic autorise pour une durée limitée le vaccin Johnson & Johnson pour les personnes de 18 ans et plus. La Suisse renonce toutefois à ce vaccin car sa livraison est trop tardive.
Le vaccin d'AstraZeneca, qui a déposé une demande depuis plusieurs semaines, n'a pas encore obtenu l'aval de l'autorité sanitaire suisse, qui a réclamé des informations supplémentaires à l'instar d'autres pays.
Doses commandées
Jusqu'à présent, la Confédération a conclu des contrats avec cinq fabricants: Moderna, Pfizer/BioNTech, AstraZeneca, Curevac et Novavax. Les cantons utilisent pour l'heure les produits de Moderna et de Pfizer/BioNTech. Les autorisations des autres vaccins sont encore en suspens.
La Suisse dispose déjà en 2021 de suffisamment de doses, y compris pour vacciner les enfants et les adolescents, pour autant que les produits concernés soient autorisés pour ces groupes, selon l'OFSP.
Le 11 mars, la Confédération a annoncé avoir signé un nouveau contrat avec Pfizer/BioNTech portant sur plus de trois millions de doses. Elle double ainsi sa commande auprès de ce fabricant.
Début mai, la confédération a annoncé avoir signé un nouveau contrat avec Moderna pour la livraison de 7 millions de doses dans les premiers mois de l'année 2022.
La Suisse a reçu jusqu'à présent près de 4 millions de doses de vaccins.
Nombre de personnes vaccinées
Au 10 mai, plus de 3 millions de doses de vaccin avaient été administrées et plus d'un million de personnes avaient déjà reçu deux doses.
La vaccination, gratuite et volontaire dans tout le pays, doit s'étendre sur plusieurs mois. Les personnes vulnérables sont vaccinées en priorité. Plusieurs cantons ont ouvert la vaccination à toutes les personnes adultes.
L'objectif de la Confédération est que toutes les personnes qui le souhaitent puissent se faire vacciner d'ici l'été.
Anticipant la demande démesurée, l'OMS a créé l'initiative Covax avec l'Alliance pour les vaccins (Gavi) et le CEPI, la branche recherche du mécanisme. Ce programme vise à assurer une distribution équitable. Covax réunit des gouvernements, des scientifiques, la société civile et le secteur privé.
En mars, Covax comptait distribuer 347 millions de doses au premier semestre de cette année, Astrazeneca pour l'essentiel, en particulier à 92 pays défavorisés qui n'ont pas les moyens d'accéder autrement aux précieux vaccins.
Les premières campagnes avec des vaccins distribués par Covax ont commencé début mars seulement, quand elles avaient débuté fin décembre dans nombre de pays riches.
Le 15 avril, le programme international a lancé une campagne pour collecter 2 milliards de dollars supplémentaires afin de pouvoir réserver des doses de vaccins anti-Covid. Le Japon va organiser en juin un sommet sur le financement du système Covax.
Le programme n'a pu toutefois distribuer que 49 millions de doses dans le monde jusqu'à présent car l'Inde a bloqué les exportations du Serum Institute of India, qui fabrique le vaccin d'AstraZeneca.
Campagne de vaccination
Le fossé entre Europe et USA
Pendant que le continent européen, Suisse y compris, se débat dans un déploiement laborieux des vaccins contre le CoViD-19, les Etats-Unis continuent d'injecter plus de 3 millions de doses par jour. L'objectif annoncé par le président américain est en train d'être atteint. Ainsi, 39% de la population a reçu au moins une dose, contre 18% dans l'Union européenne.
Le gouvernement de Joe Biden a annoncé dernièrement qu'il consacrerait plus d'un milliard et demi de dollars de son plan de relance au combat contre les variants du virus. Pendant ce temps, l'Europe ne reçoit pas les doses commandées et se fait tancer par l'OMS pour la lenteur de ses campagnes de vaccination.
Comment expliquer ces différences entre le Nouveau et le Vieux continent ? Est-ce une question de stratégie, d'approche, de culture ?
Accès aux vaccins
Opacité des accords
Combien de vaccins contre le Covid-19 sont actuellement disponibles dans le monde, pour quels pays et à quel prix ? Cette question apparemment simple n'a pas de réponse facile et le secret des accords entre gouvernements et industries pharmaceutiques est bien gardé.
Une base de données qui recense toutes les informations publiques disponibles a récemment été créée par le Centre de santé globale de l'institut universitaire des hautes études internationales et de développement (IHEID) à Genève.
Les sources utilisées proviennent des publications des gouvernements, des communiqués de l'industrie pharmaceutique, et l'impression générale qu'elles donnent est celle d'un manque de transparence sur cette question cruciale de l'accès aux vaccins.
"Souvent, on ne connait pas le nombre de doses garanties, explique Anna Bezruki, qui a dirigé l'équipe de recherche. Dans environ 80% des cas, on ne sait pas non plus le montant global que les pays ont dû débourser pour réserver et obtenir ces vaccins. Et on a encore moins d’informations sur les termes des contrats qui ont été signés, par exemple sur les délais de livraison, les questions de responsabilité sen cas de défaut d’un vaccin, les possibilités de les revendre, de les exporter…on sait très peu de choses."
Disparité des accès entre pays riches et pauvres
On sait en revanche avec certitude qu'il y a des disparités importantes entre les régions et pays. L'Union européenne à elle seule a pré-réservé à six fabricants 2,3 milliards de doses.
"Les pays à revenu élevé se sont assurés globalement près de 4 doses par personnes, c’est à dire bien plus que nécessaire, explique la chercheuse. Les pays à revenu moyen-haut se sont assurés, via des accords bilatéraux, une dose pour deux personnes, et les pays à revenu moyen-bas, une dose pour 10 personnes."
Quant aux pays à faible revenu, ils n'ont obtenu via des accords bilatéraux que 3 doses pour 100 habitants, selon les chiffres du Global Health center.
Il y a bien sûr le programme Covax qui vise à vacciner 20% de la population des pays qui en font partie d'ici la fin de l'année , ainsi que des accords conclus entre les pharmas et l'Union africaine qui permettrait de fournir au moins une dose à 40% de la population du continent. Encore faut-il que ces contrats soient finalisés et honorés.
Opacité sur le prix des vaccins
En décembre, la secrétaire d'Etat belge au budget avait publié sur Twitter un tableau détaillant les prix exacts, par dose et par fabricant, négociés par l'Union européenne. Un tableau qu'elle avait vite retiré.
Ainsi, les entreprises pharmaceutiques invoquent la confidentialité des contrats signés avec les Etats. Vu la pression croissante, quelques-uns ont été rendus publics, dans des versions très expurgées. Certaines compagnies disent vendre au prix coûtant, ce qui n'est pas le cas de Moderna ou Pfizer. Mais il n'y a pratiquement aucune donnée sur les prix, et quand il y en a, elles sont incomplètes, explique Anna Bezruki.
"Par exemple on voit que l’Ouganda paye 7 dollars la dose pour le vaccin Astra Zeneca, alors que l’Afrique du Sud l’a acheté à un peu plus de 5 dollars la dose, et l’Union européenne à 3,5 dollars. Vu le manque de transparence totale des contrats, ce sont des prix estimés, et nous n’avons aucun élément d’explication sur ces différences de prix."
Lenteur dans les livraisons
Les régions et pays sont au coude à coude pour obtenir des doses. Ce "nationalisme vaccinal" est exacerbé par le fait que la production a du mal à suivre, comme cela a été le cas en Italie avec AstraZeneca.
"Il y a des lenteurs dans la production, peut-être parce que les pharmas ont fait des promesses qu'elles ne pouvaient pas tenir. Voilà pourquoi l'Inde et l'Afrique du Sud sont montées au créneau à l'OMC pour réclamer une suspension temporaire des brevets non seulement sur les vaccins, mais aussi sur les tests diagnostiques et les traitements pendant la durée de la pandémie. Cela permettrait à d'autres fabricants de prendre le relai, sans devoir négocier une licence."
La diplomatie du vaccin
Pour Anna Bezruki, la diplomatie du vaccin bat déjà son plein. "Israel, qui a vacciné sa population, a commencé à donner ses surplus à des pays auxquels il est lié par des intérêts géopolitiques. La Chine aussi distribue ses vaccins à des pays avec lesquels elle veut maintenir des alliances stratégiques. .Je pense que c’est un aspect de la diplomatie qui va devenir extrêmement important, en tout cas aussi longtemps que les vaccins resteront une denrée rare."