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En pleine crise du Covid, les suicides repartent à la hausse au Japon

Les autorités japonaises ont annoncé ce jeudi avoir enregistré 220 nouvelles contaminations au Covid-19 à Tokyo, un record. [AP Photo/Keystone - Eugene Hoshiko]
Le coronavirus inverse la tendance du suicide au Japon / Tout un monde / 4 min. / le 19 novembre 2020
Depuis le mois de juillet, le nombre de suicides est reparti à la hausse au Japon. L'impact psychologique du Covid-19 se fait lourdement sentir dans le pays asiatique, alors que ces actes désespérés étaient pourtant en baisse depuis une décennie.

"Toutes les lignes téléphoniques sont occupées, veuillez réessayer plus tard." C’est souvent à cet instant que s'arrête la tentative d’appel au secours de Japonais suicidaires. Pourtant, à l’autre bout du fil, des bénévoles font le maximum jour et nuit pour écouter cette détresse. Ils ne sont pas assez nombreux, surtout en ces temps de Covid-19.

Akiko Mura gère un de ces guichets associatifs pour tenter de dissuader celles et ceux qui disent vouloir mourir. Ces derniers mois, le constat est clair: davantage d’individus appellent parce qu'ils ou elles n'ont plus personne d’autre à qui parler.

"Il y a de plus en plus de personnes qui ont perdu leur seul lieu de communication et qui ne peuvent plus discuter. Les bénévoles comme nous sont des interlocuteurs faciles. L'aspect médical est une affaire de professionnels, mais notre rôle d’apaisement et d'écoute face à la dépression est aussi nécessaire", explique Akiko Mura jeudi dans l'émission Tout un Monde.

Des mères de famille vulnérables

Ecoles fermées pendant plusieurs mois ou télétravail, la crise du Covid-19 a eu un impact particulier sur les mères de famille, d’autant plus vulnérables qu'elles ont été les premières à perdre leur emploi, souvent à temps partiel.

"Les femmes ont soudainement vu leur charge mentale augmenter avec toute la famille à la maison en permanence. Si par malchance les relations ne sont pas très bonnes, cela engendre des violences conjugales, des tensions avec les enfants, une absence de temps pour soi et de la fatigue. Et pour les mères célibataires s'ajoutent encore les difficultés économiques", relève Akiko Mura.

Hausse "extrêmement brutale"

Le constat est dramatique. Le nombre de suicides chez les femmes a augmenté de 40% en août comparé au même mois de 2019 et encore de 27,5% en septembre, beaucoup plus que du côté des hommes. La hausse est même de 75% pour les femmes de moins de 30 ans.

"C'est très particulier cette fois. D’habitude, on constate de fortes variations mensuelles en fonction de la conjoncture économique dans les suicides des hommes, mais pour les femmes c’est inédit. Comparé aux données antérieures, c’est une hausse extrêmement brutale", affirme Michiko Ueda, sociologue de l’Université Waseda.

Une aide attendue

"Les femmes notamment et les enfants sont restés plusieurs mois à la maison et cette vague de suicides se produit avec le retour progressif à une vie plus normale. On voit ça aussi au moment des catastrophes naturelles, il y a moins de suicides pendant la phase aiguë parce qu’on n'a pas le temps d’y penser et davantage après quand on a le temps de penser à ses propres problèmes", ajoute la spécialiste.

Les organismes qui luttent contre le suicide sont eux aussi affectés par la crise du Covid-19 et mobiliser des dons risque d’être plus difficile. D’où la nécessité d’une aide plus forte des pouvoirs publics, qui doivent trouver un juste équilibre entre les mesures sanitaires et le soutien autant économique que psychologique des plus fragiles.

Karyn Nishimura/gma

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