Il s'agit de la première des trois rétrocessions à l'Azerbaïdjan de territoires que contrôlaient les forces arméniennes depuis près de 30 ans, à l'issue d'une première guerre qui avait fait à l'époque 30'000 morts et des centaines de milliers de déplacés, dont notamment la population azerbaïdjanaise d'Aghdam.
"Félicitations à tous les citoyens d'Aghdam. Vous n'êtes plus des réfugiés, vous retournerez sur vos terres ancestrales", a déclaré à la télévision le président azerbaïdjanais Ilham Aliev après l'entrée de son armée dans le district. "Nous avons libéré la région du fascisme arménien", a-t-il encore proclamé, reprenant la rhétorique inflammatoire dont il a l'habitude. A Bakou, la rétrocession a été accueillie par des scènes d'allégresse, de nombreux habitants brandissant dans les rues le drapeau azerbaïdjanais.
Milliers de morts
Cet accord du 9 novembre, négocié par Vladimir Poutine, consacre la défaite arménienne après six semaines de combats qui ont fait des milliers de morts mais permet la survie de la république autoproclamée du Haut-Karabakh, même si elle perd de nombreux territoires. Outre des gains au Haut-Karabakh même, notamment sa deuxième ville Choucha, Bakou reprend les sept districts azerbaïdjanais qui constituaient le glacis sécuritaire formé par les séparatistes autour de leur enclave.
Quatre l'ont été par les armes, et trois ont été ou seront rétrocédés: Aghdam vendredi, Kalbajar le 25 novembre et Latchin le 1er décembre. Quelque 2000 soldats de la paix russes sont par ailleurs en cours de déploiement pour s'assurer du respect du cessez-le-feu.
Maisons incendiées
Dans les heures précédant la rétrocession, des maisons continuaient d'être incendiées par leurs habitants qui préféraient les savoir réduites en cendre qu'habitées par des Azerbaïdjanais, a constaté l'AFP. Entassant leurs affaires dans leurs véhicules, les derniers habitants ont quitté les lieux moins d'une heure avant l'arrivée de l'armée azerbaïdjanaise. Dans le village de Nor Maragha appartenant au district, on a vu ces deux derniers jours les habitants abattre leur bétail, récolter leurs fruits et déménager leurs domiciles, avec le sentiment amer de devoir laisser à l'ennemi honni fermes et vergers.
A la fin de la guerre des années 1990, c'était l'exode inverse qui s'était produit, la totalité de la population azerbaïdjanaise fuyant ces régions. L'Arménie avait ensuite encouragé leur repopulation par des Arméniens.
afp/jpr
Contestation en Arménie
En Arménie, l'accord de fin des hostilités continue d'agiter une frange de l'opposition qui accuse le Premier ministre Nikol Pachinian d'être un "traître" et réclame sa démission. Celui-ci exclut tout départ mais a remplacé vendredi deux ministres, dont celui de la Défense, quelques jours après le limogeage du chef de la diplomatie.
Vendredi, quelques dizaines de manifestants ont bloqué des rues dans le centre-ville d'Erevan et de Gyumri aux cris de "Nikol va-t-en!" avant d'être dispersés par la police, qui a déclaré avoir arrêté 25 personnes.
Le président azerbaïdjanais s'est lui affiché cette semaine, triomphateur et aux côtés de son épouse, dans certains lieux emblématiques de territoires reconquis.
La fin des hostilités a été largement saluée par la communauté internationale. La France a néanmoins appelé Moscou à lever certaines "ambiguïtés" du texte, particulièrement sur le rôle de la Turquie, grand soutien de l'Azerbaïdjan et ennemi juré de l'Arménie. Et l'accord ne mentionne aucune reprise des négociations sur le statut de la région séparatiste, question qui empoisonne les relations dans le Caucase du Sud depuis des décennies.