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Shoah: le projet de Sarkozy fait débat

La proposition de Sarkozy sur la Shoah a largement déplu
La proposition de Sarkozy sur la Shoah a largement déplu
Nicolas Sarkozy aurait abandonné son projet de confier à des écoliers la mémoire d'un enfant mort dans la Shoah, ont affirmé mercredi des participants à une réunion sur le sujet. Cette idée avait soulevé une volée de critiques en France.

Le 13 février, Nicolas Sarkozy avait surpris en proposant devant
des représentants de la communauté juive de France que chaque élève
de la dernière classe de l'école primaire (soit à l'âge de 10 ans
environ) se voit confier dès la rentrée 2008 la mémoire d'un enfant
mort pendant la Shoah. Cette idée a laissé la place à d'autres
pistes de réflexion, ont déclaré plusieurs participants, dont
l'ex-ministre et ancienne déportée Simone Veil et l'historien et
cinéaste Claude Lanzmann, auteur du film "Shoah".

Le ministre de l'éducation Xavier Darcos a toutefois nuancé ces
propos mercredi soir sur la radio RTL. Selon lui, l'idée est
maintenue, mais cela se fera "dans le contexte d'une classe et non
pas d'un élève séparé qui devrait porter seul la mémoire d'un
enfant particulier".

Simone Veil opposée

L'initiative avait suscité un tollé, déclenchant les critiques
de l'opposition, des syndicats d'enseignants, de psychiatres, mais
aussi d'anciens déportés comme Simone Veil, 80 ans, ex-présidente
du Parlement européen et présidente d'honneur de la Fondation pour
la mémoire de la Shoah (voir ci-contre).



Plusieurs sondages avaient aussi montré qu'une écrasante majorité
de Français étaient hostiles à ce projet et une pétition avait été
lancée. Devant ces protestations, l'entourage de Nicolas Sarkozy
avait évoqué peu après la possibilité "d'aménager" le projet. A
l'issue de la réunion qui s'est tenue mercredi, le ministre de
l'Education Xavier Darcos a souligné que le chef de l'Etat avait
"donné une direction juste" et tous les participants ont convenu
"unanimement" de l'importance de mieux enseigner cette période
sombre de l'Histoire.

Démarche globale

Le parrainage d'une victime par un élève ou par une classe était
"enterré avant même qu'on se réunisse, ce n'était pas praticable
car il y a 11'500 enfants juifs de France et 600'000 élèves en
CM2", a argumenté Claude Lanzmann.



De son côté, Simone Veil a plaidé pour "autoriser, inciter à faire
des travaux qui permettent aux enfants de se grouper dans une
classe non pas vers un enfant en particulier mais vers telle
situation dans telle ville".

Propositions attendues

Hélène Waysbord-Loing, la présidente de l'Association de la
maison des enfants d'Izieu (village dans lequel 44 enfants juifs
ont été raflés pendant la guerre), qui s'est vu confier une mission
pour "faciliter la compréhension de la période de l'occupation et
de l'extermination", va faire des propositions d'ici deux mois.
Pour elle, "il ne faut pas faire de la commémoration, du rituel,
parce que l'école n'est pas le lieu de cela".



"L'important, c'est l'initiative du président parce que, sans
cela, il n'y aurait pas eu d'adaptation pédagogique", a affirmé
Serge Klarsfeld, président de l'association des fils et filles de
déportés juifs de France. "Dans quelques années, la France sera le
seul pays au monde où on se souviendra des enfants juifs déportés",
a-t-il pronostiqué.



afp/boi

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Scepticisme général

Simone Veil: la proposition de Nicolas Sarkozy est "inimaginable, insoutenable et injuste". "On ne peut pas infliger ça à des petits de dix ans". "On ne peut pas demander à un enfant de s'identifier à un enfant mort. Cette mémoire est beaucoup trop lourde à porter".

Dominique de Villepin: "Je trouve que c'est une idée étrange. Je ne crois pas que l'on puisse imposer la mémoire, que l'on puisse la décréter ou légiférer dans ce domaine."

Ségolène Royal: "Une question aussi grave ne doit pas faire l'objet d'une annonce improvisée. Cette façon de faire traduit un manque de respect et une étonnante légèreté de la part du chef de l'Etat."

François Bayrou: "On a l'impression que ces conséquences n'ont pas été envisagées, comme elles auraient dû l'être."

Arlette Laguiller: "Si Sarkozy montre un intérêt pour les enfants juifs victimes de la barbarie nazie c'est qu'il en escompte un bénéfice électoral, et pour moi c'est répugnant."

Jean-Marie Le Pen: "Il est affreux sur le plan moral, et criminel sur le plan psychologique, d'obliger les petits enfants des écoles à se confronter ainsi, de façon personnelle, à des drames historiques, ce qui revient à leur faire endosser ces drames."

Le philosophe Pascal Bruckner: "Les jeunes sont gavés de Shoah et cela n'a pas empêché la montée de l'antisémitisme."

Le philosophe Régis Debray: "L'idée est belle en soi", mais "déplacée car plus émotionnelle que pédagogique".