Le Kosovo est «un Etat indépendant, souverain et démocratique»,
a déclaré le président du parlement kosovar Jakup Krasniqi après
l'adoption de la proclamation d'indépendance par les 109 députés
présents. Onze membres de minorités ethniques, notamment serbes,
étaient absents.
Le premier ministre kosovar Hashim Thaçi s'est engagé à garantir
la sécurité des Serbes et des autres minorités. Le Kosovo sera «une
société respectant la dignité humaine», dans un «esprit de
réconciliation et de pardon», a-t-il assuré.
La proclamation a été accueillie par des hourras dans les rues de
Pristina, dans le bruit des klaxons et des pétards. Des dizaines de
milliers de Kosovars ont envahi les rues, brandissant des drapeaux
albanais - aigle noir bicéphale sur fond rouge.
Le nouveau drapeau du Kosovo indépendant, représentant en jaune le
tracé du territoire accompagné de six étoiles sur un fond bleu
foncé, n'a été dévoilé que plus tard au Parlement.
La Serbie et la Russie condamnent
Le premier ministre serbe Vojislav Kostunica a immédiatement
condamné «un Etat fantoche» promu illégalement par les Etats-Unis.
«Tant que le peuple serbe existera, le Kosovo sera serbe», a-t-il
affirmé.
Le président serbe Boris Tadic a de son côté affirmé que son pays
«ne reconnaîtra jamais l'indépendance du Kosovo», promettant de
recourir à «tous les moyens pacifiques, diplomatiques et légaux
pour annuler cet acte». Il a écrit au secrétaire général de l'ONU
Ban Ki-moon pour lui demander d'annuler cette proclamation.
La Russie a de son côté estimé que la proclamation kosovare crée
un risque d'escalade dans la violence ethnique et d'un nouveau
conflit dans les Balkans. A la demande de Moscou, qui invoque la
charte des Nations unies - garantissant l'intégrité territoriale
des Etats - le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni dimanche
pour des consultations à huis clos.
Appels au calme
A Washington, les Etats-Unis ont
pris acte de la proclamation du parlement kosovar. Sans aller
jusqu'à reconnaître l'indépendance de la province, ils ont fait
savoir qu'ils «examinent la question et en discutent avec leurs
partenaires européens».
Washington, l'Italie, l'Allemagne et l'Union européenne ont appelé
toutes les parties à «la plus grande retenue» et à la «modération».
Londres a qualifié la proclamation kosovare d'»important
développement», alors que le chef de la diplomatie française
Bernard Kouchner a souhaité «bonne chance au Kosovo».
La Suisse a pour sa part a exhorté la province à protéger ses
minorités et lui a promis son « soutien total » pour bâtir des institutions
respectueuses des droits de l'homme.
L'indépendance du Kosovo, sous supervision internationale, devrait
être reconnue rapidement par Washington et plusieurs grands pays de
l'UE. Mais les Vingt-Sept sont divisés: craignant que cela
n'encourage les séparatismes, six pays (Chypre, Grèce, Espagne,
Bulgarie, Roumanie, Slovaquie) devraient s'abstenir.
Malgré tout, l'UE a décidé approuvé samedi l'envoi de quelque 2000
policiers et juristes pour prendre le relai de la mission de l'ONU
au Kosovo. L'OTAN a pour sa part assuré que sa force de paix au
Kosovo (KFOR) «continuerait à assumer ses responsabilités» dans la
province.
agences/ant/kot
Risque de violences
Les tensions sont grandes. La minorité serbe du Kosovo a promis de ne jamais renoncer à cette terre. Parmi les scénarios désormais possibles figure une sécession du Nord, où vivent la majorité des 120'000 Serbes de la province.
Ceux-ci ont d'ailleurs annoncé vendredi qu'ils organiseraient les élections municipales prévues en mai en Serbie et formeraient leur propre «Parlement du Kosovo».
Dimanche soir, des bâtiments de l'UE et de l'ONU ont d'ailleurs été la cible de jets de grenades dans la partie serbe de Mitrovica, la principale ville du nord du Kosovo. Selon une source occidentale sur place, l'UE a fait évacuer le bâtiment visé, où les dégâts ne sont pas importants.
La marche vers l'indépendance
Au fil de son histoire, le Kosovo a été un territoire dont le contrôle a été tour à tour revendiqué par les Serbes et les Albanais. Chronologie de l'histoire récente de cette province.
21 février 1974: la Constitution yougoslave fait du Kosovo une province autonome serbe.
Juin 1989: lors d'une visite au Kosovo, Slobodan Milosevic se pose en défenseur des Serbes de la province. Il fait réviser la Constitution serbe, réduisant considérablement l'autonomie du Kosovo.
24 mars 1999: début des frappes aériennes de l'OTAN. L'exode des Albanophones commence. L'OTAN continue ses attaques, prenant l'armée yougoslave pour cible.
28 mai 1999: Milosevic est inculpé de crimes de guerre et crimes contre l'humanité par le Tribunal pénal interna- tional de La Haye. Il mourra en 2006.
10 juin: la province sera administrée par l'ONU. Décision après deux mois et demi de bombardements de l'OTAN.
30 août 2007: une troïka formée de dé légués des USA, d'UE et de Russie entame des "négociations de la dernière chance". Echec des discussions le 7.12.
9 janvier 2008: élu 1er ministre du Kosovo, H.Thaçi annonce que la province proclamera son indépendance sous peu.
17 février: le Parlement kosovar proclame son indépendance.