Une trentaine de personnes, dont 15 policiers, ont été blessées
dans ces violences, selon l'agence indépendante Beta citant des
sources hospitalières.
Auparavant, plus de 150'000 personnes, selon la police serbe,
s'étaient rassemblées dans l'après-midi dans le centre de Belgrade,
aux abords du Parlement de Serbie, pour protester contre
l'indépendance du Kosovo, considéré par les Serbes comme le berceau
de leur histoire. Ils ont écouté plusieurs orateurs, en particulier
le Premier ministre nationaliste Vojislav Kostunica, réaffirmer que
la Serbie n'accepterait jamais l'indépendance du Kosovo.
Dans la soirée, des incidents ont éclaté lorsqu'un groupe de
manifestants, des hooligans pour la plupart, ont réussi à pénétrer
à l'intérieur de l'ambassade des Etats-Unis, inoccupée. Un incendie
a éclaté, rapidement maîtrisé par les pompiers. Au moins dix
véhicules blindés de la police sont arrivés sur place pour
disperser les manifestants, dont une dizaine a été
appréhendée.
De violentes manifestations avaient déjà eu lieu devant
l'ambassade américaine contre laquelle des pierres et des torches
avaient été jetées après la proclamation unilatérale de
l'indépendance du Kosovo, dimanche dernier. Les Etats-Unis ont été
le premier pays à reconnaître le nouvel Etat et les dirigeants
serbes considèrent Washington comme le principal instigateur de
l'indépendance.
En soirée, Washington a vivement protesté contre ces violences et
le conseil de sécurité de l'ONU les a vivement condamnés.
Serbes attachés au Kosovo
Les manifestants agitaient des drapeaux serbes et scandaient "Le
Kosovo est le coeur de la Serbie". "Enlever le Kosovo à la Serbie,
c'est comme si l'on vous coupait la jambe, un bras ou que l'on vous
enlevait un enfant", déclarait Vesna Vujacic, une enseignante de 54
ans.
Les protestataires brandissaient aussi des drapeaux de l'Espagne
et de la Roumanie, deux membres de l'UE qui n'ont pas reconnu le
nouvel Etat kosovar. D'autres arboraient des drapeaux de la Russie,
qui soutient la Serbie face à l'indépendance du Kosovo.
Incidents vers les ambassades
Le grand absent du meeting était le président Boris Tadic, en
visite en Roumanie. Tomislav Nikolic, chef du Parti radical serbe
(SRS), la formation la plus représentée au Parlement, devait
également intervenir, de même que le metteur en scène Emir
Kusturica. Le numéro 3 mondial de tennis, Novak Djokovic, devait
s'adresser à la foule par téléphone.
Les manifestants se sont ensuite rendus à la cathédrale Saint Sava
pour une "prière pour le Kosovo". Des incidents ont eu lieu dans le
centre de la ville, notamment sur l'une des places principales de
la capitale, où des manifestants ont incendié un restaurant
McDonald's. Des violences ont aussi eu lieu près des ambassades de
Croatie, d'Allemagne, du Canada et de Grande-Bretagne.
Expression du peuple serbe
La province serbe peuplée en majorité d'Albanais a proclamé
dimanche son indépendance, reconnue désormais par 17 pays mais qui
continue de diviser profondément la communauté internationale, un
certain nombre de pays craignant qu'elle n'encourage les
séparatismes à travers le monde.
La manifestation de jeudi devait être l'expression du rejet de
l'indépendance du Kosovo par l'ensemble du peuple serbe, et pas
seulement en Serbie. A Banja Luka, capitale de l'entité serbe de
Bosnie-Herzégovine, environ 2000 personnes ont protesté.
Le Premier ministre serbe V.Kostunica a indiqué que la
manifestation à Belgrade serait la première d'une série de
plusieurs autres. Aux yeux des observateurs, il serait toutefois
erroné de voir dans l'expression de cette colère un retour au
nationalisme ardent qui a alimenté les conflits des années 1990. Si
de nombreux Serbes restent très attachés au Kosovo, 70% d'entre eux
voient leur avenir aux couleurs européennes. Réunis en Slovénie,
les ministres européens de la Défense ont estimé que les soldats de
l'OTAN et de l'UE au Kosovo étaient en mesure d'assurer le calme
dans la région.
ats/ap/hoj/bri
Feu vert de la commission des Etats
Par 7 voix contre 4, la commission de politique extérieure du Conseil des Etats a décidé jeudi de recommander au Conseil fédéral de reconnaître le Kosovo «au moment qu'il estimera opportun».
La majorité de la commission est d'avis que cette mesure contribuera à renforcer la stabilité dans la région des Balkans et permet également de prendre en compte des intérêts de politique migratoire et de sécurité.
Le rythme de la reconnaissance est le plus problématique. La minorité n'y est pas opposée en principe, mais juge que le gouvernement devrait attendre avant de se prononcer. Il devrait notamment pouvoir constater que l'Etat kosovar est véritablement viable et que les droits des minorités sont protégés.
Reconnaissance du Luxembourg et de la Slovénie
Le gouvernement de la Slovénie, pays qui assure actuellement la présidence tournante de l'Union européenne (UE), a reconnu jeudi l'indépendance du Kosovo. Le Luxembourg avait fait de même un peu plus tôt. Le Venezuela a annoncé pour sa part ne pas accepter la décision du Kosovo.
"Si nous sommes d'accord pour dire que le statu quo ne peut plus perdurer et que l'UE a une responsabilité particulière dans les Balkans, alors nous devons agir en conséquence", a déclaré le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères Jean Aselborn. "Le gouvernement doit tirer les conclusions de la position qui a été la sienne durant les dernières années et reconnaître le Kosovo", a-t-il ajouté.
Dix-sept pays ont jusqu'à présent reconnu le nouvel Etat, dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne. Mais l'indépendance proclamée par la province serbe a été rejetée par le gouvernement nationaliste serbe, et la minorité serbe vivant dans le nord du Kosovo.