Des coeurs brisés flottaient mercredi aux alentours de la gare de Bourg-Saint-Maurice, en Savoie, où quelque 600 professionnels de la montagne ont réclamé le droit de travailler dès Noël. A quelques kilomètres de là, une manifestation similaire réunissait 1200 personnes à Bourg-d'Oisans, en Isère, signe que la colère gronde aux pieds des stations de ski françaises. En cause? La décision du gouvernement de garder fermées les remontées mécaniques pendant les Fêtes de fin d'année.
Les autorités ont eu beau autoriser les autres activités hivernales, promettre des aides spéciales et rappeler le nombre élevé de cas de coronavirus dans ces régions alpines, où les hôpitaux sous pression auraient du mal à prendre en charge des accidents de ski, nombreux en période de vacances, rien y fait.
Regards tournés vers la Suisse
Dans ces départements où le tourisme pèse lourd dans l'économie locale, les regards sont tournés vers la Suisse où les autorités laisseront tourner les installations à Noël. Et ce qui passe pour une forme de concurrence déloyale, voire un manque de solidarité, à Paris ou Berlin, est salué par les représentants des stations de ski françaises. Nicolas Rubin, maire de la station haut-savoyarde de Châtel, au coeur du domaine franco-suisse des Portes du soleil, qui a orné son village de drapeau rouges à croix blanche en signe de protestation, parle même de "bon sens suisse".
Qu'à cela ne tienne: pour dissuader ceux et celles qui seraient tentés d'aller skier à l'étranger pendant les Fêtes, le gouvernement français envisage de mettre en place une période d'isolement de 7 jours au retour.
Des contrôles aléatoires seront menés aux frontières de l'Espagne et de la Suisse selon le bon vouloir des préfets, a énoncé mercredi le Premier ministre Jean Castex. Il s'agit, pour reprendre les termes exacts du chef du gouvernement français, d'"empêcher les Français d'aller se contaminer dans les stations" de ski des pays limitrophes.
Belgique et Allemagne aussi
A l'issue d'un entretien avec Emmanuel Macron mardi, le Premier ministre belge Alexander de Croo a tenu une ligne semblable à celle de la France, jugeant nécessaire "une solidarité entre pays" européens sur ce dossier et prévenant que des contrôles seraient faits aux frontières pour les Belges qui iraient en vacances à l'étranger.
L'Allemagne, qui assure jusqu'à la fin de l'année la présidence du Conseil européen, a quant à elle cherché à obtenir l'interdiction des séjours de ski jusqu'en janvier, sans parvenir à convaincre tous ses voisins européens. La Bavière, qui compte les principaux domaines skiables du pays, n'a quant à elle pas attendu le gouvernement fédéral pour décider de ne pas ouvrir ses domaines skiables pour la fin d'année.
Le problème, ce n'est évidemment pas de descendre une piste, mais tout ce qui va autour, dans les remontées, dans les soirées après le ski
Une quarantaine de dix jours étant imposée en Allemagne à toute personne revenant de Suisse, les touristes allemands devraient être peu nombreux sur les pistes helvétiques. Et la Bavière envisage des contrôles routiers renforcés aux frontières à Noël pour ceux qui auraient envie de skier sur les pentes voisines de l'Autriche (lire encadré). "Ce n'est pas très compliqué de reconnaître qui revient du ski", estime le gouvernement bavarois.
Décret imminent en Italie
Le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte a un temps évoqué l'idée d'une coordination avec la France et l'Allemagne en vue d'un "protocole européen commun" sur la saison de ski, sans parvenir à la faire aboutir. Un décret du gouvernement sur les règles anti-Covid pour les fêtes est attendu incessamment et, selon des informations de presse, il devrait entériner la fermeture des pistes de ski et des remontées mécaniques.
Le ministre italien de la Santé Roberto Speranza a estimé jeudi devant le Sénat qu'il fallait "éviter des déplacements potentiels dans les lieux touristiques liés au ski". L'introduction d'une quarantaine a été évoquée pour ceux et celles qui se rendraient à l'étranger pour skier.
Côté suisse, on se garde de commenter les décisions annoncées par la France et les autres pays européens concernant d'éventuelles quarantaines au retour de Suisse, se bornant à rappeler la souveraineté de la Confédération quant à son choix d'ouvrir les remontées mécaniques. Le secteur touristique se prépare à ouvrir dans le respect des conditions sanitaires, mais non sans inquiétudes. Le Conseil fédéral doit encore apporter des précisions vendredi.
jgal avec agences
L'Autriche propose un compromis
Le gouvernement va autoriser les Autrichiens à rechausser leurs skis "pendant les vacances" dès le 24 décembre. Toutefois, les hôtels, les bars et les restaurants ne vont rouvrir que le 7 janvier, ce qui va de facto limiter l'affluence de touristes étrangers sur les pistes. "Cela a aussi peu à voir avec l'Allemagne qu'avec les autres pays voisins", a assuré le chancelier Sebastian Kurz, interrogé sur le débat européen en cours pour savoir s'il avait influé sur sa décision.
Le dirigeant conservateur a par ailleurs annoncé un assouplissement progressif des restrictions drastiques, mises en place depuis mi-novembre, dans le but d'endiguer la forte hausse des infections. Les magasins, ainsi que les écoles et les collèges vont ainsi rouvrir la semaine prochaines et le couvre-feu, établi entre 20h et 6h, sera également levé, de même que l'interdiction des contacts en dehors du foyer familial.
Ouverture probable en Espagne et en Bulgarie
L'Espagne prévoit d'ouvrir ses stations de ski, mais les conditions restent à définir entre le gouvernement central et les régions, selon le ministre de la Santé Salvador Illa. "Nous prévoyons toujours de rouvrir le 11 décembre pour le moment. Il a commencé à neiger donc tout est prêt, mais nous n'avons aucune certitude", selon un porte-parole de la station Baqueira-Beret en Catalogne.
En Bulgarie, la station de Bansko, Mecque européenne du ski "low cost", prévoit également d'ouvrir alors que le pays affronte une flambée de l'épidémie et une saturation des services hospitaliers.