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Comment la Chine réécrit l'histoire des origines du coronavirus

Nouvelles révélations de CNN sur l'apparition du Covid-19 en Chine. [Chinatopix/AP/Keystone]
La Chine réécrit l’histoire du coronavirus / Tout un monde / 5 min. / le 3 décembre 2020
Un an après les premiers cas de SARS-CoV-2 à Wuhan, la Chine redouble d'efforts pour semer le doute sur le lieu où est apparu le virus qui a fait près d'1,5 million de morts à travers le monde.

"D'après les dernières preuves disponibles, le coronavirus ne vient pas de la ville de Wuhan". Cette information a été publiée fin novembre dans le très officiel Quotidien du peuple, un des principaux médias d'Etat chinois. Et de préciser que le virus aurait été détecté sur plusieurs cargaisons de produits surgelés en provenance de l'étranger.

S'il n'exclut pas que la Chine ait repéré des cellules virales, le virologue britannique Jonathan Stoye juge "très peu probable" une contamination via la chaîne du froid. "Il est facile d'obtenir des réactions positives lors des tests, mais cela ne signifie pas qu'on détecte un virus vivant, et il est certain que la principale voie de transmission reste celle d'homme à homme", indique le chercheur du Francis Crick Institute à Londres et membre de la Royal Society, dans l'émission Tout un monde de la RTS.

Des études préliminaires

Mais les médias et scientifiques chinois sont catégoriques et tentent de renforcer leurs propos en évoquant des potentiels cas d'infection hors de Chine avant décembre 2019, moment où les hôpitaux de Wuhan ont commencé à accueillir les premiers patients Covid. Pour cela, ils avancent plusieurs études préliminaires menées à l'international.

L'une d'elles, réalisée par une équipe de scientifiques espagnols, aurait détecté des marqueurs du Covid dans des eaux usées de Barcelone en mars 2019, soit neuf mois avant le début de l'épidémie à Wuhan. Une autre étude régulièrement citée vient d'Italie où des chercheurs auraient décelé des traces du virus dans des échantillons sanguins datant du mois de septembre 2019. Or ces travaux reposent tous deux sur des sets de données insuffisants pour justifier la remise en question de l'hypothèse selon laquelle le virus est d'abord apparu en Chine, met en garde Jonathan Stoye.

A l'heure actuelle, la version à privilégier est que le virus est d’abord apparu à Wuhan ou dans ses environs, aux alentours de la fin de l’année dernière

Jonathan Stoye, virologue au Francis Crick Institute

C'est bien à Wuhan qu'est apparu le premier foyer d'une "pneumonie virale" en décembre 2019. Malgré un signalement à l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les autorités locales ont minimisé la situation pendant de nombreuses semaines, n'hésitant pas à faire taire de nombreux médecins lanceurs d'alerte. Les dissimulations et la gestion chaotique initiale de la crise ont favorisé la propagation de l'épidémie.

De ville martyre à cité vitrine

Pékin a pris les choses en mains dès le 7 janvier. Ce jour-là, Xi Jinping en personne présidait une réunion d'urgence. Le gouvernement central a cependant tardé à agir concrètement.

Face à une situation devenue hors de contrôle, il a décidé, le 20 janvier, de mettre en quarantaine la métropole de Wuhan et une autre ville des environs, soit onze millions de personnes, pour lutter contre l'extension du nouveau coronavirus qui commence alors à se répandre dans le reste du monde. Le blocus, radical, a duré 76 jours, mais au terme de cette période très stricte, la vie a repris son cours dans cette cité martyre du centre de la Chine où la colère contre les autorités semble avoir cédé le pas à la satisfaction d'une majorité de la population.

Le Parti communiste serait même ressorti renforcé de la crise sanitaire dans cette région dont Pékin se sert désormais pour promouvoir sa gestion efficace de la crise.

>> Le sujet du 19h30 sur la vie à Wuhan, un an après le début de la pandémie :

La mégapole chinoise de Wuhan, berceau de la pandémie, retrouve sa vie d'avant le Covid-19
La mégapole chinoise de Wuhan, berceau de la pandémie, retrouve sa vie d'avant le Covid-19 / 19h30 / 1 min. / le 3 décembre 2020

>> Lire : La ville de Wuhan, berceau de la pandémie, a repris une vie normale

Convaincre à l'étranger

"L'opération de propagande initiale était motivée par des enjeux domestiques. Il y avait à l'époque une certaine grogne à l'intérieur du pays et puis des voix se sont élevées pour exiger des réparations à la Chine. Les critiques ont émergé aux Etats-Unis, en Europe, en Inde et en Afrique. Ca a donné lieu à un effort concerté visant promouvoir la théorie voulant que des individus à l'étranger avaient déjà développé des anticorps au Covid avant que l'épidémie n'émerge en Chine", détaille Yang Dali, spécialiste de politique chinoise à l'Université de Chicago, interrogé par Tout un monde.

Clairement, la Chine tente d'influencer l'opinion publique mondiale

Yang Dali, spécialiste de la Chine à l'Université de Chicago

Dans cette stratégie, Pékin peut compter sur la réceptivité des nombreux individus à l'égard des théories du complot, une réceptivité encore accrue en période de crise. Malgré ce contexte favorable aux fausses informations, la Chine joue cependant un jeu dangereux.

Outre sa rhétorique douteuse, elle continue à refuser la venue sur son territoire d'une équipe de l'OMS chargée d'enquêter sur les origines du Covid. De quoi agacer une frange de la communauté internationale plus circonspecte face à ses assertions, que ce soit le grand public ou la classe politique, alors que le SRAS-CoV-2 continue à faire des ravages aux quatre coins de la planète.

>> Les précisions de Michaël Peuker, correspondant RTS en Chine, dans le 19h30 :

Michael Peuker: "Le parti communiste aime afficher sa grande réussite dans la gestion de la crise et refuse toute critique".
Michael Peuker: "Le parti communiste aime afficher sa grande réussite dans la gestion de la crise et refuse toute critique". / 19h30 / 1 min. / le 3 décembre 2020

Un sujet de Michaël Peuker (en Chine)

Adaptation web: jgal

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