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Valéry Giscard d'Estaing et l'affaire des diamants de Bokassa

Jean-Bedel Bokassa et Valéry Giscard d'Estaing en 1970 à Bangui, en République centrafricaine. [AP/Keystone]
Jean-Bedel Bokassa et Valéry Giscard d'Estaing en 1970 à Bangui, en République centrafricaine. - [AP/Keystone]
Après le décès de Valéry Giscard d'Estaing, c'est une pluie d'hommages à un président généralement apprécié qui a déferlé. Mais les médias ne manquent pas de relever aussi une grosse zone d'ombre, qui lui a peut-être coûté une réélection, l'affaire des diamants de Bokassa. Mais de quoi s'agit-il?

Elu en 1974 à la présidence française après un débat réussi face à François Mitterrand, Valéry Giscard d'Estaing a vécu un première partie de mandat sans trop de heurts, malgré la démission de son Premier ministre Jacques Chirac en 1976, et il a voulu inscrire son septennat dans la modernité.

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Mais le chef de l'Etat s'est subitement retrouvé, en 1979, au centre d'une affaire embarrassante, celle des diamants de Bokassa. Et deux ans avant la présidentielle de 1981, ce couac de fin de mandat lui a coûté cher lors du scrutin qu'il l'a vu s'incliner face au même François Mitterrand.

Un million de francs

Le 10 octobre 1979, l'hebdomadaire français Le Canard enchaîné révèle que Valéry Giscard d'Estaing a reçu en 1973, alors qu'il était ministre des Finances, une plaquette de trente carats de diamants offerte par le président centrafricain Jean Bedel Bokassa

La semaine suivante, Le Canard affirme que la valeur de la plaquette est d'un million de francs et précise que d'autres diamants lui ont été offerts à l'occasion des ses déplacements à Bangui entre 1970 et 1975. Le 27 novembre, le président Giscard d'Estaing oppose un "démenti catégorique et méprisant" aux allégations concernant la valeur des cadeaux qu'il aurait reçus. "Il faut, dit-il, laisser les choses basses mourir de leur propre poison".

L'hebdomadaire satirique relance l'affaire un an plus tard, le 16 septembre 1980, en publiant un entretien téléphonique avec l'ancien "empereur" centrafricain Jean Bedel Bokassa, déposé de son trône le 20 septembre 1979. Il affirme "avoir remis à quatre reprises des diamants au couple présidentiel". "Vous ne pouvez pas imaginer ce que j'ai remis à cette famille-là", ajoute Bokassa.

De petites ou de grandes pierres?

Le 10 mars 1981, VGE déclare à la télévision qu'il "n'y a aucun mystère dans l'affaire des diamants" et que "le produit de ces cadeaux a été versé à des oeuvres humanitaires centrafricaines". Il précise que les diamants ont été vendus "au profit de la Croix rouge centrafricaine, d'une maternité, d'une pouponnière et d'une mission".

Selon l'hebdomadaire Le Point du 22 mars 1981, qui a consulté la comptabilité des cadeaux officiels à l'Élysée, les diamants ont été vendus pour une somme de 114'977 francs remise à des oeuvres de bienfaisance centrafricaines.

Dans une interview au Washington Post du 8 mai 1981, l'empereur déchu réaffirme avoir offert des diamants à VGE, en présence de témoins, à quatre occasions en huit ans. Contrairement aux indications du président français, pour qui les diamants reçus n'étaient que de petites pierres, Bokassa affirme lui avoir offert des diamants de 10 à 20 carats. Il soutient également avoir offert à la famille Giscard d'Estaing, dont deux cousins, plus de diamants qu'à n'importe qui d'autre.

>> Interview de Jean-Bedel Bokassa en 1980 :

Le président centrafricain Jean-Bedel Bokassa en 1976. [afp]afp
Interview de Jean-Bedel Bokassa, Empereur déchu de Centrafrique : A propos de l'Affaire des diamants / Journal du soir / 4 min. / le 21 septembre 1980

Une opération de discrédit

Pour beaucoup, cette affaire a été dévoilée dans le but de discréditer le président de la République avant la présidentielle, certains ajoutant que le traitement médiatique s'est avéré très partisan, dévoilant une certaine hostilité des journalistes envers Valéry Giscard d'Estaing et leur proximité avec l'opposition.

Le mépris affiché par VGE face à ces révélations a également accrédité auprès d'une grande partie du public l'accusation portée par le Canard enchaîné. Et au final, François Mitterrand doit peut-être beaucoup à Bokassa et ses interviews accusatrices juste avant le scrutin.

Après cette retentissante affaire, les présidents François Mitterrand et Jacques Chirac ont rassemblé tous les cadeaux protocolaires qu'ils ont reçus durant leur mandat dans des musées dédiés. Pour éviter tout nouveau couac, ces cadeaux sont répertoriés et accessibles au grand public sous formes d'expositions.

boi avec afp

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