Le 12 décembre 2015, 195 pays et l'Union européenne tombaient d'accord sur un texte au bout de 15 jours d'intenses négociations. Un accord de protection du climat qualifié d'historique depuis le protocole de Kyoto en 1995 qui visait lui à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
L’accord adopté à Paris prévoit de tout faire pour limiter le réchauffement climatique en dessous des 2 degrés d'ici la fin du siècle. L'objectif est même plus ambitieux que cela: il faut viser 1,5 degré.
Cinq ans après, où en est-on de son application? "Toutes les parties sont désormais tenues pour responsables devant l’objectif de 1,5 degré. Même celles qui, sous le protocole de Kyoto, n'étaient pas soumises à des engagements de réductions des émissions des gaz à effet de serre", analyse Géraldine Pflieger, professeur à l'Institut des Sciences de l'environnement de l'Université de Genève, lundi dans La Matinale.
"Il y a maintenant dix-neuf pays qui ont déjà remis des contributions affichant un objectif de zéro émission en 2050. Il y a également des convergences claires autour de mesures d’adaptation et de la finance climatique", ajoute la spécialiste.
La Suisse a ratifié l’Accord le 6 octobre 2017, s'engageant à réduire de moitié, d’ici 2030, les émissions par rapport à 1990.
La promesse de Biden
Mais le départ des Etats-Unis a été un énorme coup dur. Le 1er juin 2017, Donald Trump annonce le retrait de l’Accord de Paris, au nom de la défense des emplois américains. "J’ai été élu pour représenter les habitants de Pittsburgh, pas de Paris", avait-il alors fait savoir.
Outré, l’homme qui présidait aux accords, le Français Laurent Fabius, répond via un tweet accusateur:
"Si on veut s’en sortir, il faut tout simplement appliquer l’accord de Paris. Mais au moment de l’appliquer, c’est plus compliqué. On est en train de le vivre", affirme aujourd’hui Laurent Fabius, qui présidait la COP 21 au Bourget.
Le vent a quelque peu tourné dans les intentions des gouvernements. "Le président Trump a eu une responsabilité extrêmement lourde en sortant de l’accord de Paris. Ce qui a eu pour conséquence qu’une série de pays, qui n’étaient pas très enthousiastes en 2015 mais qui avaient signé le texte, se sont demandés s'il fallait vraiment faire de tels efforts. La bonne volonté des gouvernements est moins forte qu’en 2015", ajoute Laurent Fabius.
Selon un rapport de l’ONU, les plus grands pays producteurs de carburant fossile veulent maintenant augmenter leur production, notamment les États-Unis, la Chine, la Russie, l'Arabie saoudite, l'Inde, le Canada et l'Australie. Une décision bien éloignée des principes de l’Accord.
Lueur d'espoir toutefois, le futur président américain Joe Biden a promis de revenir dans l’Accord de Paris dès le 20 janvier prochain juste après son investiture.
Manque de clarté
Mais ces cinq années écoulées ont fragilisé l'Accord. Le temps joue contre la planète. Ce n'est pas pour rien que l'on parle d'urgence climatique. Difficile aussi de quantifier les efforts. Selon Géraldine Pflieger, on navigue à vue, dans le brouillard.
"On ne sait pas aujourd’hui quelle est l’ampleur des actions mises en place par les États, ni si elles seront suffisantes pour inverser la tendance. Il y a un vrai problème de connaissance sur le chemin parcouru", ajoute la professeure.
Lors de la prochaine COP 26, en 2021 à Glasgow, un état des lieux de l'Accord de Paris sera effectué. Cette procédure est d’ailleurs ancrée dans les principes de l'accord: tous les cinq ans, les pays doivent communiquer leurs objectifs de réduction.
Natacha Van Cutsem/pwa
"Nous avons tremblé jusqu’au dernier moment"
Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères de François Hollande, était aussi le président de la 21e Conférence des parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 1992 (COP 21).
Son travail de président commence bien avant ce rendez-vous parisien. "J’y ai consacré énormément de temps trois ans avant le début de la conférence. J’avais rencontré tout le monde, plusieurs fois. Le dernier week-end avant la COP, j’avais pris un avion (pas très bon pour mon bilan carbone) pour rencontrer le président sud-africain, le Premier ministre indien et la présidente du Brésil, car il fallait encore les convaincre. Il s’agissait d’un travail de longue haleine."
Pour Laurent Fabius, l'enthousiasme de l'époque était tout à fait remarquable. Mais il a fallu énormément négocier. "Quand je suis entré dans la COP, il y avait 1600 paragraphes sur lesquels nous n’étions pas d’accord. Tout le travail était de les faire passer à zéro en 15 jours", se souvient l'ancien élu dans l'émission Tout un Monde.
Des conditions favorables
Les participants à ce sommet comprennent vite que Laurent Fabius "tient l'horloge", donne le cadre. "Je devais créer de la confiance. Il fallait que toutes les délégations se disent que, même si elles n’avaient pas obtenu le maximum, nous devions arriver à un accord. Si on ne réussissait pas ici, on n’y arriverait jamais."
"Les conditions internationales étaient favorables. Nous avions les Chinois, les Américains, les Européens et les Indiens qui étaient d’accord pour un succès. Il y avait beaucoup plus de multilatéralisme qu’aujourd’hui."
La partie était serrée, notamment avec les Etats-Unis. Le secrétaire d’Etat John Kerry était alors aux commandes de la délégation américaine. "Même si le président Obama avait dit qu’il souhaitait l’accord, les Etats-Unis avaient une position spécifique, car c’est un pays extrêmement riche qui est le deuxième émetteur de gaz à effet de serre", relate Laurent Fabius.
"L’autre difficulté venait du fait que le Sénat américain était rétissant. John Kerry devait refuser un certain nombre de clauses de l’accord, qui auraient pu être souhaitables, car il savait que le Sénat ne les aurait pas acceptées."
Le poids des mots
Le 12 décembre 2015, jour de l'annonce de l'accord, la présentation finale a été retardée de 2 heures à cause d'un mot que les Etats-Unis estimaient contraignant. Il était écrit le verbe "devra" en anglais shall, ce qui signifie une obligation. Les Américains le feront changer en "devrait" en should, soit uniquement une incitation.
Mais la délivrance arrive. "On a su le 12 décembre que ça allait fonctionner. Jusqu’au dernier moment, il y avait des hésitations. Il suffisait qu’un seul pays sur les 195 ne soit pas d’accord pour que tout capote", se souvient encore Laurent Fabius.