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La France marche sur des œufs avec sa loi sur l'islamisme radical

Jean Castex à l'issue du Conseil des ministres à L'Elysée, 09.12.2020. [Pool/AFP - Charles Platiau]
En France, le projet de loi controversé contre le séparatisme change de nom / Le 12h30 / 1 min. / le 9 décembre 2020
Pour renforcer la lutte contre l'islamisme radical, le gouvernement français a présenté mercredi une loi controversée contre les séparatismes. Elle est censée illustrer sa "fermeté absolue", avec plusieurs mesures choc.

Le texte, dont les contours avaient été dévoilés début octobre déjà par le président Emmanuel Macron, a été présenté à la mi-journée par le Premier ministre Jean Castex, après avoir été discuté en Conseil des ministres.

Avec des mesures allant de l'éducation aux associations en passant par la haine en ligne ou le financement des cultes (lire encadré), il doit répondre à ce qui est devenu l'une des inquiétudes majeures des Français, d'un attentat jihadiste à l'autre, jusqu'à la décapitation de l'enseignant Samuel Paty mi-octobre suivie 15 jours plus tard par un attentat dans une église de Nice ayant fait trois morts.

Pas une loi "contre les religions"

Cette loi "confortant les principes de la République" française n'est pas "contre les religions" mais vise "l'idéologie pernicieuse portant le nom d'islamisme radical", a assuré le Premier ministre Jean Castex.

"Ce projet de loi n'est pas un texte contre les religions, ni contre la religion musulmane en particulier", a-t-il souligné à l'issue du Conseil des ministres, en ajoutant: "C'est, à l'inverse, une loi de liberté, une loi de protection, une loi d'émancipation face au fondamentalisme religieux".

"L'hydre islamiste" dans le viseur

Si l'intitulé du texte a fluctué, de loi contre le communautarisme à loi sur les séparatismes, pour s'arrêter sur une "loi confortant le respect des principes de la République", il vise bien "l'hydre islamiste" et ses tentatives de constituer une "contre-société", selon l'expression d'Emmanuel Macron.

Mais l'exécutif marche sur des œufs, craignant d'être accusé de stigmatiser les musulmans, après de vives critiques et manifestations à l'étranger autour des caricatures de Mahomet.

Selon un sondage Via Voice commandé par le parti gouvernemental LREM en novembre, 88% des Français sont préoccupés par la montée de l'islamisme, dont 58% "très préoccupés".

afp/oang

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Pour combler les lacunes juridiques

Présenté le jour du 115e anniversaire de la loi de 1905 sur la laïcité, le texte comporte une cinquantaine d'articles appelés à combler les lacunes de l'arsenal juridique existant.

Il contient notamment des dispositions pour restreindre l'instruction à domicile qui concerne désormais 62'000 enfants, soit deux fois plus qu'en 2016.

La loi permettra aussi un contrôle accru du fonctionnement et du financement des associations et lieux de culte, dont les plus controversés ont été dissouts ou fermés ces dernières semaines.

Elle prévoit aussi un meilleur encadrement de la haine en ligne, crée un "délit de pression séparatiste" pour protéger les fonctionnaires victimes de menaces ou violences, ou encore consacre l'interdiction des certificats de virginité.

Des enjeux politiques

Politiquement, le texte devrait offrir quelques galons régaliens à un chef de l'Etat en quête d'un bilan en la matière, dans la perspective de l'élection présidentielle de 2022.

Mais les oppositions attendent de pied ferme le projet à l'Assemblée nationale française début 2021. La droite accuse le gouvernement de laxisme, à l'image du président des Républicains Christian Jacob pour qui Emmanuel Macron "voudra donner des signes à tout le monde, et ce sera l'immobilisme".

La contestation ne manque pas non plus à l'étranger, entre manifestations violemment anti-françaises au Bangladesh ou au Pakistan et protestations de dirigeants musulmans. Des critiques sont également venues de pays anglo-saxons.