La Banque d'Angleterre estime que la plupart des risques ont été contenus en vue de la fin de la période de transition post-Brexit, à l'issue de plus de quatre ans de préparatifs. Mais, selon elle, un "no deal" pourrait provoquer "une volatilité des marchés et des perturbations des services financiers", particulièrement pour les clients "basés dans l'UE".
En cas de "no deal", la banque Morgan Stanley prévoit ainsi un plongeon de l'indice boursier FTSE-250 de 6 à 10% et de 10 à 20% pour les actions bancaires, déjà laminées par la pandémie de Covid-19.
À partir du 1er janvier, le secteur financier britannique et la City de Londres vont perdre leur "passeport" européen, dispositif permettant de vendre – depuis le Royaume-Uni – produits et services financiers dans l'UE.
Equivalences
La City s'inquiète à présent de la négociation d'un régime d'équivalences, qui prévoit une compatibilité des règles afin de maintenir des échanges fluides sur certains services: des sésames d'une portée beaucoup plus restreinte – il y en a plusieurs dizaines régissant divers domaines des services financiers – et facilement révocables.
Par exemple, si l'Union européenne a déjà donné son feu vert à la compensation des produits dérivés, elle ne l'a pas accordé encore aux échanges de ces produits qui représentent des centaines de milliards de livres de transactions quotidiennes.
Les banques et institutions financières ont pris des mesures techniques pour assurer une fluidité des transactions, en cas d'échec des négociations bilatérales, et les gouvernements des deux côtés de la Manche ont légiféré pour assurer une continuité des contrats d'assurance ou de gestion d'actifs.
"Si le Royaume-Uni et l'Union européenne ont une relation plus acrimonieuse, cela pourrait prendre encore plus longtemps pour des équivalences", relève Sarah Hall, du centre de réflexion The UK in a Changing Europe.
Transferts à Paris et Francfort
Une grande partie des institutions financières britanniques ont déjà installé ou étoffé leurs équipes et bureaux dans l'Union européenne de Paris à Francfort en passant par Amsterdam pour pouvoir y transférer une partie de leurs activités: 7500 personnes selon le cabinet EY, une fraction des plus de 500'000 personnes qui travaillent dans la City.
D'après EY, les entreprises financières ont aussi déjà transféré plus de 1200 milliards de livres sterling d'actifs vers l'UE depuis le vote du Brexit.
En cas de divorce non coopératif avec Londres, la Commission européenne pourrait compliquer la tâche de ces filiales britanniques en leur demandant plus de capitaux propres ou de personnel avant de leur accorder une licence d'activité. Les transferts de données personnelles pourraient aussi se voir compliqués, car la Commission européenne n'a pas encore validé les normes de protection de données britanniques.
Arrêter les frais
Les banques et sociétés d'investissement pourraient alors choisir d'obtempérer – ce qui serait compliqué par le Covid-19 et les freins aux déplacements des personnes – ou de renoncer à certains clients ou activités devenues potentiellement trop coûteuses et risquées, remarque Simon Gleeson, du cabinet d'avocats Clifford Chance.
D'autant que, éprouvées par la pandémie et un environnement difficile de taux d'intérêt bas ou négatifs, elles n'ont pas beaucoup de "surplus de capital disponible", fait-il remarquer.
Certaines ont déjà pris les devants en fermant les comptes de certains clients britanniques installés dans l'UE, ce qui touche pour l'instant quelques dizaines de milliers de personnes, mais pourrait s'accélérer.
Le marché des dérivés pourrait être particulièrement touché. La Banque d'Angleterre soulignait vendredi que "certaines sociétés européennes, au vu de la directive de Bruxelles sur les dérivés obligataires, pourraient ne plus être en mesure de procéder à des échanges de ces produits sur les sites britanniques et inversement".
Ce qui risque de se traduire d'après la Banque d'Angleterre par un exode des activités de courtage de dérivés vers "d'autres juridictions", notamment Wall Street.
ats/sjaq
Les tentatives de traversée de la Manche redoublent
La politique de Londres à l'égard de la migration à partir du 1er janvier 2021 suscite de nombreuses questions et craintes, notamment du côté des clandestins qui cherchent à gagner le Royaume-Uni. Alors que le jour J approche, les tentatives de passage sont en forte augmentation. Et les procédures douanières liées au Brexit provoquent depuis quelques semaines des embouteillages propices à les faire augmenter encore davantage.
"Ils ouvrent la porte, comme ça, pour passer vers l'Angleterre. Il peuvent être 12, 13", a confié à la RTS un chauffeur de camion portugais interviewé dans une station service à l’entrée du port de Calais. Elle est cernée par des plaques de béton de trois mètres de haut surmontées de fils barbelés.
"Ils peuvent se cacher au niveau des essieux, ou derrière entre la cabine et la remorque... Il y a plein de cachettes, mais ça les met en danger. Il faut faire très très attention à ça", relate pour sa part un routier français.
Amendes et menaces
Le secrétaire général de la Fédération nationale du transport routier pour le nord pas de Calais Sébastien Rivera, lui, recommande aux chauffeurs d'éviter de s'arrêter dans des parkings non sécurisés aux abords du port et du tunnel sous la Manche.
Outre des amendes qui peuvent aller jusqu'à 2000 livres (2360 francs suisses) par clandestin découvert par les douaniers anglais, il évoque des cas de blocages de camions ou de menaces exercées par les personnes qui tentent de passer. "On a de plus en plus de conductrices et conducteurs qui nous disent: 'on ne veut plus faire de l'Angleterre'", constate Sébastien Rivera.
Sujet radio: Alexandre Habay
Adaptation web: Vincent Cherpillod