"Quand vous êtes en pleine mer, par moment, l’eau est comme acide. Et quand elle touche votre corps, c’est horrible… Je ne souhaite à personne de vivre ce que j’ai vécu. Même pas à mon pire ennemi": Jack a été traumatisé par sa traversée sur une pirogue. Il a fui la Sierra Leone après l'assassinat de toute sa famille. Il est arrivé sur l’île de la Grande Canarie le 12 novembre dernier, tout comme son compagnon d'infortune Hamady.
Parti du Mali, ce dernier a dû tout quitter pour fuir les djihadistes. "Là-bas, le désespoir et la guerre n'en finissent pas. Je ne pouvais plus continuer comme cela. L'Europe est synonyme de liberté et de démocratie."
Voie migratoire à hauts risques
La route des Canaries est en fait la réactivation d’une voie migratoire à hauts risques qui était très empruntée au début des années 2000, explique Roberto Batserreche, chef du centre de coordination des secours du Salvamento Marítimo à Las Palmas, dans le 19h30.
"Il y a plusieurs voies: soit ils partent du Maroc, dans de petits bateaux pneumatiques. La traversée dure alors deux jours. Soit ils partent du Sénégal. Mais dans ce cas, le voyage prend au moins 8 ou 10 jours."
Pas d'eau, pas d'électricité
Face à cette crise migratoire, les stations balnéaires de l'archipel sont devenues des hébergements d'urgence pour migrants. Les autorités espagnoles ont par exemple installé des tentes dans un ancien camp militaire qui n'est raccordé ni à l'eau, ni à l'électricité. Des conditions d'accueil que dénoncent les associations d’aide aux réfugiés.
"Il y a une augmentation très forte du nombre d’arrivées, mais ce n’est pas une surprise. On savait que la pandémie allait provoquer des mouvements migratoires", explique Txema Santana, porte-parole de la Commission espagnole d'aide aux réfugiés. "Mais ces arrivées massives ont montré que le gouvernement a agi trop tard et mal."
7000 migrants bloqués
Les renvois dans leurs pays d’origine étant à l’arrêt pour cause de Covid, les migrants sont aujourd'hui près de 7000 à être bloqués aux Canaries. Le gouvernement refuse également de les transférer vers la péninsule.
Une situation qui désespère les habitants de l'archipel qui n'hésitent pas à manifester pour demander de "freiner cette invasion". "Les touristes vont bientôt revenir dans nos hôtels, mais ils ne viendront pas s’il voient qu’il y a des migrants", déplore Carmelo Suarez, porte-parole d'un collectif de défense du tourisme.
Pour éviter que la situation ne dégénère, les associations en charge de l’hébergement des réfugiés leur demandent désormais de ne pas sortir de leurs hôtels.
Sujet TV: Marie Bolinches
Adaptation pour le Web: Fabien Grenon